Suisse

Décès de Dick Marty, personnalité et politicien d’exception

Dick Marty, ancienne grande figure de la politique et de la justice suisses, a longtemps vécu sous surveillance policière maximale (archives).
KEYSTONE/LUKAS LEHMANN sda-ats

Ce contenu a été publié le 28 décembre 2023 – 16:34




(Keystone-ATS)

L’ancien député radical et procureur général du Tessin Dick Marty est mort jeudi, à l’âge de 78 ans. Celui qui fut aussi rapporteur au Conseil de l’Europe et membre de la Commission des droits de l’homme de l’OSCE avait acquis une notoriété internationale.

La mort de M. Marty, qui a consacré une bonne partie de sa carrière à combattre les systèmes mafieux et à défendre les libertés, a été confirmée par le PLR Suisse à Keystone-ATS.

Né en 1945 à Lugano, Dick Marty a été procureur du Tessin de 1975 à 1989 puis conseiller d’Etat, avant de siéger durant seize ans au Conseil des Etats, de 1995 à 2011. C’est durant cette période qu’il a été délégué à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe à Strasbourg, dès 1998.

Il s’y est fait connaître comme enquêteur spécial sur les très contestés transports de prisonniers de la CIA et les prisons secrètes américaines en Europe.

Menaces de mort et haute surveillance

Cette ancienne grande figure de la politique et de la justice suisses a longtemps vécu sous surveillance policière maximale, dès fin 2020. La Confédération avait été alertée que les services de renseignement serbes auraient cherché à assassiner M. Marty.

« Les services serbes ont demandé à la pègre de me liquider, tout simplement pour faire retomber la faute sur les Kosovars », a-t-il confié au printemps 2022.

Car le nom de Dick Marty a aussi étroitement été associé au Kosovo. En 2010, en tant que rapporteur spécial du Conseil de l’Europe à Strasbourg, le Tessinois avait dénoncé un trafic d’organes conduit dès 1999 par l’Armée de libération du Kosovo.

Ses dénonciations pour crimes de guerre des milices kosovares contre la Serbie ont débouché sur l’inculpation en 2020, devant le Tribunal spécial de La Haye sur le Kosovo, de l’ancien président kosovar Hashim Thaci.

Au plan national, Dick Marty s’est aussi fait connaître par sa présidence de feu l’Assemblée interjurassienne de 2011 à 2017, dans le cadre du conflit jurassien. Il a également été président de Suisse Tourisme pendant près de dix ans (1996-2007) et a présidé pendant trois ans le Conseil de l’Université de Neuchâtel, dès 2010.

Parallèlement à son parcours politique et de défenseur des grandes causes, comme le combat contre la torture mais aussi contre le dopage dans le cyclisme, Dick Marty a exercé à temps partiel comme conseiller en droit et en économie.

Homme de grande envergure

Dans un hommage fort, le PLR tessinois regrette le décès d’une personnalité « de la plus haute envergure ». Dick Marty, écrit le parti, « laisse un vide incombable dans le paysage politique et social tessinois ». Au-delà, l’homme « était parvenu au fil des années à gagner le respect et la considération au niveau national et international ».

Lors de ses enquêtes au Conseil de l’Europe, M. Marty s’est profilé comme un ardent défenseur des droits de l’homme, rappelle le PLR tessinois. Il a pris des risques, « qu’il a toujours affrontés avec courage et en suivant ses principes et son devoir institutionnel ».

Pas toujours parfaitement dans la ligne de son parti, M. Marty est toujours resté fidèle à ses valeurs, avec la défense de l’individu et des libertés au coeur de son action, ajoute le parti. Qui conclut en mettant en exergue son charisme et sa profondeur de pensée, avec « sa voix qui inspirait le respect ».

« Crise démocratique »

Dans une interview parue début décembre dans La Liberté et Le Courrier, Dick Marty, souvent fin observateur, avait estimé que « la démocratie en Suisse traversait sa crise la plus importante depuis le siècle dernier. On assiste à un déplacement du pouvoir vers l’exécutif, au détriment du législatif et du judiciaire », déplorait-il.

M. Marty a cité l’exemple des contrats à hauteur de milliards de francs pour des vaccins anti-Covid. « Aucune information sur le sujet n’a été rendue publique. Or, un des principes cardinaux de la démocratie est justement la transparence », a-t-il constaté, critiquant par ailleurs « le recours du Conseil fédéral au droit d’exception ».