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Guerre en Ukraine: Moscou fourbit ses armes pour la contre-offensive ukrainienne

Mais Moscou a tiré les leçons des échecs du passé et table, une fois encore, sur une guerre longue qu’elle se dit sûre de remporter.

Fortifications

Les installations russe s’étendent de Kherson, au sud, jusqu’au nord-est de l’Ukraine, soit entre 800 et 900 kilomètres. Une accumulation de « couches de fortifications et de tranchées », explique à l’AFP Brady Africk, du think-tank American Enterprise Institute.

« Cela inclut des fossés anti-tanks, des barrières, des lignes de défense pré-fabriquées comme les +dents de dragon+ et des tranchées pour les hommes ».

Les attaques ukrainiennes se heurteront donc à plusieurs rideaux successifs. « Le but pour les Russes, c’est d’encaisser le coup », résume Pierre Razoux, directeur académique de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques (FMES).

« Dans le deuxième rideau, l’attaquant a tendance à s’engluer et même s’il passe, le troisième est franchement compliqué ».

Où ? Quand ?

La ligne de front offre moult options. « Dans toute stratégie défensive, vous essayez de conduire l’attaquant sur le terrain que vous avez choisi », explique Andrew Galer, analyste de l’institut britannique Janes.

Le lieu de la contre-offensive pourrait ne pas être encore décidé. Et elle peut être précédée « d’un leurre, avec une attaque de petite échelle » pour que les Russes se défendent contre « ce qui n’est pas l’attaque principale ».

A Moscou, Vassily Kachine, de l’Université nationale HSE, évoque comme options la région de Bakhmout, théâtre de violents combats depuis des mois, et le sud. « Les données dont nous disposons sont très limitées », admet-il.

Lundi, le patron du groupe paramilitaire russe Wagner Wagner Evguéni Prigojine a pronostiqué une contre-offensive pour le jour où ses combattants auront pris Bakhmout, pointant la date du 9 mai, commémoration de la victoire russe sur l’Allemagne nazie.

Pierre Razoux rappelle par ailleurs la possibilité d’un coup de bluff, n’excluant pas « une superbe opération de déception de Kiev pour faire croire qu’ils ne sont pas si prêts que ça ».

La masse russe

Le Kremlin s’appuie, comme depuis le début du conflit, sur un réservoir de soldats plus important, et qui continue de grossir via une campagne de recrutement.

« Le dispositif russe, même épuisé par son effort, disposera encore de suffisamment de réserves en hommes pour contribuer à absorber le choc », assurent Philippe Gros et Vincent Tourret, dans une étude pour la Fondation de la recherche stratégique (FRS).

Guerre en Ukraine : les troupes russes auraient commencé à se retirer de Kherson. A cause d’une contre-offensive ukrainienne ?

« Ils ont mis en place suffisamment de mesures de contre-mobilité pour compliquer considérablement toute progression ukrainienne ».

Même mal entraînés, les réservistes peuvent probablement tenir des lignes. Pour Vassily Kachine, « aucune offensive ukrainienne, même la plus efficace, ne mettra fin à cette guerre ».

L’Ukraine contrainte

Sur le papier, avec tout le matériel occidental, Kiev est mieux armée qu’il y a un an. Mais une partie des armes ne sont pas encore sur le front et certaines ont juste remplacé les équipements ukrainiens détruits.

La FRS souligne « un niveau de pertes élevé généré par la guerre d’usure, en particulier parmi les officiers et soldats les plus expérimentés » ainsi qu’une « contrainte drastique sur la consommation en munitions ».

L’Ukraine jongle aussi entre ses armes datant de la période soviétique et les équipements modernes. Une complexité qui accentue l’importance de la logistique.

Une percée des lignes ennemies n’a de sens que si elle permet le contrôle de la zone conquise. « Plus (les Ukrainiens) vont loin dans la reprise de territoire, plus la chaine d’approvisionnement est longue », prévient Andrew Galer.

Echec interdit

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky sait que les Occidentaux commencent à tirer la langue et que l’aide est de plus en plus discutée, notamment aux Etats-Unis.

« Il n’a pas le droit à l’erreur. Il ne peut agir que quand il est sûr de son coup », résume Pierre Razoux.

Mais l’Ukraine, tout en préparant son opération, doit continuer à défendre une liste de priorités : Kiev, Kharkiv, l’axe logistique entre les deux villes, sa frontière avec le Bélarus, les axes avec les frontières polonaises et roumaines, Odessa, les centrales nucléaires civiles.

L’ex-colonel devenu historien Michel Goya relève pour sa part que « deux percées seulement ont été réussies dans cette guerre : à Popasna par les Russes au mois de mai 2022 et surtout dans la province de Kharkiv par les Ukrainiens en septembre ».

Or, ajoute-t-il, « les positions des deux côtés, surtout du côté russe, sont actuellement bien plus solides qu’elles ne l’étaient à l’époque ».