France

Marseille : Les quartiers nord s’invitent au Parlement pour alerter sur la violence liée aux trafics de drogue

A Marseille, les règlements de comptes sur fond de trafic de drogue font désormais presque autant de victimes que les accidents de la route. A titre de comparaison, depuis le début de l’année, 19 personnes sont décédées sur les routes des Bouches-du-Rhône, contre 17 dans des fusillades. Les deux dernières ont été tuées dimanche et lundi soir, parmi lesquelles un sexagénaire qui se trouvait visiblement au mauvais endroit, au mauvais moment.

« Ce sont autant de drames qui sont gérés avec une banalité assez triste », regrette Hassen Hammou. Militant EELV, il a fondé le collectif Trop jeune pour mourir, il y a six ans, après la mort d’un ami proche lors d’une fusillade. « On voit que la situation est en train de complètement déraper », constate le jeune homme, enfant des quartiers nord. Les statistiques sont inquiétantes : en 2022, 32 morts ont été recensés dans des règlements de comptes à Marseille, ce qui constitue un record. Les chiffres de l’année 2023 se situent déjà dans une fourchette haute et font craindre un bilan tout aussi lourd, voire davantage.

« Trop de discours, trop de promesses non tenues »

Pour tenter, une fois de plus, d’alerter sur cette situation, le collectif Trop jeune pour mourir a pris l’initiative de se rendre à l’Assemblée nationale et au Sénat, le 3 mai prochain. « C’est la première fois qu’on s’invite à l’Assemblée sur ce sujet », acquiesce Hassen Hammou. D’autres figures et acteurs des quartiers seront également du voyage pour se faire entendre, comme Nasser, un habitant du quartier Bassens. Le jeune homme de 24 ans avait fait partie de ceux qui avaient rencontré en tête à tête le président Emmanuel Macron en septembre 2021, lors de son déplacement dans cette cité des quartiers nord de Marseille.

« J’attends qu’il sorte de ces rendez-vous des actes sincères et non plus des mots. Il y a eu trop de discours, trop de promesses non tenues. Après les fusillades, on envoie la CRS 8 une semaine sur le terrain mais tout ce que fait l’Etat, c’est donner l’image qu’il agit », juge-t-il. Selon lui, « les questions sociales, éducatives, économiques » doivent « être exposées aux sénateurs ».

La délégation a déjà réfléchi à quelques solutions à présenter, comme le déménagement systématique des familles de victimes de règlements de comptes. Sa mission : convaincre les parlementaires de créer une commission d’enquête ou une mission d’étude sur les violences dans les cités.

Etudier l’économie de la drogue dans sa complexité

« L’idée, c’est qu’à l’issue de ces rendez-vous, un groupe de travail soit créé afin de poser un vrai diagnostic sur la situation des quartiers nord, et pas seulement un diagnostic sécuritaire », poursuit Hassen Hammou. Il estime, par ailleurs, que « la stratégie du pilonnage (mise en place par la préfecture pour taper de façon massive et répétée sur les points de deal) a montré ses limites ». Selon le jeune homme, il faudrait commencer par réellement décortiquer l’économie générée par les trafics de drogue.

« L’économie de la drogue est un sujet qu’il nous faut étudier », admet Guy Benarroche, sénateur EELV des Bouches-du-Rhône. C’est lui qui aura notamment la charge d’organiser la rencontre du 3 mai entre la délégation marseillaise et ses confrères. « L’intérêt d’une mission d’information ou d’étude est de constituer un groupe transpartisan qui va pouvoir entendre des gens de ces quartiers, des policiers, des victimes ou des proches de victimes et pourquoi pas des gens qui ont fait partie des réseaux, précise-t-il. La finalité serait de pouvoir sortir un rapport qui donnerait des préconisations politiques. »

Le sénateur écologiste a déjà quelques idées, à commencer par une légalisation du cannabis récréatif. « L’économie générée par le trafic de cannabis tue, mais force est de constater qu’elle marche. Or, tant qu’on ne déconstruira pas cette économie, on n’y arrivera pas », estime-t-il.

La guerre des stups qui gangrène les quartiers de Marseille n’aurait, semble-t-il, jamais fait l’objet d’une vraie étude parlementaire afin d’en saisir toute la complexité.

Parallèlement, la délégation s’organise aussi à Marseille. Elle entend monter un comité qui réunirait les quatre collectivités locales (ville, métropole, département, région) pour piloter des actions. Avec ce sentiment : si les habitants ne s’organisent pas eux-mêmes pour que ce sujet avance, personne ne le fera pour eux.