France

Guerre en Ukraine : Boutcha, de ville martyre à ville en devenir

De notre envoyée spéciale à Boutcha,

Les pelles et les engins de chantier ont remplacé les chars carbonisés le long de la rue Vokzalna. C’est dans cette allée résidentielle que l’avancée des forces russes vers la capitale ukrainienne a connu son coup d’arrêt, le 27 février 2022. Le lieu où, pour de nombreux Ukrainiens, l’attaque « éclair » rêvée par Vladimir Poutine a été foudroyée. Une cinquantaine de chars russes ont été bombardés alors qu’ils empruntaient cette allée résidentielle droit vers Irpin, banlieue et porte de Kiev. Plus d’un an après, les images de la désolation, des armes fondues sur le goudron et des voitures retournées sur la chaussée se sont lentement effacées. Les ouvriers du bâtiment s’agitent le long de la route. Boutcha la suppliciée, où la Russie a été accusée d’avoir perpétré des crimes de masse et où plus de 450 civils ont été assassinés par les forces du Kremlin, renaît de ses cendres.

« Cette rue est un vrai symbole, c’est ici qu’on a arrêté l’avancée d’une colonne de chars russes qui filait droit sur Kiev », souligne Aleksander, qui travaille sur le chantier. Avec ses petites résidences pavillonnaires, la rue Vokzalna n’avait pas vu venir sa renommée. Mais elle est aujourd’hui « très marquante pour tout le monde », souligne le constructeur. Tellement marquante que Boutcha semble être une priorité de la reconstruction. « Le maire de Boutcha commence souvent sa journée en visitant cette rue, on va finir par lui ouvrir un accueil », s’esclaffe Sergiy qui surveille la maison de ses proches, en pleine reconstruction. « Tous les villages autour de Boutcha sont en travaux », tempère toutefois l’adjointe au maire de Boutcha, Miléna.

Des morceaux de chars jusque dans le jardin

La reconstruction de ces villages, Boutcha compris, est financée par la mairie de Boutcha, la mairie de Kiev – rebaptisée administration militaire de Kiev depuis l’invasion russe – et la Global Empowerment Mission (GEM). Devant une petite maison pavillonnaire, Sergiy prend le soleil sur un sofa. L’homme de 63 ans surveille la maison de ses proches. La mère de famille s’affaire à l’intérieur pour faire à manger. Les ouvriers construisent l’enceinte extérieure de l’habitation et rénovent la façade. La famille continue de vivre à l’intérieur malgré les travaux.

Pendant l’occupation, « les Russes mettaient les gens à genoux, les tenaient en joue », se remémore Sergiy. Alors ce n’est pas quelques bruits de perceuse qui les éloignera de leur foyer. « Juste au bout du jardin, un char russe s’était installé et tirait en direction d’Irpin », raconte le fils de la maison, lui aussi nommé Sergiy. Au milieu de l’herbe, des traces du passage des forces russes sont toujours visibles. Ici, une balle. Là, un morceau de char qui a atterri dans la terre après une frappe. Leur maison est restée debout. Une chance alors que la violence des combats a démoli des pans entiers de cette ville de 30.000 habitants.

La page blanche de Boutcha

« D’un côté de la rue, toutes les maisons ont été détruites. Il a fallu les reconstruire des fondations jusqu’à la toiture, il n’en restait rien », explique Aleksander. « Il a été vraiment difficile de tout déblayer. On a eu besoin de beaucoup de grosses machines, le métal avait fondu partout sur le sol à cause de la guerre », détaille le travailleur. Il faudra « au moins encore deux semaines » pour réhabiliter la route, les trottoirs et les barrières des maisons, estime le trentenaire. La mairie de Boutcha espère que les travaux seront terminés à la fin du mois. Pour les habitations réduites à néant, les aménagements se poursuivront à l’intérieur afin qu’elles soient à nouveau habitables.

Sergiy patiente sur son sofa en attendant la reconstruction de sa maison.
Sergiy patiente sur son sofa en attendant la reconstruction de sa maison. – D. Regny

Dans les cendres de la guerre, Sergiy se félicite du soutien de la communauté internationale comme de ses voisins. « Avec la guerre, les gens sont devenus plus soudés. Ils ont compris qu’il faut vivre comme une communauté », se félicite le sexagénaire tandis que derrière lui des peintres en bâtiment appliquent une nouvelle couche de blanc sur la façade de la maison. Boutcha a tourné la page. Et ses habitants souhaitent que cette nouvelle page blanche s’écrive avec plus de quiétude.