Suisse

La Suisse fait des coupes dans son réseau diplomatique – mais où?

Le ministre suisse des Affaires étrangères Ignazio Cassis a confirmé qu’un plan d’économies était en cours, mais sans livrer de détails. Keystone / Hannah Mckay

La Confédération doit économiser 10 millions de francs dans son réseau diplomatique extérieur. Au détriment des Suisses de l’étranger? Leur lobby se montre combatif. La décision sera prise à l’automne.

Ce contenu a été publié le 05 juillet 2023




NZZ am SonntagLien externe.

Programme en cours

Il est désormais clair que le programme d’économies est en cours. «Nous sommes pleinement engagés dans sa mise en œuvre», a déclaré la semaine dernière le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis, dans le cadre d’une conférence de presse, en réponse à une question de swissinfo.ch. Mais en quoi consistent précisément ces mesures d’économie? Le chef de la diplomatie suisse a éludé cette question.

Sur demande de swissinfo.ch, le service de communication du DFAE a toutefois livré quelques détails, dont la somme visée: ce sont 10 millions de francs qui doivent être économisés dans les représentations suisses à l’étranger. L’ensemble du réseau diplomatique coûte 495 millions de francs par an. Les économies visées représentent donc 2% de ce montant.

Comparativement à d’autres pays, le réseau extérieur de la Suisse est important. Il comprend actuellement 103 ambassades, 29 consulats généraux, 19 bureaux de coopération, 12 missions permanentes et quatre autres représentations.

Une OSE combative

Lorsque la Suisse ferme l’une de ses représentations, c’est toujours un affront pour la communauté des Suisses de l’étranger. Les consulats sont le lien le plus proche avec la patrie, une visite est souvent inévitable – et d’autant plus pénible que le trajet est long.

«Pour nous, le maintien de services consulaires de qualité est et reste une priorité absolue», déclare Ariane Rustichelli. Selon la directrice de l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE), ces services doivent répondre aux besoins des Suisses de l’étranger et à leur répartition géographique.

Ariane Rustichelli rappelle que le maintien du réseau consulaire est l’un des sept points du manifeste électoralLien externe de l’OSE. Avec ce manifeste, le lobby des Suisses de l’étranger sensibilise les politiques et les autorités à ses préoccupations centrales pour la législature 2023-2027, avec, ces dernières semaines, un accent particulier mis sur les candidats et candidates aux élections fédérales du 20 octobre 2023.

«Nous allons bien entendu discuter de ce sujet avec le directeur de la Direction consulaire, annonce la directrice de l’OSE. Et sur la base des réponses reçues, nous déciderons quelle suite donner». Selon le DFAE, des décisions définitives sur les mesures d’économie concrètes ne sont pas attendues avant l’automne.

Extension pour faire face aux crises humanitaires

Dernièrement, la Suisse a même étendu son réseau consulaire, du moins en matière de dotation en personnel. Dans le cadre d’un projet actuel, 35 postes seront transférés de Berne vers le réseau extérieur. Ce transfert a été lancé en 2021 et est toujours en cours. Est-il désormais stoppé? «Non, la mise en œuvre se trouve actuellement dans sa phase finale», indique le DFAE.

L’extension est une mesure qui doit être interprétée comme une réaction aux crises plutôt que comme un service pour les Suisses à l’étranger. Les représentations à Istanbul, Téhéran et Islamabad ont par exemple ressenti la prise de pouvoir des talibans en Afghanistan en 2021. «Elles ont été submergées de demandes de visas humanitaires. Nous avons dû apporter un soutien massif depuis Berne», expliquait il y a un an le directeur de la Direction consulaire Johannes Matyassy à swissinfo.ch.

Mais au-delà des besoins des Suisses de l’étranger, il y a aussi des questions de sensibilité. En effet, les représentations ne sont pas seulement des consulats. Elles font également office de hubs pour la politique économique extérieure de la Suisse et de plaques tournantes pour sa coopération au développement.

Quelles économies?

Pour réaliser les économies demandées, qu’est-ce qui va être biffé et sur la base de quels critères? swissinfo.ch a posé au DFAE des questions détaillées sur la définition des priorités. Il s’agissait notamment de savoir si la taille de la communauté des Suisses de l’étranger était prise en compte dans l’évaluation des possibilités d’économies.

Nous avons également demandé si des aspects géographiques, de personnel ou d’infrastructure jouaient un rôle dans les efforts d’économies. Le DFAE indique que des variantes sont en cours d’élaboration. «La définition de mesures concrètes se fait sur la base des priorités géographiques de la stratégie de politique étrangère et de ses sous-stratégies», écrit le département. Ce dernier prendra des mesures de priorisation qui «tiennent compte des intérêts de la Suisse en matière de politique étrangère et des ressources disponibles».

Seulement voilà, la stratégie de politique étrangère de la Confédération a été élaborée en 2019 et est entrée en vigueur début 2020. Elle a quatre ans, une période riche en développements dramatiques et certains éléments sont dépassés.

Cette stratégie accorde par exemple une grande importance à l’offensive commerciale de la Chine, connue sous le nom de «nouvelle route de la soie». Sur ce point, le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis a dû faire marche arrière. Il a présenté en 2021 une nouvelle stratégie pour la Chine qui tient compte de la présence de plus en plus autoritaire de cette grande puissance sur la scène internationale.

Présence onéreuse en Russie

La situation a même changé de manière dramatique pour un autre point stratégique de la Suisse: la Russie. C’est justement à Moscou que la Suisse avait ouvert en 2019 ce qui est sans aucun doute la plus belle ambassade de son réseau extérieur, un bâtiment de 42 millions de francs où travaillent 70 personnes. Cet investissement a largement dépassé celui que la Suisse a consenti pour renforcer sa présence à Washington, qui avait coûté en 2006 un montant relativement modeste de 17 millions de francs.

La construction de la nouvelle ambassade suisse de Moscou a demandé un effort financier important. © Keystone / Petra Orosz

Quant à l’ambassade de Suisse en Biélorussie, elle n’a ouvert qu’en 2020. Les réflexions y étaient similaires à celles menées en Russie: prendre pied tôt et fermement dans un marché supposé en pleine croissance. Le président biélorusse Alexandre Loukachenko était un gros client du constructeur de trains suisse «Stadler Rail». On espérait chez lui, comme chez Vladimir Poutine, un «changement par le commerce».

Cela n’a pas fonctionné. Peu après leur ouverture, les représentations mises en place pour favoriser le commerce extérieur ont été prises dans la tourmente de la guerre en Ukraine. Pour les entreprises, la Russie et la Biélorussie sont devenues des zones où il ne faut pas aller en raison de la menace de sanctions internationales.

Combien coûtent ces représentations? «Le budget 2023 de l’ambassade à Moscou, du consulat général à Saint-Pétersbourg et de l’ambassade à Minsk s’élève à 11 millions de francs», répond le DFAE.

Traduit de l’allemand par Olivier Pauchard

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