France

Télétravail : Tous à la maison le vendredi, la solution pour maximiser les économies d’énergie ?

Plan Sobriété, acte 2. Ce lundi matin, Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, réunissait dans son ministère les représentants d’une cinquantaine de grandes entreprises françaises, en vue d’aller chercher encore plus loin les économies d’énergie dans les organisations de travail.

De telles réunions avaient déjà eu lieu à partir de l’été dernier dans plusieurs secteurs, alors que le gouvernement se préparait à passer un hiver des plus compliqués, privé des hydrocarbures russes.

Le télétravail, pas sans effets rebonds

Ces concertations avaient abouti à un plan sobriété, dévoilé mi-octobre, dans lequel les grandes entreprises s’engageaient autour de quinze mesures phares. Parmi elles : la limitation du chauffage des bâtiments à 19°C, la formation des salariés aux écogestes, un meilleur pilotage de l’éclairage des locaux, l’extinction des postes de travail et leur mise en veille prolongée en cas d’absence…

Ce lundi, Agnès Pannier-Runacher a commencé par saluer les efforts fournis. Rien que lors du pic de froid du 12 décembre, « les efforts de sobriété auxquels vous avez participé ont permis d’économiser l’équivalent de la production de sept réacteurs nucléaires », illustre-t-elle. Mais si l’hiver est passé, et avec lui la période la plus à risque de tension sur le réseau électrique, la ministre invite à ne pas relâcher les efforts. « J’attends des grandes entreprises qu’elles aillent plus loin, plus haut », leur lance-t-elle. En rappelant que l’objectif, à long terme, est de parvenir à baisser de 40 % nos consommations d’énergie d’ici à 2050. 

Parmi les gisements à exploiter, ce plan 2 mert l’accent sur le télétravail. Nombreuses sont les entreprises à avoir accordé un ou plusieurs jours à leurs salariés depuis la pandémie de Covid-19. Reste à mieux l’organiser, car rien ne dit que le télétravail soit vertueux à tous les coups. En octobre 2020, l’Ademe avait déjà alerté sur ses potentiels effets rebonds pouvant annihiler une partie des économies d’énergie réalisée en ne se rendant pas au travail. Les consommations d’énergie à domicile sont aussi à prendre en compte, et ces journées à la maison peuvent aussi générer des déplacements en voiture qu’on n’aurait pas faits à son bureau.

Plus de sobriété au travail, mais pas grâce au télétravail

Même dans les entreprises, les gains ne sont pas toujours au rendez-vous. C’est le premier constat d’une étude commandée par le ministère à l’Ademe et l’Institut français pour la performance du bâtiment (Ifpeb), dont les résultats provisoires ont été présentés ce lundi matin. Pendant cinq mois, de novembre à mars, elle a consisté à suivre les consommations d’énergies sur dix sites de la fonction publique*, à Paris comme en province, et une centaine d’agents télétravailleurs y travaillant, volontaires pour partager leurs données de consommation.

Bonne nouvelle : sur cette période, les consommations d’énergie sur ces dix bâtiments ont baissé. L’étude constate 20 % d’économie totale et 38 % de baisse moyenne de chauffage en novembre et décembre par rapport à la même période un an plus tôt. « Mais cette baisse est surtout due à des actions de sobriété – allumer plus tard le chauffage dans la saison ou le limiter à 19°C, comme le demande la loi – et beaucoup moins au télétravail », indique Christophe Rodriguez, directeur général de l’Ifpeb.

Tous en télétravail le vendredi ?

En revanche, toujours dans le cadre de cette étude, plusieurs de ces sites ont expérimenté des fermetures sur des périodes de quatre jours, du vendredi au lundi, voire cinq, du jeudi au lundi, en imposant alors des jours télétravaillés aux salariés. « Là, le potentiel d’économie d’énergie est très significatif, entre 25 et 40 %, reprend Christophe Rodriguez. Cela nous conforte dans cette conviction que l’on tire pleinement profit du télétravail lorsque l’on va jusqu’à mettre en sommeil des bâtiments avec un protocole et une méthodologie bien fixés. »

C’est vers cette stratégie qu’Agnès Pannier-Runacher invite alors les grandes entreprises à aller. En clair : concentrer au maximum le télétravail sur certains jours de la semaine, jusqu’à pouvoir fermer un site. « Ou au moins réduire les m² de bureaux occupés, en fermant un ou des étages par exemple, poursuit la ministre. Et plus ces jours de télétravail massifiés sont placés de manière à prolonger le week-end, plus la mise en sommeil peut être longue et donc les économies d’énergies importantes, précise, sans surprise, l’étude.

Va-t-on alors vers des jours télétravaillés imposés ? « ça peut donner lieu à des accords d’entreprises ou des accords de branche, répond Agnès Pannier-Runacher. L’idée est en tout cas de partir de l’organisation du travail dans les entreprises et d’inciter à ouvrir le dialogue social sur ce sujet. »

Doucement aussi sur l’autoroute… et sur la clim

Il n’y a pas que sur le télétravail que ce plan sobriété 2 appelle d’autres changements culturels dans les grandes entreprises. Agnès Pannier-Runnacher cite ainsi la consommation de carburant, la seule n’ayant pas baissé en 2022. Elle invite alors ces grandes entreprises à prier leurs salariés d’abaisser leur vitesse à 110 km/h sur l’autoroute dans le cadre des déplacements professionnels. Une mesure déjà appliquée aux agents de l’État, précise le ministère. « Le faire, ça représente trois minutes de plus sur un trajet de 50 km pour des économies de 20 % de carburant et autant d’émissions de CO2 », indique-t-elle. 

Alors qu’on va vers les beaux jours, Agnès Pannier-Runacher rappelle également qu’il n’y a pas que le chauffage qui est réglementé à 19°C : « ça vaut aussi pour la climatisation, qui ne peut être allumée que lorsque les températures excèdent les 26°C ».