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FC Nantes – TFC : Au Stade de France, Toulouse se prépare à vivre son « 12 juillet 1998 »

Deux villes, deux ambiances. A Nantes, on a prévu le service minimum en cas de deuxième victoire d’affilée en Coupe de France, après la liesse de l’an dernier. 16es de Ligue 1, les Canaris pensent surtout à sauver leurs plumes dans l’élite, avec deux rendez-vous capitaux dans la semaine à venir, contre Brest et Strasbourg. A Toulouse en revanche, on est (quasiment) débarrassé du souci du maintien avec une 12e place et 41 points dans la besace.

Les rues du centre de la capitale occitane sont pavoisées, l’hôtel de ville s’illumine de violet le soir venu. Et tout un peuple se prépare à exploser en cas de succès ce samedi soir à Saint-Denis, qui offrirait – seulement – un deuxième trophée au TFC après la Coupe de France 1957 en noir et blanc, remise par le président de la République d’alors, René Coty.

Parmi ces impatients, prêts à toucher le Graal 66 ans après, Jean-Philippe Dinh, 51 ans dont près de 40 dans les tribunes du Stadium. Le fondateur du groupe des Viola Club, qui a rapidement écoulé les 230 billets pour la finale à sa disposition, ne regardera pas le match place du Capitole, sur un écran géant qui aura diffusé dans l’après-midi la demi-finale de Champions Cup Leinster – Stade Toulousain… et l’opéra La Traviata.

Le 26 mai 1957, Saïd Brahimi (à droite) et Toulouse avaient remporté la Coupe de France, en battant Angers à Colombes (6-3), lors de la finale la plus prolifique de l'épreuve à ce jour.
Le 26 mai 1957, Saïd Brahimi (à droite) et Toulouse avaient remporté la Coupe de France, en battant Angers à Colombes (6-3), lors de la finale la plus prolifique de l’épreuve à ce jour. – AFP

« On ne s’est pas tapé des déplacements à Cuiseaux-Louhans ou à Gueugnon pour rester à la maison le jour où notre club va au Stade de France, s’enflamme-t-il. C’est le truc le plus improbable qui nous arrive. Je ressens de la fierté. J’ai fait neuf finales à Paris pour le Stade Toulousain depuis 1989 et jamais dans ma p… de vie, je m’imaginais que je pourrais y aller une fois pour le TFC. C’est un peu notre 12 juillet 1998. »

Les pérégrinations bucoliques à trois, quatre ou cinq potes semblent bien loin pour celui qui sera l’un des 25.000 fans toulousains attendus ce soir dans l’enceinte dyonisienne. « Certains me disent que l’on aurait pu être 40.000 », souligne Damien Comolli dans un entretien à l’AFP.

La renaissance après une décennie de médiocrité

Arrivé à l’été 2020 dans les bagages du fonds d’investissement américain RedBird, le président des Violets a remis sur les rails une équipe qui venait de descendre en Ligue 2, terminus logique d’une décennie atone, seulement secouée par l’ouragan Dupraz lors de la « remontada » du printemps 2016 : barrages d’accession dès la première saison, retour dans l’élite avec titre de champion de France de L2 en prime la deuxième et, donc, finale de Coupe la troisième.

« Quand je suis arrivé, il y avait une vraie fracture entre la communauté et le club, entre la ville et le club, et il fallait reconstruire », rembobine le successeur d’Olivier Sadran, resté en place pendant 19 ans, avec en points d’orgue un retour dans l’élite (2003) et deux qualifications européennes, en 2007 et 2009. « On a commencé à gagner rapidement en produisant un football qui correspond aux valeurs de la ville et de la région : l’audace, l’attaque et le spectacle. On est passé d’environ 6.500 spectateurs par match en moyenne lors des dernières saisons de L1 à plus de 23.000 cette saison. »

19 nationalités mais une vraie cohésion

Le Stadium, où l’ambiance avait fini par être aussi pesante que l’atmosphère d’un film des frères Dardenne, est devenu une fête. « Le TFC, c’était le club qui faisait rire à Toulouse, même si je m’en foutais complètement, témoigne Jean-Philippe Dinh. Cela a complètement changé. On est repartis avec de nouveaux dirigeants, ça a relancé une motivation et une énergie interne qui faisaient défaut depuis pas mal d’années. Et sur le terrain, ça tourne à fond. Un peu comme en 2001 avec les Pitchouns, il y a une identification du public avec des joueurs qui se battent sur le terrain et font plaisir. »

Il existe pourtant une différence majeure : les gamins de l’époque, encadrés par quelques grognards (Revault, Prunier, Lièvre) pour ramener le club du National à la L1, étaient majoritairement français et même souvent issus du Sud-Ouest (T. Giresse, Cardy, Taïder, Fauré…).

