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JO de Paris 2024 : « L’or olympique ? C’est l’objectif, on croise les doigts », assure Laëtitia Guapo

En 2022, elle a reçu le trophée de meilleur basketteur de l’année, hommes et femmes confondus. Brillante avec Bourges, Laëtitia Guapo est pourtant avant tout concentrée sur le 3X3, discipline olympique depuis les Jeux de Tokyo en 2021. Les Françaises avaient terminé à une quatrième place que la joueuse de 27 ans, élue meilleure joueuse de la Coupe du monde l’an passé, n’a toujours pas digérée et qui lui sert de motivation pour briller avec les Bleues l’an prochain à Paris.

Vous avez tout gagné en 2002, l’or mondial puis européen. La suite logique, ce serait l’or olympique aux Jeux de Paris 2024, non ?

C’est l’objectif, on croise les doigts. Il va d’abord falloir passer par les qualifications. La Coupe du monde a lieu fin mai (à Vienne, en Autriche). Puis, tout cet été, nous allons essayer d’accumuler le plus de points pour pouvoir nous qualifier pour les Jeux.

Quel est le format des qualifications ?

Il n’y a que huit équipes féminines et huit équipes masculines qui disputeront les Jeux. Il n’y a qu’un seul ticket pour le pays hôte, donc ce sera l’équipe la mieux classée entre celle des filles et celle des garçons qui sera qualifiée. On fonctionne selon un système de « ranking » (classement), un peu comme au tennis. Il y a des points individuels et collectifs, et ces points seront arrêtés au 1er novembre 2023. L’objectif, c’est de qualifier les deux équipes de France. Ce n’est pas la « guéguerre » entre nous. Mais c’est celle qui fera les meilleures performances qui sera aux Jeux avant l’autre, et les envisager plus sereinement.

Où en est-on de la spécialisation des joueuses pour développer le 3X3 ?

Chez les filles, malheureusement, on est un peu au point mort. Les garçons français ont eu leur première équipe professionnelle en juin dernier. Mon compagnon en fait partie. Je vois au quotidien ce qu’il vit, et je l’envie (sourire). Après les Jeux de Paris, cela donnera une autre dynamique, une autre ampleur, et j’espère qu’on s’inscrira dans le sillage des garçons. La Fédération (FFBB) avait pourtant essayé de promouvoir la parité. Mais le problème, c’est que nous n’avons pas de compétitions internationales toute l’année, à la différence des hommes. Notre saison commence fin mai avec la Coupe du monde, pour finir par la Coupe d’Europe début septembre. Les garçons représentent des clubs, des villes et c’est déjà assez développé. Ils ont déjà leur World Tour. Donc la Fédération a pris le parti que nous soyons compétitives en club durant la saison en 5X5 et que l’été, nous rejoignions le 3X3 pour préparer au mieux les Jeux.

Marie-Eve Paget, Laëtitia Guapo, Myriam Djekoundade et Hortense Limouzin ont remporté la Coupe du monde de basket 3X3 le 26 juin 2022, à Anvers en Belgique, après avoir battu les Canadiennes en finale.
Marie-Eve Paget, Laëtitia Guapo, Myriam Djekoundade et Hortense Limouzin ont remporté la Coupe du monde de basket 3X3 le 26 juin 2022, à Anvers en Belgique, après avoir battu les Canadiennes en finale. – Dirk Waem / Belga / AFP

Comment avez-vous découvert cette discipline ?

J’ai commencé à l’Insep, de 15 à 18 ans, dans les années 2010-2013. C’était le début du 3X3 et ça m’avait bien plu. Je n’y ai pas rejoué jusqu’aux championnats du monde universitaires de 2016 où j’avais été appelée car mon profil de joueuse polyvalente assez grande, qui peut défendre sur tout le monde et attaquer, plaisait bien. C’est cette polyvalence qui fait que je suis une bonne joueuse de 3X3. Puis j’ai continué mes études et j’ai passé des concours de professeur l’année d’après. J’ai réintégré l’équipe de France en 2019 et je n’en suis plus sortie.

Avez-vous une préférence entre le 3X3 et le 5X5 ?

