Suisse

Pourquoi la Bourse suisse séduit les sociétés chinoises

Jos Dijsselhof est le directeur général de SIX depuis décembre 2017. Rene Pianezzi

La Bourse suisse a déjà accueilli treize sociétés chinoises. «Les bonnes relations historiques entre la Suisse et la Chine ont joué un rôle clé», affirme Jos Dijsselhof, CEO de SIX, qui anticipe une continuation de cet engouement.  

Ce contenu a été publié le 11 mai 2023




Chine-Suisse Stock ConnectLien externe»] entre SIX et les Bourses de Shenzhen et de Shanghai, ces entreprises chinoises ont saisi la possibilité d’être également cotées dans notre Bourse par le biais de «certificats internationaux de dépôt» (GDR).

Naturellement, les bonnes relations historiques entre la Suisse et la Chine ont joué un rôle clé. En 2023, nous avons d’ailleurs déjà accueilli quatre autres sociétés chinoises alors que d’autres dossiers sont en préparation. Et selon certains médias, CATL, le leader mondial des batteries automobiles, prévoirait même de lever 5 à 8 milliards de dollars par le biais de notre Bourse.  

Il existe également des accords similaires entre des Bourses chinoises et celles de Londres et Frankfort.

En effet. Reste que non seulement nous avons pris de court ces Bourses européennes mais, en plus, ces dernières ont pour l’instant accueilli très peu de sociétés chinoises.

«Concernant les cotations chinoises, nous avons pris de court les Bourses de Londres et Frankfurt»

End of insertion

Est-ce que les sociétés chinoises cotées sur SIX ont de réelles activités génératrices d’emplois en Suisse?  

Pour l’instant, ces sociétés ont levé des fonds par le biais de notre Bourse mais je sais que plusieurs d’entre elles ont l’intention de mettre sur pied des centres de recherche ou des usines en Suisse, voire dans l’Union européenne.

Pourquoi est-ce que les sociétés chinoises cotées sur SIX génèrent si peu de transactions boursières?

Pour l’heure, leurs certificats sont en effet peu achetés ou vendus sur notre Bourse. Néanmoins, lorsque ces sociétés auront plus d’activités physiques en Suisse et en Europe, elles se mettront certainement à faire des «roadshows» [tournées des investisseurs] en Europe et cela aura une influence positive sur leurs volumes de transactions boursières.

Sur la base du «Chine-Suisse Stock Connect», pensez-vous que certaines sociétés suisses opteront pour une cotation sur les Bourses de Shanghai ou de Shenzhen?

Je l’espère mais cela n’est pas encore le cas. Mais il faut aussi comparer ce qui est comparable car le nombre de sociétés cotées est approximativement 400 fois plus grand en Chine qu’en Suisse.

Quelle est votre évaluation des risques dus à votre proximité avec la Chine?

Prédire les risques géopolitiques n’est pas un exercice facile. En raison de certains développements, des mesures nationales sont parfois prises, par exemple des sanctions à l’encontre de la Russie. Nous respectons bien sûr l’ensemble des exigences légales. De plus, nous nous concentrons sur les besoins des entreprises et notre rôle n’est pas de faire de la politique ou de prendre position sur les gouvernements. Lorsqu’une entreprise remplit les exigences légales d’une cotation, elle est admise à la Bourse.

«Nous nous concentrons sur les entreprises car notre rôle n’est pas de faire de la politique»

End of insertion

Afin d’assurer un équilibre géographique, envisagez-vous de mettre en place d’autres accords similaires, par exemple avec des pays émergents tels que l’Inde ou le Brésil?

Pas pour l’instant car nous sommes trop occupés avec nos divers projets en cours. À une date ultérieure, cela est possible pour autant que nous ayons le soutien des autorités suisses et des pays partenaires potentiels. Je soulignerai aussi que la Bourse espagnole, qui fait partie de SIX, a un accord similaire, le Latibex, avec des pays d’Amérique latine.

Abstraction faite des sociétés chinoises, êtes-vous un peu surpris par le nombre réduit de nouvelles cotations sur SIX?

Globalement, l’année 2022 a en effet été une mauvaise année pour les nouvelles cotations en Bourse, notamment à cause des incertitudes géopolitiques et des basses valorisations. Heureusement, nous savons qu’un bon nombre d’entreprises n’attendent que le moment propice pour rentrer en Bourse.

Quelques sociétés se sont récemment retirées de la Bourse suisse pour «favoriser l’innovation et une approche sur le long terme». Qu’en pensez-vous?

Les sociétés qui décident de sortir de la Bourse restent un phénomène complètement marginal. Je ressens même un mouvement en direction inverse car une cotation offre de multiples avantages, par exemple la transparence, la visibilité et, bien sûr, la capacité de financement sans devoir payer des intérêts comme dans le cas de prêts bancaires. 

Certaines jeunes sociétés suisses en forte croissance (On, AC immune, etc.) ont préféré entrer en bourse aux États-Unis pour se rapprocher des investisseurs et du grand marché américain.

Si les États-Unis sont réellement leur cible principale et qu’ils souhaitent être comparés avec des sociétés américaines, à l’instar de Nike, je peux suivre leur raisonnement même si je le fais un peu à contrecœur.

Il y a deux ans, SIX a lancé la Swiss Digital Exchange (SDX), c’est-à-dire la bourse numérique suisse. En termes de volume, quelle est l’importance relative du SDX?

Avec cette initiative, nous avons été précurseurs. Aujourd’hui, cette bourse numérique ne représente que 3 à 5% des volumes de notre Bourse traditionnelle mais le SDX est un projet générationnel. Nous avancerons aussi rapidement que souhaité par notre clientèle.

Êtes-vous toujours satisfait avec l’acquisition de BME, la Bourse espagnole?

Absolument. Nous avons acquis BME il y a trois ans pour accroître notre chiffre d’affaires, notre profitabilité et le nombre de nos clients. Politiquement, c’était également un moyen d’avoir un pied dans l’Union européenne. Pour éviter des investissements trop importants, nous n’avons pas encore intégré les systèmes informatiques de cotation de nos deux Bourses mais, à longue échéance, je suis certain que nous le ferons. 

Envisagez-vous d’acquérir d’autres Bourses étrangères?

Organiquement, notre but est d’atteindre une croissance annuelle de 4%, tout en faisant en sorte que nos marges passent de 31% (résultats en 2022) à 40%. Quant aux acquisitions, nous sommes ouverts aux opportunités dans l’ensemble de nos secteurs d’activités et pas seulement dans les Bourses, pour autant que nos critères de synergies et de rentabilité soient satisfaits. Pour l’instant en tout cas, il n’a pas vraiment de Bourses à acheter en Europe donc les éventuelles acquisitions dans ce domaine seront plutôt extra-européennes. 

Texte relu et vérifié par Samuel Jaberg

Articles mentionnés

En conformité avec les normes du JTI

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative