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Les Turcs d’Allemagne se rendent aux urnes : « Le poids des trois millions d’électeurs turcs à l’étranger pourrait être déterminant cette année »

Un sac de légumes à la main, Ragip, installé à Berlin depuis 25 ans, se dit confiant pour son “champion”, l’actuel président Erdogan. “Bien sûr que je vais voter de nouveau pour lui, assure-t-il. Il n’y a personne d’autre pour nous diriger “, juge ce quinquagénaire. Soutien du parti AKP, il dit ne pas se laisser influencer par la très forte inflation qui sévit en Turquie – 73 % l’an dernier selon des statistiques officielles. “Ici aussi l’inflation est forte. C’est partout pareil “, juge-t-il.

Un peu plus loin, un maraîcher installé à Berlin depuis cinq ans, est moins enthousiaste. “Cette fois je ne voterai pas AKP, avoue-t-il. Il n’y a aucune justice dans la société turque. Les gens travaillent et ne gagnent rien”, constate-t-il. De-là à apporter sa voix à l’opposition, il y a un pas qu’il ne franchira pas. Pour Fuat, ce sera l’abstention cette année.

Les Kurdes sous extrême pression à la veille des élections en Turquie

Un électorat généralement favorable au président sortant

Le vote des électeurs turcs d’Allemagne revêt un poids symbolique important pour l’actuel président Erdogan, au pouvoir depuis vingt ans. “Dans les pays où il y a beaucoup de “travailleurs invités”, comme en Allemagne, en France et en Belgique, Recep Tayyip Erdogan obtient des scores beaucoup plus élevés qu’en Turquie car ces électeurs sont plus conservateurs et religieux”, rappelle Haci Halil Uslucan, du centre d’études turques d’Essen (ZFTI). En 2018, 64,8 % des électeurs turcs en Allemagne lui avaient en effet donné leur voix, contre 52 % en Turquie même. “Le poids des 3 millions d’électeurs turcs à l’étranger ne doit pas être exagéré mais cette année il pourrait être déterminant si les élections présidentielles sont aussi serrées qu’annoncé “, ajoute Haci Halil Uslucan.

Son collègue Caner Aver, lui aussi membre du centre d’études turques d’Essen, prévoit toutefois des résultats plus serrés en Allemagne cette année. “Erdogan et son parti vont certainement perdre une part de leur domination car certains des électeurs conservateurs sont frustrés par la mauvaise situation économique en Turquie et vont certainement s’abstenir “, constate le politologue.

Du côté de l’opposition, menée par Kemal Kilicdaroglu du parti CHP, on veut croire que 2023 marquera le départ d’un président devenu des plus autoritaires. Si l’Allemagne accueille depuis les années 1980 de nombreux réfugiés politiques, notamment kurdes, elle accueille aussi depuis 2016 des académiciens et opposants gulénistes poursuivis par le régime d’Ankara.

Près du marché de Kreuzberg, Kenan Kolat, présentant du CHP, distribue ainsi des tracts aux passants. Confiant sur l’issue du scrutin national, il se veut toutefois réaliste sur le vote en Allemagne. “Le résultat sera très serré, prévoit-il. Les gens nous disent plus facilement vouloir voter pour nous que par le passé. C’est bon signe. Nous les incitons donc à aller voter car plus le taux de participation est élevé, plus nous aurons de chances de l’emporter. “La participation électorale des Turcs en Allemagne est en effet par habitude inférieure à 50 %. Un taux qui, vu l’enjeu du scrutin, pourrait être dépassé cette année.


Malade, le président turc a annulé ses engagements prévus ce mercredi

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a annoncé l’annulation, pour raisons de santé, de ses trois apparitions publiques prévues mercredi, à 18 jours de l’élection présidentielle du 14 mai. Agé de 69 ans, le chef de l’État avait déjà dû interrompre mardi soir pendant une quinzaine de minutes une interview en direct à la télévision pour cause de “grippe intestinale”, avait-il précisé. (Belga)