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Microbiote : Prébiotiques, probiotiques, postbiotiques… Quels rôles différents jouent-ils ?

C’est notre deuxième cerveau : le ventre, et il commande beaucoup de choses dans notre organisme. La littérature scientifique l’a confirmé à de nombreuses reprises ces dernières années, le microbiote intestinal joue un rôle fondamental sur notre santé. Un beau bébé de plus de 1,5 kg (plus lourd que notre cerveau) et 100.000 milliards de micro-organismes qu’il faut apprendre à chouchouter, sous peine de subir une cascade d’effets délétères, allant de simples (mais très incommodants) ballonnements à une baisse d’immunité, ouvrant la porte aux maladies métaboliques et à la dépression. Rien que ça.

Pour en prendre soin, pas de secret, l’hygiène de vie et l’alimentation comptent. Mais pour filer un coup de main à la nature, nombreux sont celles et ceux qui font des cures de probiotiques, ces bonnes bactéries naturellement présentes dans notre flore intestinale. Certains vont plus loin, prenant des prébiotiques et des postbiotiques. Kézako ? A quoi ça sert ? Quelles différences y a-t-il entre les uns et les autres ? Et faut-il se supplémenter pour éviter à son microbiote de faire un bide ? 20 Minutes vous explique tout.

Pré, pro et post biotiques, qu’est-ce que c’est et où les trouve-t-on naturellement ?

« Les probiotiques sont des microbes vivants, il peut s’agir de bactéries, de levures, de champignons ou de virus, explique Joël Doré, chercheur spécialiste du microbiote à l’Inrae, coordinateur du French Gut, un projet de recherche sur le microbiote. Quand ils sont apportés en bonne quantité, ils peuvent conférer des bénéfices à la santé. On les retrouve naturellement dans les aliments fermentés ». Yaourts, lait ribot, lben ou babeurre, et certains fromages sont riches en probiotiques. « Ainsi que les boissons et légumes fermentés, comme le kéfir ou le kimchi », ajoute Joël Doré.

Les prébiotiques, eux, sont « des glucides présents dans les fibres des végétaux, des molécules non digestibles par nos enzymes : il y a notamment les polysaccharides (tels la cellulose ou les amidons résistants) et les oligosaccharides (comme l’inuline). Et qui vont transiter dans le gros intestin, poursuit-il. On les trouve dans une large gamme de végétaux : artichaut, asperge, oignon, ail, poireaux, banane… »

Quant aux postbiotiques, « ce sont de petites molécules produites par les probiotiques, elles en sont les déchets en quelque sorte », mais ils ont malgré tout des propriétés.

Pour un microbiote en bonne santé, « les études d’épidémiologie nutritionnelle indiquent unanimement que le régime méditerranéen, riche en végétaux – donc en fibres et nutriments – , en bonnes graisses et pauvre en sucre et aliments transformés, est le meilleur. Il permet d’atteindre la symbiose entre le microbiote et son hôte », souligne le chercheur.

Quel rôle chacun joue-t-il sur le microbiote et notre état de santé ?

Pour comprendre l’importance de chacun, il convient d’abord d’appréhender les conséquences générales d’un microbiote déséquilibré, ou en dysbiose. « La littérature scientifique a largement démontré qu’une altération du microbiote entraîne perméabilité intestinale, inflammation et stress oxydatif, et c’est un fléau majeur de santé publique, plante Joël Doré. Diabète, obésité, cancer, dépression, maladie hépatique de type Nash ou encore colopathie fonctionnelle et troubles neurologiques : on constate une augmentation de l’incidence d’un ensemble de maladies chroniques, des pathologies de société moderne liées à nos modes de vie, à des troubles de perméabilité intestinale et à une baisse d’immunité ».

Et là, chaque membre de la famille des « biotiques » a son rôle à jouer. Les probiotiques, Lisa Souloy en prend depuis de nombreuses années, et son amie d’enfance Anouk Le Terrier s’y est rapidement mise à son tour. « En 2018, dit-elle, Anouk a été diagnostiquée d’une thyroïdite de Hashimoto. Une maladie auto-immune qui génère une inflammation chronique intestinale, l’empêchant de bien assimiler les nutriments, ce qui lui a fait perdre beaucoup et lui a causé une fatigue extrême. Deux options étaient possibles : un traitement hormonal de synthèse à vie, ou la voie qu’elle a choisi d’emprunter : restaurer l’équilibre de sa flore intestinale pour atténuer ses symptômes, grâce à l’alimentation et à une supplémentation en probiotiques. Et ça a fonctionné ». 

Les deux jeunes femmes ont alors pris conscience de l’importance du deuxième cerveau, et lancé il y a quatre ans Dijo et leur première cure de probiotiques, best-seller de la marque encore aujourd’hui. « En France, c’est tabou de dire qu’on a mal au ventre, qu’on est ballonné, alors que plus d’un Français sur deux a des troubles digestifs à cause de l’alimentation transformée, du stress ou de la prise de d’antibiotiques. Les probiotiques ne sont pas des pilules magiques, il faut une approche globale, mais ils ont leur place dans une routine de bonne hygiène de vie, pour prendre soin de son ventre de manière préventive, pas seulement une fois qu’on est malade ».

En pratique, « les probiotiques favorisent la digestion et le transit intestinal, renforcent la barrière intestinale et stimulent l’immunité », résume Joël Doré. Grâce à leurs propriétés anti-inflammatoires et antioxydantes, les probiotiques, ce sont donc eux qui viennent réenchanter le microbiote. Les probiotiques c’est capital, mais s’ils meurent de faim une fois arrivés dans le gros intestin, votre microbiote restera faiblard. Vous mangez bien pour être en forme, eh bien c’est pareil pour le microbiote. C’est là qu’entrent en jeu les prébiotiques : « leurs fibres non digestibles vont nourrir les probiotiques, expose le chercheur. Quant aux postbiotiques, produits par les probiotiques dans l’intestin, ils en sont une sorte d’extension réduite à la seule molécule active, sans la bactérie vivante », complète Joël Doré.

Y a-t-il un intérêt à se supplémenter ?

Pour le chercheur, « si on n’a pas de terrain particulier à risques ou pas de symptômes intestinaux, il n’y a pas de raison d’adopter plus qu’un régime méditerranéen, ou du moins d’augmenter la part de végétal et de produits fermentés dans son alimentation. Cela suffit pour un microbiote équilibré et capable d’assurer son rôle de barrière face à un ensemble de maladies. En revanche, la supplémentation présente un intérêt pour toutes les pathologies chroniques de société moderne, dans une démarche combinée à la médecine classique ».

Et sur ce terrain, les applications et les combinaisons sont multiples. Dans une approche de bien-être holistique, Lisa Souloy et son acolyte ont développé plusieurs gammes de probiotiques et prébiotiques, « pour améliorer le confort intestinal, et apporter une aide sur d’autres problématiques liées au poids, à la peau ou encore à l’immunité ». Une approche à développer en médecine : « ce n’est pas encore passé dans l’éducation médicale et dans la pratique, observe Joël Doré, mais dans le cadre de la dépression et du Nash par exemple, des essais patients sont en cours pour développer des combinaisons d’actifs spécifiques pour restaurer la symbiose entre le malade et son microbiote. A l’avenir, les approches ciblées vont voir le jour ».