France

Élus et usagers s’inquiètent pour l’avenir du RER B confié à Alstom

La galère va continuer pour les usagers. Exténués depuis des mois, voire des années, par les déboires de la ligne, les habitués du RER B risquent de devoir encore s’accrocher. Le vendredi 12 mai dernier, Valérie Pécresse, présidente d’Île-de-France Mobilités a annoncé rompre le contrat qui liait l’organisation des transports à l’industriel Alstom en charge de la rénovation des rames de la ligne.

Ce contrat, passé en 2017 pour un montant de 100 millions d’euros environ, visait à la rénovation de 31 rames MI84 afin de les équiper d’une ventilation réfrigérée, d’un système de vidéosurveillance et d’une plus grande capacité de 312 places assises, contre 216 actuellement.

21 rames rappelées pour être « rafraîchies »

Problème, qu’elles devaient être livrées initialement de 2019 à 2022, à ce jour, seules dix sont terminées pendant que six autres sont toujours en attente à l’usine de Reichshoffen, vendue par Alstom au constructeur CAF en 2022, dans le Bas-Rhin. Un « scandale » selon la présidente de la région qui a préféré stopper les opérations, six ans après la commande. Direction les entrepôts de la RATP pour les 21 rames qui n’auront droit qu’à un rafraîchissement : Nouvelles vitres, nouvel éclairage, nouveaux sièges.

Un véritable coup dur pour les 900.000 à 1 million d’usagers de la deuxième ligne la plus empruntée d’Europe qui attendaient cette opération censée améliorer le confort et allonger la durée de vie des trains jusqu’à la livraison de leurs successeures, les MI20, prévue à partir de 2025. « C’est désespérant, confie Marc Pélissier, président de la FNAUT Île-de-France, quelques retouches ne suffiront pas face à l’état fortement dégradé du service. » D’autant que selon Marc Pélissier, une partie des rames doivent être retouchées à l’entrepôt de Massy, actuellement en travaux.

Les usagers craignent le coup de chaud

Plus que « l’aspect cosmétique », ce sont les améliorations techniques qui étaient attendues selon le représentant des usagers : « Avec l’affluence et l’ancienneté des rames, c’est surtout la ventilation qui était prioritaire. Il fait déjà très chaud en temps normal et ça ne va pas en s’arrangeant. » Un constat partagé par Marie-Hélène Wittersheim, présidente du Comité des usagers du RER B en Vallée de Chevreuse (COURB) : « Ils se transforment en véritable piège à chaleur l’été. Avec de plus en plus de canicules, les malaises voyageurs se multiplient, et les retards et incidents avec. »

Une situation qui pourrait se dégrader avec les nouvelles interconnexions à venir. « Les nouvelles lignes T10 et T12 créent un nouveau flux de voyageurs, il aurait vraiment fallu plus de places », ajoute Marie-Hélène Wittersheim qui craint un déficit de matériel roulant en cas de panne.

« C’est un recul manifeste sur la question des transports en commun, clame David Belliard, administrateur Île-de-France Mobilités et adjoint à la Maire de Paris en charge des transports, seulement cinq mois après avoir augmenté le Pass Navigo, la ligne la plus importante du réseau est dans une impasse. »

Les explications de la Région et d’Alstom ne convainquent pas

Pierre Baty, lui aussi administrateur et conseiller régional (Majorité présidentielle), pointe le défaut d’information de l’ancienne candidate à la présidentielle sur le sujet : « Nous n’avons que quelques bruits de couloirs. Encore aujourd’hui, nous n’avons pas les tenants et aboutissants de cette décision, ni les raisons de cet échec. »

Le syndicat des transports de la région se tourne vers Alstom pour expliquer la situation. En 2019 déjà, Valérie Pécresse s’était fendue d’une lettre enflammée à Henri Poupart-Lafarge, patron d’Alstom, et d’une visite de l’usine de Reichshoffen en 2019, pour se plaindre des retards de livraison. Quatre ans plus tard, les raisons avancées par l’industriel ne convainquent toujours pas Grégoire De Lasteyrie, vice-président d’Île-de-France Mobilités, contacté par 20 Minutes : « En plus de difficultés opérationnelles, Alstom nous a expliqué que ce retard est dû à de l’amiante qu’ils auraient trouvé dans une partie des rames, dont ils ne connaissaient pas l’existence. Des rames qu’ils ont eux-mêmes fabriquées… » Une incongruité qui aurait participé à la décision d’arrêter les frais.

Des frais dont on ne connaît pas encore le montant puisque sur les 100 millions d’euros initiaux, tout ne « sera pas réglé en totalité », assure Grégoire De Lasteyrie, sans pouvoir donner un ordre d’idée. « Nous espérons que la somme correspondant aux travaux non-fournis sera récupérée et que des dédommagements seront demandés et réinvestis dans la ligne », commente Pierre Baty.

Les remplaçants des RER B, D et E confiés à… Alstom

Une gestion du dossier par la région et par l’industriel qui inquiète élus et usagers puisque ce sont Alstom-Bombardier et CAF qui sont en charge de la fourniture des 146 MI20, dont la livraison doit s’étaler entre la fin 2025 et 2031 à raison de deux modèles par mois. Et c’est le même Alstom qui a annoncé au moins d’avril avoir obtenu un contrat de près d’un milliard d’euros pour fournir 60 RER destinés aux lignes D et E. « Le choix n’est pas évident, justifie Grégoire De Lasteyrie, l’entreprise a un quasi-monopole sur le secteur. » L’élu assure toutefois « avec des pincettes » que « pour le moment », aucun retard n’est annoncé. Une déclaration qui ne rassure pas les usagers.

En attendant ces nouveaux trains, Île-de-France Mobilités assure que ce sont les trains entièrement rénovés qui seront privilégiés aux heures de pointe comme en période de chaleur pour soulager les usagers, et que ceux qui n’auront subis qu’un rapide ravalement seront rapidement disponibles pour permettre la rotation sur la ligne et prévenir les incidents. Un moindre palliatif pour Marc Pélissier : « Les MI84 et leurs prédécesseurs, MI79, toujours en circulation, vieillissent sérieusement et multiplient les pannes », s’exaspère Marc Pélissier. 

Aussi, pour Marie-Hélène Wittersheim, Les MI20 ont intérêt à « être dans les temps » parce qu’ « on ne tiendra pas dix ans comme cela » : « la dégradation du réseau est telle que nous constatons même des discriminations à l’embauche pour les usagers du RER B. Dans un sens comme dans l’autre, au point que beaucoup sont contraints de déménager. Nous espérons retrouver la fierté d’utiliser le RER qui était la nôtre il y a une trentaine d’années. »