Tunisie

La Tunisie en récession deux trimestres successifs – Actualités Tunisie Focus

Techniquement, il faut au moins deux trimestres successifs avec des taux de croissance négatifs pour déclarer un pays en récession économique. Pour le 3eme et 4 ème trimestres 2023, la Tunisie a enregistré respectivement des taux de croissance négatifs de -0.3 de -0,2%. C’est grave, le pays s’enfonce dans une crise économique qui s’empire de jour en jour.

Ce n’est pas anodin et cela demande des explications. J’en procure dix constats explicatifs.

1- Malgré la reprise du secteur touristique pour la saison estivale, l’activité économique globale a été récessive et destructrice d’emplois depuis le mois de juin dernier. Et cette récession a généré dans son sillage plusieurs fermetures d’entreprises. Le taux de chômage a connu pour un saut de presque un point de pourcentage, passant de 15,8 à 16,4%. Il faut dire que le secteur touristique a accusé le coup, avec la guerre à Gaza, depuis début octobre.

2- la récession économique en Tunisie, est aussi liée à un certain essoufflement des économies européennes. La guerre en Ukraine, les mouvements de grève des agriculteurs en France ont de manière indirecte pénalisé les échanges économiques avec la Tunisie. Les exportations d’huiles d’olives ont baissé en quantité, celles des fruits de mer, des agrumes ont aussi fléchi, durant le dernier trimestre de 2023.

3- Durant le dernier trimestre de 2023, l’investissement public et privé a marqué le pas. Les taux d’intérêt sont restés très élevés pour pouvoir financer des grands projets et programmes de relance. L’épargne privée détenue par les banques a été canalisée pour financer les déficits budgétaires, et indirectement les salaires des fonctionnaires. Les banques n’ont pas aidé l’économie, en la privant des liquidités requises, à des taux acceptables et rapidement.

4- Les pénuries de certains produits alimentaires, le manque de certains médicaments et la morosité ambiante seraient des facteurs qui mettent le doute chez les citoyens, qu’ils soient des consommateurs ou encore des producteurs. Un ralentissement de la consommation finale est palpable.

5- Étant basée sur les services (62% du PIB), l’économie tunisienne est plus vulnérable aux fluctuations du tourisme, du commerce et des échanges. Les chiffres publiés au sujet de la croissance indiquent que récession a été générée par le recul observé dans les activités de transport et entreposage, dans le commerce notamment. Même si les secteurs de transformation industrielle, de la construction et des produits de construction ont aussi fléchi. Les secteurs agricole, gazier, du phosphate ont suivi la tendance baissière.

6- Le fléchissement dans tous ces secteurs survient dans un contexte de fortes tensions socio-politiques qui peuvent handicaper les chiffres de la croissance et de l’emploi à venir pour le premier trimestre de 2024.
Ces mauvaises nouvelles se traduisent par des pertes d’emplois et des manques à gagner pour le budget de l’Etat. Ce dernier étant déjà fortement déficitaire, et en quête de financement international.

7- Le FMI a mis à jour ses modèles et ses prédictions annonçant déjà une inflation qui frôlerait les 9,8% prochainement et prévient que la monétisation de la dette par le recours à la planche à billet va encore fragiliser la valeur du dinar et donc le pouvoir d’achat des citoyens.

8- La Tunisie multiplie les contre-performances en ce début de 2024, année électorale par excellence. Le président Kais Saied va certainement se représenter à sa succession. A l’évidence, il fait tout pour se représenter en position dominante, la plupart des candidats potentiels sont en prison et certains sont déjà condamnés pour des lourdes peines.

9- La Tunisie a besoin d’un plan de relance économique. Ce plan doit comporter des réformes douloureuses, amenant l’Etat à sabrer dans ses gaspillages et ses sureffectifs. Il doit moderniser l’Etat et améliorer ses performances. Le même plan doit aussi restaurer la confiance et amener les opérateurs économiques à investir et redoubler d’effort, notamment au niveau de la productivité du travail, dans tous les secteurs et régions du pays.

10- Les élites politiques et médiatiques doivent relayer le message et mobiliser pour plus de productivité, afin rompre avec ce cercle vicieux et ce marasme économique, dévastateur pour les classes moyennes, et les 700 000 chômeurs qui peuvent perdre confiance. La restauration du sens du travail et de la valorisation du capital humain constitue le principal levier de la relance économique pour les prochains mois.

Moktar Lamari, Economics for Tunisia, E4T

Le graphique suivant produit par si Monji Ben Chaaben fait le portrait des secteurs en récession.