Brecht Dejaegere, le capitaine flamand du TFC, fait le lien entre les différentes nationalités.
Brecht Dejaegere, le capitaine flamand du TFC, fait le lien entre les différentes nationalités. – David Winter / Shutterstock / Sipa

L’effectif actuel est un brassage de 19 nationalités, réunies par la « data » chère à Comolli. Dans l’équipe-type, seuls le gardien Maxime Dupé et le défenseur Anthony Rouault pourraient postuler à une place en Bleu. Mais, miracle technologique, de ces froides données informatiques est née une alchimie, palpable sur la pelouse, avec comme figures de proue la triplette de milieux néerlandophones van den Boomen, Spierings et Dejaegere, capitaine polyglotte et âme du groupe.

Nantes, le mauvais souvenir de 2021

« Certains jeunes formés au club apportent leur état d’esprit aux nouveaux et les instruisent sur la notion de derby [contre Bordeaux] », ajoute Steven Moreira, Toulousain de 2018 à 2021. Désormais au Colombus Crew (MLS), le défenseur formé à Rennes a connu l’agonie du TFC, puis le début de la renaissance. « Je ne vais garder que le renouveau, tranche-t-il. Dès la première prise de paroles de Damien Comolli, on a senti qu’on entrait dans une autre sphère. Le président a fait un travail vraiment énorme, notamment dans le recrutement, avec des joueurs de qualité, mais dotés aussi d’un super état d’esprit. »

Aujourd’hui, Moreira a encore régulièrement Comolli au téléphone, et garde aussi le contact avec d’autres anciens (Koné, Adli, Ngoumou, Amian) ainsi qu’avec l’actuel capitaine Dejaegere. « Je suis resté attaché à la ville et au club, reprend celui qui porte un maillot n° 31 dans l’Ohio, en hommage à la Haute-Garonne. On aurait pu remonter dès la première année, mais l’arbitre n’a pas sifflé penalty, contre Nantes déjà [pour une main du défenseur nantais Charles Traoré]. J’espère que les joueurs auront ça en tête. En tout cas, le président n’a pas oublié… » Et on n’a pas oublié son coup de sang contre le corps arbitral ce soir-là.

Même s’il a un match à disputer dans la foulée (à 1h30 du matin heure française, contre l’Inter Miami), le latéral droit regardera ses potes tenter de « se venger » des Canaris. « C’est o-bli-gé, se marre-t-il. Je serai au club, et ils mettront le match, ils n’ont pas le choix. » Son seul véritable regret, c’est de ne pas avoir suffisamment goûté à la ferveur des supporteurs au Stadium, pour cause de Covid.

Cette fièvre violette n’a fait que monter ces derniers mois, alimentée par le groupe ultra des Indians, grand animateur du virage Brice-Taton. Jeudi après-midi, plusieurs centaines de personnes ont salué le départ des joueurs vers la capitale, au cri de « On va gagner la Coupe de France ». La réplique du trophée des années 1950 (le modèle d’époque a disparu) attend désespérément une petite sœur, que les joueurs de Philippe Montanier sont bien décidés à lui donner, au détriment des Kombouaré, Lafont, Sissoko et Delort, ex-Toulousains aujourd’hui à Nantes.

Rien d’autre n’importe aujourd’hui pour un club enfin sur le devant de la scène nationale, si souvent occupée par le Stade Toulousain, voisin aussi brillant qu’envahissant. Et demain ? Quatre titulaires, Dupé, Dejaegere, van den Boomen et Spierings, arrivent en fin de contrat et tous ne prolongeront pas. Révélation de la saison, le milieu offensif Farès Chaïbi (20 ans), nouvel international algérien, suscite aussi les convoitises. Les Violets vont devoir faire chauffer les ordinateurs pour attirer de dignes remplaçants grâce à la « data ».

« Franchement, je ne me fais pas de souci, balaie Moreira. Après la blessure de Rhys Healey [meilleur buteur de Ligue 2 en 2021-2022, avec 20 réalisations], tout le monde disait que ça allait être compliqué. Finalement, le président a recruté Dallinga et c’est une réussite. » Le jeune avant-centre néerlandais a déjà marqué à 16 reprises cette saison : 12 fois en L1, quatre fois en Coupe de France. Rigueur informatique et chaleur humaine, c’est peut-être le cocktail gagnant pour aérer l’armoire à trophées du TFC, qui sent beaucoup trop la naphtaline et la IVe République.