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Pour Joe Biden, une visite de cinq jours en Irlande pour consolider la paix

L’influence des racines irlandaises du président

Ce long séjour dans ce petit pays s’explique en grande partie par la position centrale de cette ancienne poudrière politique dans les tensions britannico-européennes depuis le Brexit. Une position centrale à laquelle Joe Biden s’intéresse depuis quelques années déjà. Dès septembre 2020, celui qui n’était alors que le candidat démocrate à la présidence avait fait savoir qu’il suivait de près les désagréments sur le protocole nord-irlandais, qui régit les échanges entre le Royaume-Uni et la République d’Irlande depuis le Brexit. “Nous ne pouvons pas permettre que l’accord du Vendredi Saint, qui a apporté la paix en Irlande du Nord, devienne une victime du Brexit, ” écrivait-il sur le réseau social Twitter. Avant de prévenir le Premier ministre britannique Boris Johnson que “tout accord commercial entre les États-Unis et le Royaume-Uni doit être subordonné au respect de l’accord (de paix) et à la prévention du retour d’une frontière dure” entre les deux Irlande.

Loin de s’adoucir, ses remarques se sont durcies après son élection. En mai 2022, son porte-parole avait appelé la Commission européenne et le gouvernement britannique “à poursuivre le dialogue afin de résoudre les différends et de mener à bien les négociations”. Non sans noter que cette voie pacifique “exige du courage, de la coopération et du leadership”, une pique une fois de plus dirigée vers l’ancien maire de Londres, prêt à aller au conflit avec l’UE via le passage d’une loi rejetant unilatéralement certains aspects du protocole.

Cette préoccupation de Joe Biden pour un protocole nord-irlandais très spécifique pourrait surprendre de la part d’un politicien américain de premier plan. D’autant que la politique étrangère des États-Unis est généralement soumise à ses intérêts commerciaux, en l’occurrence la signature d’un accord de libre-échange avec le Royaume-Uni. Joe Biden diffère pourtant de ses collègues, tant son origine irlandaise – qu’il rappelle à l’envie – et ses valeurs irlandaises semblent avoir joué un rôle majeur dans sa construction personnelle. Son intérêt est peut-être renforcé par le fait que la ville d’origine de sa famille se situe à quelques kilomètres de la frontière avec l’Irlande du Nord.

Le Royaume-Uni se repositionne face à Washington

Conscient de cette situation, Rishi Sunak a opté pour le tenir lui-même au courant de l’avancée des négociations avec les Européens. À l’annonce de la modification du protocole le 27 février, le président américain a ainsi applaudi “toutes les parties qui ont travaillé sans relâche pour trouver une solution qui protège la place de l’Irlande du Nord au sein du marché intérieur du Royaume-Uni et du marché unique de l’UE, dans l’intérêt de toutes les communautés d’Irlande du Nord”. Avant de célébrer les “possibilités économiques créées par cette stabilité et cette certitude”, et de rappeler que “les États-Unis sont prêts à soutenir le vaste potentiel économique de la région”.

Ces mots ont marqué un tournant stratégique. Joe Biden a enfin cité les intérêts du gouvernement britannique, plutôt que de ne considérer que le point de vue de l’UE. Cette nouvelle approche devrait être reprise ces prochains jours. Outre la présence de forts intérêts américains en République d’Irlande, à travers de nombreuses entreprises telles Amazon et Apple, son administration a sans doute estimé que s’adresser aux communautés catholiques et protestantes, républicaines et unionistes, était le meilleur moyen de ramener le calme en Irlande du Nord. Il pourrait ainsi contourner les arguments idéologiques du Parti démocratique unioniste (DUP), opposé à la nouvelle mouture d’un protocole qui aux yeux de ce dernier les maintient éloignés du reste du Royaume-Uni. D’autant plus que leur opposition semble inéluctable : le Brexit, en faveur duquel le DUP avait fait campagne, oblige l’Irlande du Nord à avoir un statut légèrement différent du reste du Royaume-Uni.