Belgique

Au procès des fraudes électorales à Neufchâteau, Dimitri Fourny n’a pas varié d’un iota

”Je conteste les préventions”, a dit M. Fourny, qui doit répondre de faux et usage de faux, abus de confiance, escroquerie et association de malfaiteurs. Il l’a répété. L’ex-député dit ne pas s’être du tout occupé du mécanisme mis en place pour gérer les procurations électorales.

La fraude présumée a en effet trait à des procurations électorales pour des personnes qui ne pouvaient pas voter pour ces élections que l’on annonçait très serrées. Lors du vote, une femme venue avec une procuration de son père séjournant dans la maison de repos du CPAS, s’est vu signifier qu’une personne avait déjà présenté une procuration pour son père.

L’enquête administrative et ensuite judiciaire a mis à jour une vingtaine de procurations litigieuses, pour la plupart au nom de personnes très âgées – et parfois très diminuées intellectuellement – du “Clos des Seigneurs”, maison de repos du CPAS.

Vu que la liste de M. Fourny, “Agir ensemble”, n’avait décroché la majorité absolue qu’à 16 voix, décrochant 10 des 19 sièges, il fut décidé de revoter. Huit mois plus tard, la liste de M. Fourny, qui avait été inculpé, n’a plus décroché que neuf sièges, pour neuf sièges à “Pour vous” et un à “Troisième piste”, qui se sont alliés pour former une majorité.

”Aucune instruction donnée”

Interrogé par la présidente du tribunal sur les procédures de procuration pour les personnes malades, Dimitri Fourny a été très bref. “Je ne me suis pas occupé de ce volet. Tout ce qui est afférent aux procurations est réglé par la commune.” Pourtant d’autres personnes poursuivies comme lui l’ont affirmé: c’est Dimitri Fourny qui a donné des instructions pour gérer le système des procurations. “Je ne me l’explique pas. Je n’ai donné aucune instruction”, a-t-il persisté.

Le matin du dimanche 14 octobre 2018, Dimitri Fourny, Anne Noël, la directrice du home ainsi que Francine Bossicart, une conseillère du CPAS qui a approché une dizaine de personnes pour voter avec une procuration qu’elle leur fournissait, se sont retrouvés à l’administration communale. Il y avait encore quatre – ou cinq – procurations pour lesquelles on n’avait pas encore trouvé de mandataire pour voter.

Ce seront finalement le parrain, la tante, la cousine et la mère de M. Fourny qui deviendront mandataires et iront voter. “J’ai cru naïvement que les personnes qui avaient confié leur procuration à Mme Bossicart étaient dignes de confiance, a confessé l’ancien bourgmestre. J’ignorais que des procurations étaient fausses. J’ai découvert la chose plus tard en prenant connaissance du dossier répressif chez le gouverneur.”

Et, quand il apprendra, par la presse, que les fraudes ont eu pour cadre la maison de repos, il sera, dit-il, aujourd’hui, “surpris et atterré”.

Francine Bossicart, représentée par son avocat, n’était pas là pour se défendre en personne. Elle est en aveux. Elle a donné des procurations à des personnes de confiance qui sont aussi poursuivies. Entendues lundi, ces personnes ont dit avoir agi de bonne foi, à la surprise du président du tribunal qui s’est étonné qu’elles aient accepté une procuration, pour une personne qu’elles ne connaissaient pas toujours et surtout sans consigne de vote. Si bien que c’est comme si ces mandataires avaient deux voix à porter dans l’urne.

Une attitude dictatoriale

Anne Noël a aussi chargé Francine Bossicart, venue insister à la maison de repos pour mettre la main sur des convocations électorales. Elle la voit comme une protagoniste importante de la fraude, sur commande de Dimitri Fourny, dont elle a dit qu’il avait “une attitude dictatoriale” dans la commune. “Mme Bossicart me dit que c’est pour M. Fourny. On n’ose pas enfreindre les instructions de M. Fourny.”

Dans son réquisitoire, la procureure du roi Laurence Dubois, a mis en avant la stratégie de défense de M. Fourny, qui, en cours d’enquête, n’a jamais été pressé de répondre aux convocations, répondant “toujours a minima et bottant en touche”, avant de lancer des mesures dilatoires pour ralentir l’enquête.

Elle n’a pas vu sa main invisible derrière toutes les fraudes constatées et elle l’a dit: elle n’est pas là “pour faire tomber les têtes”. Mais, pour la représentante du ministère public, on a ici affaire à « une atteinte réelle aux valeurs démocratiques”, en portant atteinte à des personnes vulnérables en raison de leur âge ou de leur état.

Pour Mme Dubois, une suspension du prononcé serait inappropriée. Elle a requis une peine de travail, si M. Fourny la demande, ou, à défaut un an de prison avec sursis et 2 000 euros d’amende. Ainsi que, plus important peut-être, une peine d’inéligibilité de 10 ans. M. Fourny, qui plaide l’acquittement, n’a pas saisi la perche de la peine de travail.

Les mêmes peines ont été requises contre Mmes Noël et Bossicart. La procureure a demandé des peines moindres contre les mandataires, dont “la volonté de ne pas savoir est coupable” lorsqu’ils ont pris les procurations, mais elle a requis des acquittements contre d’autres, dont la bonne foi ne peut être raisonnablement mise en doute.

Jugement le 22 mai.