France

Emploi : A La Villette, le véhicule électrique en opération séduction auprès de lycéens

« Vous gagnez combien ? » Il n’a pas fallu attendre longtemps pour qu’un intrépide mette les pieds dans le plat, parmi la centaine de lycéens franciliens à avoir pris place dans l’auditorium de la Cité des Métiers, à La Vilette, ce mardi matin.

Un peu gêné, Arilas Djadel, chargé de projet à Enedis, principal gestionnaire du réseau public de distribution de l’électricité en France, finit par se lancer. « Après tout, si ça peut vous motiver »… « Pour un salarié d’Enedis à niveau bac + 2 comme moi, on est entre 1.800 et 2.100 euros net par mois, sans compter l’ancienneté », évalue-t-il. « Ça vaaaaaaaaaa », récolte-t-il en retour.

« Autant dire qu’il y a du boulot »

Arilas Djadel, 28 ans, est le premier à monter sur l’estrade, ce mardi matin, invité par l’Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (Avere), à venir présenter, à travers son parcours, les nouveaux métiers du véhicule électrique. Alors Arilas Djadel déroule, de son bac pro et BTS Electrotechnique jusqu’à son entrée à Enedis, où il s’occupe aujourd’hui d’acheminer l’électricité jusqu’aux bornes de recharge sur les parkings des copropriétés. « En France, il y en a 7 millions à raccorder, évalue-t-il. Autant dire qu’il y a du boulot. »

Les six personnes qui lui succéderont sur scène ne diront pas autre chose. D’Olivier Toggenburger, cofondateur de Park’n’Plug, spécialisée dans l’installation de bornes de recharge, à Yann Lelong, président de Green Vision, qui donne une seconde vie aux batteries électriques de voitures, en passant par Alexandre Gallou, ingénieur-alternant chez Deffeuille Automobile, où il planche sur l’organisation et l’optimisation des ateliers de réparation amenés à accueillir de plus en plus de véhicules électriques.

Des nouveaux métiers pas tant liés à la mécanique…

Au final, parmi eux, peu sont amenés à mettre les mains dans le cambouis et le nez sous le capot. De là à dire que le véhicule électrique pourra se passer de mécaniciens ? Pas vraiment à écouter Anaud Sautier, directeur de la formation « réseau » chez Renault Group. « Nous avons 2.000 postes à pourvoir dans nos ateliers, commence-t-il. Et il y a un fort enjeu, celui d’assurer la montée en compétence des mécaniciens pour qu’ils soient aptes à intervenir sur les véhicules aussi bien électriques que thermiques. Il y en a encore 40 millions en France, et ils  ne vont pas disparaître tout de suite. »

Mais ce n’est pas tant sur le volet « mécanique » que l’électromobilité est amenée à chambouler le secteur de l’automobile. L’Avere présente même les moteurs électriques « comme moins techniques que leurs équivalents thermiques ». Et en fait d’ailleurs un atout, « car moins chers à l’entretien ». La vraie nouveauté de la voiture électrique « est qu’elle cause avec son environnement », raconte Antoine Herteman, président de l’Avere. En clair : pour que ça marche, il faut développer toute une nouvelle infrastructure autour.

Seconde vie aux batteries, recharge intelligente…

Un premier enjeu est de mailler le territoire d’un réseau suffisant de bornes de recharges. La France est en retard sur ses objectifs, avec un peu plus de 80.000 bornes ouvertes au public en janvier, quand le gouvernement visait 100.000… d’ici à fin 2021. Mais ce n’est pas le seul défi. Yann Lelong évoque aussi le fait de trouver de nouveaux débouchés à la première génération de batteries qui arrivent peu à peu en fin de vie dans leurs véhicules. « Ce qui n’empêche pas qu’elles puissent rendre bien des services encore, ne serait-ce pour stocker de l’énergie, précise-t-il. Notamment celle produite par les sources dites « intermittentes » (solaire, éolien…). » Un enjeu clé de la transition énergétique* sur lequel s’est spécialisée Green Univers.

Alexis de Jaurias, chef de projet « Recharge intelligente » à EDF, planche sur un autre encore : le « V2G », ou comment faire de la voiture électrique nos réservoirs d’énergie de demain. « L’idée est de permettre, à partir de bornes spécifiques, non seulement de charger d’une voiture électrique, mais aussi de faire l’inverse, en restituant au réseau l’électricité stockée dans la batterie lorsque ça peut être intéressant de le faire », détaille-t-il.

C’est donc dans tout ce qui se développe autour du véhicule électrique que se nichent avant tout les nouveaux métiers de l’électromobilté. Combien de créations d’emplois peut-on espérer ? « Les évaluations sont en cours », répond Antoine Herteman. Mais il faut s’attendre à ce que 40 % du parc automobile français soit électrique en 2035. Cela donne déjà une idée des besoins d’embauche à venir de la filière. »

Anticiper les besoins de bras et de cerveaux

Tout l’enjeu est alors de les anticiper pour accompagner au mieux cette montée en puissance. Olivier Toggenburger dit déjà peiner à recruter les profils techniques dont a souvent besoin Park’n’Plug. « Pourtant, on reçoit beaucoup de CV, mais peu de candidats ont suivi les formations spécifiques à nos métiers, observe-t-il. C’est ce qui fait toute la pertinence de ces matinées. On a l’habitude d’intervenir auprès d’étudiants post-bac, mais c’est important aussi de pouvoir s’adresser à des lycéens et collégiens, ne serait-ce pour qu’ils se familiarisent avec ces enjeux, connaissent les formations qui pourraient les amener à nos métiers. »

Ils sont 650 à avoir suivi la conférence ce mardi, une petite partie dans l’auditorium, la majeure en ligne et depuis un peu partout en France. La conférence s’inscrivait dans le cadre du programme Advenir Formation de l’Avere et via lequel l’association a déjà rencontré 20.000 lycéens et collégiens depuis 2021. Et ça marche ? A sonder les élèves à la sortie de l’auditorium de la Cité des Métiers, il y avait de quoi en douter. Il y avait bien Aboubacar, 20 ans, en terminale pro Melec au Blanc-Mesnil, qui affichait un sourire enthousiaste. « Je vais envoyer mon CV à Enedis », lançait-il. Juste à côté et dans la même classe, Mohamed, 18 ans, n’a pas dévié de son idée de s’installer à son compte comme électricien. Et puis il y a Ahmed et Elyes, 15 et 16 ans, en seconde pro MTNE d’un lycée parisien et pas plus avancés sur ce qu’ils veulent faire plus tard à l’issue de la matinée. Enfin si, tous deux lâchent, goguenards, qu’ils veulent juste « faire de l’argent ». « Mais 1.800 euros, c’est déjà bien », concède Elyes.