Oui. Je suis la vraie « Laëti » sur un terrain de 3X3. J’adore cette discipline et j’attends impatiemment qu’elle devienne professionnelle. Je prends aussi beaucoup de plaisir dans le 5X5, mais je ne m’y mets jamais dans les états dans lesquels je peux me mettre au 3X3, où l’on repousse tout le temps ses limites. Le format des matchs (10 minutes ou la première équipe à 21 points) est vraiment hyper intense et j’aime beaucoup ça.

Ce format permet aussi d’avoir un enchaînement de matchs…

Avant, on pouvait en jouer jusqu’à quatre par jour. Cela a été réduit à trois matchs. C’est quand même énorme même si chaque rencontre ne dure que 10 minutes, que le terrain est plus petit… Le format court, c’est ce qui plaît dans cette discipline.

Avec Bourges, vous évoluez souvent dans des salles pleines. Est-ce que cela ne vous manque pas dans le 3X3, où vous jouez dehors ?

Ce qui est bien dans le 3X3, c’est que pour l’instant, ce n’est pas payant, sauf les Coupes du monde et d’Europe. Nous évoluons souvent sur les plus grandes places du monde, dans des villes magnifiques. Par exemple, on a joué au Trocadéro. Les gens passent à côté, ils s’arrêtent, regardent un, deux ou trois matchs. Ils se prennent au jeu et il y a de plus en plus de monde. Il y a de la musique tout au long de la rencontre, alors que dans le 5X5, elle est arrêtée lorsque le jeu reprend. Ça va tellement vite que l’on n’a pas le temps de penser au public. Ce sont deux ambiances différentes, mais celle du 3X3 me plaît un petit peu plus.

Est-ce que c’est l’une des disciplines qui incarnera le mieux les Jeux de Paris, où il existe des playgrounds historiques ?

Carrément. C’est aussi pour ça, je l’espère, que le 3X3 sera sur la Concorde, pour faire briller cette discipline. Même les non-connaisseurs de basket peuvent vite la comprendre. C’est une discipline moderne et enthousiasmante qui va super bien avec l’air du temps.

Qu’est-ce que ça change de jouer à l’extérieur ?

Déjà, il faut savoir que l’on joue avec un ballon qui a la taille d’un ballon féminin (en 5X5) mais le poids d’un ballon de garçons, sûrement car il y a parfois du vent et qu’il peut aussi pleuvoir. Le grip sur le ballon est aussi un peu différent. Il faut tout le temps s’adapter : aux conditions extérieures, aux matchs qui ont pris un peu de retard… Lors de la dernière Coupe d’Europe, en septembre dernier, on a dû s’échauffer dans un parc car il n’y avait pas de terrain pour cela. Des gens se baladaient… C’est à la « roots » et en bonne Auvergnate (elle est née à Clermont-Ferrand), c’est ce que j’aime.

Est-ce que vous jouez même sous la pluie ?

Maintenant, il y a des toits pour les grosses compétitions comme les Coupes d’Europe ou du monde. Sinon, même quand il pleut on joue. Bon, si le sol devient glissant, les matchs sont interrompus et peuvent être décalés de quelques heures. On peut arrêter et reprendre 3 heures après.

Quelles sont les pires conditions que vous ayez connues ?

On jouait sur la plus grande place de Turin, lors d’un de mes premiers tournois officiels de 3X3 avec l’équipe de France, en 2019. Il faut savoir que les terrains sont mobiles et déplacés de ville en ville. C’est comme un puzzle en plastique, avec des dalles. Il n’y a pas forcément de sol en dessous. Mes copines de l’équipe de France de 5X5 ou de Bourges me disent : « mais « Laëti », les genoux, le dos… » Elles sont parfois un peu princesses, entre guillemets. Ce n’est pas négatif, mais elles aiment bien leur confort alors que nous, nous devons nous adapter sans arrêt.

Sur cette place donc, il y avait des pavés. Les dalles posées dessus s’affaissaient, c’était hyper dangereux, on s’était toutes « strappées » les chevilles pour ne pas se faire d’entorses. Ce sont de très bons souvenirs. Et en plus, on a gagné.

Avez-vous vu grandir la popularité de votre sport évoluer ces dernières années, notamment depuis les Jeux olympiques où vous avez été performantes ?

J’ai quand même encore la médaille en chocolat en travers de la gorge. Mais je vois vraiment la différence. Sur les réseaux, on est déjà plus connues. Paris, ça va encore faire un autre effet « boum », et je pense que ça montera exponentiellement.