France

Réseaux sociaux : Quand nos voisins de l’étranger sont admiratifs des manifestations françaises

Dans la (longue) liste des clichés attribués à la France – et que l’on retrouve désespérément à chaque épisode de la série Emily in Paris –, on pourrait citer la baguette de pain, le vin rouge, le fromage, le French kiss, la fainéantise ou encore l’impolitesse. Mais il y a un qui revient souvent et dans lequel les Français excellent : la manifestation. Et ce n’est pas la presse étrangère qui dira le contraire. Depuis plusieurs mois maintenant, les yeux du monde entier sont rivés sur la France, qui poursuit sa douzième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, ce jeudi.

Des foules compactes de manifestants, des charges policières et des poubelles qui débordent… Les images qui défilent sur les réseaux sociaux sont bien loin des clichés véhiculés par la comédie américaine. Et certaines ont particulièrement marqué nos voisins, dont le présentateur du célébrissime talk-show américain « Last Week Tonight », John Olivier.

« La quintessence de la France »

Début avril, le journaliste a consacré l’une des chroniques de son émission à la réforme des retraites et à la mobilisation contre le texte de loi, alternant entre humour, moquerie et une certaine admiration. « La France a donc la chance d’avoir le type de politique de protection sociale généreuse qui se fait de plus en plus rare aujourd’hui, mais c’est probablement pour cela qu’ils se battent si fort pour la protéger. Et je dois dire que ces manifestations ont fait ressortir des moments qui sont la quintessence de la France », a-t-il expliqué, avant de diffuser une vidéo qui a fait le tour des réseaux sociaux ces dernières semaines.

Elle montre un couple de Bordelais en train de boire un verre de vin en terrasse, dans une décontraction totale. La scène pourrait paraître banale si un important feu de rue n’était pas été allumé juste derrière eux, en marge des manifestations contre la réforme des retraites. « Wow. C’est une marque de fabrique », réagit John Olivier. « Je pense qu’après un holocauste nucléaire, les seules créatures qui survivront seront les cafards et un couple de Français sirotant du vin avec une décontraction étonnante, totalement indifférent à l’anéantissement de la société », ironise-t-il.

Puis le présentateur poursuit sa chronique : « Les manifestants eux-mêmes ont parfois frôlé une magnifique autoparodie », explique-t-il, avant de diffuser la vidéo, devenue virale et partagée par de nombreux médias étrangers, de la militante activiste d’Alternatiba Paris, Mathilde Caillard, alias « MC danse pour le climat » sur les réseaux sociaux. « Retraites, climat, même combat, pas de retraités sur une planète brûlée », chante-t-elle, sur une sonorité techno, le tout accompagné d’une chorégraphie endiablée. « Je crois que je viens de faire une overdose de franchitude. C’est honnêtement intimidant pour moi de regarder ça parce qu’elle fait tout ce que je ne peux pas faire. Danser, avoir l’air cool avec des lunettes de soleil et une frange », enchaîne le journaliste américain à la fin de l’extrait.

Et visiblement, le journaliste américain est séduit par l’art de manifester à la française : « Il est clair que les Français vont continuer à se battre pour leur qualité de vie, et si cette semaine est une indication, ils vont continuer à l’air sacrément cool pendant qu’ils le font », conclut-il.

La manifestation dans « l’ADN des Français »

Les manifestations françaises sont-elles devenues « cool » pour nos voisins ? Pas exactement, estime Lindsey Tramuta, journaliste auteure franco-américaine, basée à Paris depuis seize ans. Pour elle, c’est davantage une forme d’admiration dans « ce qui fait partie de l’ADN des Français ». « Dans l’imaginaire collectif, c’est le pays de la révolution, c’est le pays qui s’est dressé contre son pouvoir. Il y a une certaine fascination, voire une admiration, de cette fibre de protestation qui existe en France », analyse la journaliste. D’autant que, comme le dit John Olivier dans sa chronique, c’est grâce aux mobilisations que « les Français ont obtenu les droits qu’ils ont aujourd’hui », ajoute Lindsey Tramuta.

Mais plus encore que la protestation elle-même, c’est la longueur des mouvements qui fascinent à l’étranger. « La mobilisation contre la réforme des retraites en est déjà à son troisième mois. Pour les gilets jaunes, c’était pareil. Les Américains ne comprenaient pas comment les manifestations pouvaient durer aussi longtemps. Aux Etats-Unis, on a eu le mouvement de Black Live Matter, mais la population n’a pas réussi à recréer cet élan, cette énergie, à le faire perdurer, c’est quelque chose que les Français font beaucoup mieux », explique la journaliste.

Si les manifestations françaises forcent l’admiration de nos voisins, elles suscitent surtout de l’envie, selon elle : « Derrière, le message, c’est une volonté de dire ‘il n’y a pas que les Français qui doivent se battre pour protéger leurs droits’. Pourquoi les Américains ou les Britanniques n’en font pas autant ? Pourquoi on n’adopte pas l’énergie des Français ? ». « Au niveau mondial, beaucoup ont envie de voir de la résistance, de voir des gens qui se mobilisent, ça suscite de l’espoir, de l’envie. C’est un exemple de lutte, de non-renoncement », ajoute de son côté Mathilde Caillard.

#BeMoreFrench

Un discours qui a aussi pris de l’ampleur sur les réseaux sociaux. Sur Twiter, un petit dernier a fait son apparition dans le monde des hashtags : #BeMoreFrench (#Soyez plus Français), lancé par des internautes britanniques fin mars pour vanter la persévérance des manifestants français. Alors que le Royaume-Uni est lui aussi touché par une crise sociale, la mobilisation française apparaît comme un modèle à suivre chez nos voisins outre-Manche. « Les Français ont raison. Ils annoncent que l’âge de la retraite passe de 62 à 64 ans et la population dit NON ! Nous, ça va grimper à 67 ans. Pourquoi ne nous soulevons-nous pas ? », écrit un internaute.

Même le journal conservateur The Telegraph semble envier la protestation française. Dans une tribune, l’éditorialiste Sam Brodbeck a souligné le courage des Français, assurant que « nous devrions tous être plus Français ».

Si la mobilisation française suscite de l’admiration à l’étranger, Mathilde Caillard tient quand même à souligner la violence du mouvement : « C’est un mouvement social qui s’enlise depuis trois mois. En face, par jusqu’au-boutisme, Emmanuel Macron refuse de retirer son projet. Evidemment, on aimerait faire autre chose, mais on continue la lutte. On manifeste, on danse, on chante, on fait du bruit, on est visibles, même à l’autre bout de la planète », conclut-elle.