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Après des propos chinois « dangereux », l’Union européenne est à nouveau confrontée à l’urgence de définir sa position face à Pékin

Indignation des pays d’Europe centrale et orientale…

Les déclarations de Lu Shaye sont “inacceptables”, ont dénoncé en chœur le ministre lituanien Gabrielius Landbergis, ses homologues letton, tchèque et roumain, ainsi que le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell. Tandis que l’Estonien Tsahkna a exigé des “explications” à la Chine.

L’ambassadeur de Chine à Paris plonge son pays dans une crise diplomatique sans précédent

La Lituanie, la Lettonie et l’Estonie ont d’ailleurs convoqué lundi les ambassadeurs chinois dans leurs capitales respectives pour leur demander à clarifier la position officielle de Pékin. Et pour “leur rappeler que nous ne sommes pas des pays post-soviétiques, mais des pays qui ont été illégalement occupés par l’Union soviétique”, a ajouté M. Landbergis, dénonçant les idées “dangereuses” de Lu Shaye. Car questionner l’intégrité, les frontières, l’existence même de ces États est “un phénomène nouveau” et rappelle “la propagande de Moscou par rapport à l’Ukraine”, a mis en garde le Lituanien. En plus de remuer un passé douloureux, l’ambassadeur chinois a ainsi agité les pires craintes des pays baltes qui, bien que membres de l’UE et de l’Otan, vivent toujours avec la menace russe, surtout depuis qu’elle s’est concrétisée en Ukraine.

Lundi, Mao Ning, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, a tenté de jouer sur cette corde sensible pour apaiser la crise, rappelant qu’” après la désintégration de l’Union soviétique, la Chine a été l’un des premiers pays à établir des relations diplomatiques avec les pays concernés”. A partir de 2012, Pékin avait aussi tenté une offensive de charme en Europe centrale et orientale, façon d’étendre son influence sur le continent. Mais les relations en particulier avec les pays baltes n’ont cessé de se dégrader ces derniers temps, d’abord à cause des violations des droits de l’homme en Chine, puis de son refus de condamner l’agression russe en Ukraine.

Par ailleurs, la remise en cause de la souveraineté des pays de l’ex-Union soviétique touche aussi à la Moldavie, un pays candidat à l’adhésion de l’UE et victime d’une guerre hybride de la Russie, qui cherche à déstabiliser le gouvernement pro-européen. Chisinau a donc exprimé sa « surprise » par rapport aux déclarations de l’ambassadeur chinois.

… mais aussi ailleurs en Europe

Les réactions ne se sont cependant pas limitées à l’Est de l’Europe, preuve de l’ampleur de la crise diplomatique qui touche plusieurs capitales européennes, à commencer par Paris. Le Quai d’Orsay a convoqué lundi Lu Shaye pour “des mises au point très fermes”, après avoir exprimé déjà samedi sa “consternation” et sa “pleine solidarité” avec les pays concernés, qui ont acquis leur indépendance “après des décennies d’oppression”. “Nous condamnons les propos de l’ambassadeur de Chine en France”, a aussi réagi la ministre belge des Affaires étrangères Hadja Lahbib, tout en notant que Pékin a réaffirmé entre-temps “son attachement au respect de la souveraineté” des ex-Etats de l’Union soviétique.

Malgré les tentatives chinoises d’apaisement, cet épisode laissera des traces, tant il rappelle à quel point Pékin et Moscou sont proches d’un point de vue idéologique et politique. Pour le ministre lituanien, “la Chine a clairement choisi son camp”, par rapport à la guerre en Ukraine. Pour rappel, Lu Shaye avait estimé sur LCI qu’il ne fallait pas “chicaner” sur le statut de la Crimée, rappelant que la péninsule avait été “offerte à l’Ukraine” par les Soviétiques. Des déclarations qui n’ont pas été clairement démenties par les Chinois. Lundi, Fu Cong, ambassadeur de Chine auprès de l’UE, a tout au plus souligné que la coopération de la Chine avec l’Europe est “infinie” tout comme ses liens avec la Russie sont “illimités”

Habitué des polémiques, membre des « loups des combattants » : qui est Lu Shaye, l’ambassadeur chinois à Paris, qui défraye la chronique ?

Le débat sur la position de l’Europe face à la Chine

Cette crise discrédite donc aussi davantage le président français Emmanuel Macron qui avait tenu, à son retour de Pékin, des propos étonnamment bienveillants envers la Chine et, à l’inverse, durs à l’égard des États-Unis, s’attirant une salve de critiques des deux côtés de l’Atlantique.

A nouveau, l’Union est confrontée au besoin d’acter sa position commune face à un pays qui penche dangereusement du côté russe et affiche sa volonté de défier de l’Occident.

Le travail est lancé pour « réévaluer et recalibrer notre stratégie à l’égard de la Chine », a indiqué Josep Borrell. Davantage « un rival systémique », elle reste aussi un « concurrent économique » et un « partenaire », a-t-il néanmoins souligné, rappelant « les échanges commerciaux de 5 milliards d’euros par jour » et qui augmentent entre l’UE et ce pays. Bref, pas question de « tout changer » dans cette relation, mais bien d’en déterminer « le centre de gravité ». Un document d’orientation politique sera préparé et débattu lors d’un Conseil qui réunira le 11 et le 12 mai les ministres des Affaires étrangères et ceux de la Défense. Ensuite, “la politique UE-Chine sera à l’agenda du sommet européen” des chefs d’Etat et de gouvernement, prévu le 29 et 30 juin à Bruxelles, a annoncé Charles Michel, président du Conseil européen.