France

Voiture électrique : « On atteint enfin les 100.000 bornes, mais il ne faut pas croire qu’on est en retard »

Nous y voilà enfin. Selon l’Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (Avere), nous devrions passer le cap des 100.000 bornes de recharge pour véhicules électriques ouvertes au public la semaine prochaine. Entre le 2 et 5 mai.

Ce n’est pas tout à fait ce qu’espérait le gouvernement, qui avait fixé cet objectif pour fin 2021. Mais voilà, on y est. Et s’il y a encore fort à faire pour étoffer ce réseau, un enjeu crucial pour accompagner l’essor des véhicules électriques, « l’erreur serait de croire que la France est en retard sur le sujet », estime Clément Molizon, délégué général de l’Avere France. Il répond à 20 Minutes.

Comment expliquer qu’on atteigne seulement maintenant, en mai 2023, ce cap des 100.000 bornes ?

Il a été fixé dans le cadre du contrat stratégique de la filière automobile signé en 2018, entre l’État et les acteurs concernés. Mais à l’époque, cet objectif des 100.000 bornes était fixé pour fin 2022. En octobre 2020, Jean-Baptiste Djebbari, alors ministre des Transports, l’a avancé d’un an.

D’un côté, cette nouvelle ambition a permis de lever un certain nombre de blocages et de mettre tout le monde autour de la table pour aller plus vite. Et ça a marché. Il y a eu, en 2021, une nette accélération du déploiement de ces bornes de recharges. Mais en octobre 2020, nous n’étions qu’à 33.000 points de charge. Multiplier ce chiffre par trois en douze mois était un objectif inatteignable.

Ce fut l’effet pervers de cette rehausse de l’ambition : elle a donné à beaucoup l’impression que la France était en retard et qu’il était peut-être même trop tôt pour se convertir à l’électrique. Au final, on a que quatre petits mois de retard sur l’objectif initial.

Est-on en retard par rapport aux autres pays européens ?

Pas du tout. On est dans le trio de tête, au coude-à-coude avec l’Allemagne, qu’on vient de dépasser au dernier comptage. Ce pays compte pourtant plus de véhicules électriques en circulation. Le premier de la classe reste les Pays-Bas, avec 115.000 points de recharge en service le mois dernier. Mais ce pays a un territoire limité, et le rythme actuel auquel nous déployons les bornes en France fait qu’on devrait très certainement les dépasser cette année, ou l’an prochain.

A quelle vitesse se déploie le réseau en France ?

Depuis le début de l’année, nous dépassons 4.000 installations par mois, contre 2.000 l’an passé. Et surtout contre 4.000 par an avant la pandémie de Covid-19. Le rythme s’est considérablement accéléré.

2020 a été un tournant en la matière : les constructeurs ont commencé à étoffer leurs offres de véhicules électriques et multiplier les annonces sur l’électrification complète de leurs gammes dans la décennie. Se sont ajoutées les réglementations, jusqu’à celle adoptée fin mars par l’UE, sur la fin de vente des véhicules thermiques neufs après 2035.

Forcément, tous ces signaux ont poussé les acteurs de la recharge à accélérer aussi.

N’y a-t-il que le nombre de bornes qui compte ?

Non, il faut aussi regarder où elles sont installées, quelle puissance de recharge elles proposent, si elles tombent souvent en panne… En clair : répondent-elles aux besoins actuels des propriétaires de véhicules électriques ? La question n’est pas simple et demande de faire des analyses fines territoire par territoire.

Tout de même, à l’échelle nationale, la répartition de ces 100.000 bornes est globalement bonne. Les puissances proposées correspondent au ratio que nous imaginons, à l’Avere, pour 2030. Soit 80 % de bornes de recharge normales, complétées par 10 % de rapides* et 10 % d’ultra-rapides**. Un gros effort vient d’être notamment fait sur les aires d’autoroute. Au 31 décembre 2022, 80 % étaient équipées de points de charge rapides et ultra-rapides. On sera à 90 % d’ici cet été, et 100 % en septembre.

Certes, les sociétés autoroutières avaient pour obligation de le faire, théoriquement même avant le 1er janvier 2023, il y a donc un peu de retard. Mais le chantier était complexe et cette obligation a été inscrite début 2021 seulement. Le faire en deux ans et demi, c’est déjà très bien.

Quels sont les axes d’amélioration restants ?

Il faut améliorer la qualité des points de charge existants, certains étant régulièrement hors-service. Sur les 100.000, le taux de disponibilité est de l’ordre de 86 %. La situation est moins catastrophique que certains le laissent entendre, mais il faudrait améliorer de dix points au moins ce pourcentage.

Il y a également tout un tas de services et d’équipements à inventer pour faciliter l’utilisation de ces bornes. On peut imaginer par exemple équiper les plus isolées de bancs ou de tonnelles où s’abriter pendant que sa voiture se recharge.

Bien sûr, il faut continuer à étoffer ce réseau. Il reste des zones blanches, des territoires ruraux notamment. On s’attend également à voir de plus en plus arriver sur les routes des camions alimentés, au moins en partie, par des batteries électriques. La guerre en Ukraine et les difficultés d’approvisionnement en gaz font que les constructeurs et les transporteurs se tournent vers cette solution. Il faudra alors aussi proposer à ces poids lourds des points de recharge adaptés. Peu des bornes en service sont dimensionnées pour pouvoir les accueillir. C’est un gros défi sur lequel de nombreux acteurs travaillent actuellement.

Maintenant que le cap des 100.000 bornes ouvertes au public est atteint, quels sont les objectifs ?

A l’Avere, on estime qu’il faudrait entre 330.000 et 480.000 points de recharge ouverts au public en 2030, date à laquelle on pourrait compter entre 5 et 7 millions de véhicules électriques [sans compter donc les hybrides rechargeables]. Au Mondial de l’auto, en octobre dernier, Emmanuel Macron avait émis le souhait que 400.000 bornes soient installées d’ici la fin de la décennie. On est donc plutôt raccord.