France

Contre les pénuries de médicaments, des prix en hausse et l’UE en renfort ?

Où trouver des médicaments ? Antibiotiques, paracétamol, antiépileptiques ou encore anticancéreux : les tensions d’approvisionnement et les pénuries se multiplient, aussi bien dans les officines de villes que les pharmacies hospitalières. Une situation préoccupante dans l’Hexagone, mais aussi chez nos voisins européens. Si les pénuries sont fréquentes ces dernières années, cet hiver a été marqué par de très fortes tensions d’approvisionnement sur de nombreux médicaments basiques, notamment les formes pédiatriques de l’amoxicilline et du paracétamol, largement prescrits aux tout-petits durant cette saison.

Pour endiguer ce fléau, « il faut avoir une politique française de souveraineté (…), mais aussi une politique européenne », a insisté ce mercredi le ministre. Sur la même ligne, les entreprises du médicament (Leem) réclament ce jeudi une réponse nationale et européenne. Et plaident pour une amélioration des systèmes d’information… et des hausses de prix.

Une meilleure information pour une meilleure réaction

Fin avril, des pédiatres de différents pays européens ont alerté sur un risque pour « la santé de nos enfants et de nos jeunes » en raison du manque de médicaments dans toute l’Europe. Rien qu’en France, pas moins de 3.500 signalements de ruptures de stock et de risques de ruptures ont été recensés en 2022, en nette hausse par rapport aux 2.160 recensés en 2021, selon un dernier bilan transmis cette semaine par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).

Des signalements difficiles à suivre pour les professionnels de santé. « En pratique, on n’arrive pas à connaître les situations de tension, déplore Thomas Borel, directeur scientifique du Leem. A l’hôpital, il n’y a pas de système d’information standardisé. Quant aux médecins prescripteurs, aucune information n’est mise à leur disposition, donc ils continuent à prescrire des médicaments en tension, ce qui aggrave ces situations » détaille-t-il. A ses yeux, il faut optimiser l’information sur les disponibilités de médicaments, expliquer les causes des tensions d’approvisionnement, évaluer les durées prévisionnelles de rupture et la conduite à tenir s’il existe des alternatives. « Si à chaque fois qu’un médecin prescrivait un médicament en tension, une pop-up apparaissait pour l’en avertir et lui proposer une alternative disponible, on éviterait une perte de temps, pour lui, les pharmaciens et les patients ».

Une réponse européenne

Face à un phénomène qui touche toute l’Europe, nombre d’acteurs, politiques et industriels, attendent une réponse européenne. « Quelles que soient les solutions envisagées au niveau national, celles-ci doivent s’inscrire dans une politique européenne concertée de la gestion des pénuries », insiste le Leem. De son côté, François Braun préconise une solidarité européenne accrue lorsqu’un Etat a des stocks et peut aider ceux qui n’en ont pas. Il souhaite aussi l’élaboration d’une liste européenne de ces médicaments essentiels, pour que l’on garantisse leur production en France comme en Europe.

Enfin, il plaide pour plus de transparence des laboratoires pharmaceutiques sur leur production. Fin avril, la Commission européenne a proposé une réforme visant à les contraindre à mieux se prémunir contre les pénuries, alors que l’UE œuvre par ailleurs à renforcer sa souveraineté industrielle et à sécuriser son approvisionnement en matières premières critiques. Mais pour l’économiste Nathalie Coutinet, de l’Université Sorbonne Paris Nord, « la vraie réponse européenne, c’est de relocaliser en Europe la production des molécules essentielles, à un prix raisonnable. Les compétences existent en Europe ».

L’augmentation des prix en débat

Autre point central dans la lutte contre les pénuries : la question du prix raisonnable des médicaments. Pour le Leem, des hausses sont indispensables sur les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur, afin de « solvabiliser le modèle économique du médicament ». A très court terme, l’organisation appelle le gouvernement à confirmer les revalorisations annoncées du prix de certains médicaments indispensables, dont les coûts de revient industriel n’ont cessé d’augmenter depuis plusieurs années et sont fortement impactés par le contexte inflationniste.

A ce jour, « la France a des niveaux de prix plus bas que les autres pays européens de référence, en moyenne inférieurs de 25 %, souligne ce jeudi Thierry Hulot, président du Leem. En conséquence, lorsqu’il y a tension, les allocations des produits se font au détriment de la France, où leur prix est sous-valorisé ». Un argument balayé par l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament (OTMeds), qui tançait le Leem dès mercredi. « Si les pénuries sont causées par des prix trop bas, pourquoi ont-elles aussi lieu dans des pays où les médicaments sont plus chers ? » interroge l’observatoire. Et de citer l’exemple de « la Suisse, frappée par de nombreuses pénuries, avec des prix de médicaments génériques en moyenne 42 % plus élevés que dans les pays européens ».