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Guerre en Ukraine : Espionnage, affaire « secrète »… Tout savoir sur l’arrestation d’un journaliste américain en Russie

Un tribunal russe a placé jeudi en détention provisoire un journaliste américain du Wall Street Journal. Evan Gershkovich, 31 ans, est accusé d’espionnage au profit des Etats-Unis. Dans un communiqué, son journal s’est dit « profondément préoccupé » par la situation. L’ONG Reporters sans frontières a dit s’ « alarmer » de « ce qui semble être une mesure de représailles », tandis que la France s’est dite « inquiète » et a appelé Moscou à respecter la liberté de la presse.

20 Minutes revient sur cette affaire, en pleines tensions entre les Etats-Unis et la Russie liées au conflit en Ukraine, alors que Washington accuse Moscou de détenir plusieurs de ses citoyens pour des motifs politiques.

Pourquoi le journaliste a-t-il été arrêté et incarcéré ?

L’arrestation d’Evan Gershkovich, d’origine russe, a été annoncée jeudi par les services secrets russes (FSB). Le Kremlin a affirmé qu’il avait été pris en « flagrant délit » d’espionnage, sans étayer les accusations.

Selon l’agence de presse étatique russe Tass, l’affaire a été classée « secrète », ce qui limite fortement la publication d’informations à son sujet. Seuls détails disponibles à ce stade : le FSB a annoncé avoir « déjoué une activité illégale » en arrêtant Evan Gershkovich à Ekaterinbourg, dans l’Oural, à une date non précisée. L’Américain est soupçonné d’avoir collecté des informations « sur une entreprise du complexe militaro-industriel » russe. Jeudi, un tribunal de Moscou a placé le trentenaire en détention provisoire, jusqu’au 29 mai. Cette incarcération peut-être prolongée, dans l’attente d’un éventuel procès. A l’audience, le journaliste, qui n’a pas pu être assisté par son avocat Daniil Berman, a nié les accusations portées à son encontre.

Si la presse et les journalistes russes critiques du Kremlin sont souvent poursuivis, les journalistes étrangers ont eux été épargnés jusqu’ici, Moscou ayant préféré expulser des correspondants et durcir les règles d’accréditation. Des reporters étrangers sont aussi parfois suivis par les services de sécurité lors de leurs reportages, notamment en dehors de Moscou.

Que risque-t-il ?

Selon l’article 276 du code pénal russe, le journaliste risque en théorie jusqu’à 20 ans de prison. Depuis le début du conflit en Ukraine, la Russie a voté plusieurs lois punissant de lourdes peines de prison toute critique, ou assimilant les enquêtes journalistiques sur certains sujets sensibles à de l’espionnage.

« La nouvelle législation russe (…) permet de mettre en prison pour 20 ans n’importe qui s’intéressant aux affaires militaires, à l’opération militaire spéciale (en Ukraine), aux groupes militaires privés, à l’état de l’armée », relève ainsi l’analyste russe indépendante Tatiana Stanovaïa, qui dirige le centre d’analyse R.Politik.

Plusieurs Américains sont déjà détenus en Russie, dont l’un, Paul Whelan, purge une peine de 16 ans de prison pour « espionnage » dans une affaire que l’intéressé et Washington jugent montée de toutes pièces.

Un échange de prisonniers est-il envisageable ?

Interrogée sur un potentiel futur échange avec Washington, la diplomatie russe a jugé le sujet prématuré, appelant via son vice-ministre des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov, à « voir comment cette histoire évolue ». Plusieurs échanges russo-américains ont en effet eu lieu ces dernières années.

Le dernier échange en date entre Moscou et Washington a eu lieu en décembre lorsque la Russie a remis la basketteuse américaine Brittney Griner, détenue pour trafic de drogue, contre la libération du trafiquant d’armes Viktor Bout incarcéré aux Etats-Unis. La championne olympique avait été arrêtée en Russie en février 2022, et avait passé dix mois dans les geôles du Kremlin.