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Championnats du monde : Virée des JO, la boxe en proie à une sécession sous l’œil inquiet du CIO

Un parfum de tension embaume les rings des championnats du monde masculins de boxe amateur, à Tachkent (Ouzbékistan). D’une part, car étant présidée par un proche de Vladimir Poutine – Umar Kremlev –, la Fédération de Boxe (IBA) n’a bien entendu pas interdit à ses compatriotes ni aux Biélorusses de s’aligner en dépit de la guerre en Ukraine. Un choix prévisible qui découlera, comme pour les Mondiaux féminins en Inde en mars dernier, au boycott de l’événement par une dizaine de pays, dont l’Ukraine, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada ou encore la Norvège. 

Une liste où ne figure pas la France, le président de la fédé tricolore, Dominique Nato, prétextant au mois de mars un devoir de neutralité en tant que pays organisateur des prochains Jeux olympiques. Une pirouette à laquelle n’avait hélas pas songé la Fédération française d’escrime avant d’annuler une épreuve de Coupe du monde à Saint-Maur. « Ma priorité c’est le sport, je viens du terrain, j’ai été athlète et entraîneur, justifiait par ailleurs Nato, au mois de mars. Je sais ce que ça représente de louper une compétition. Je suis conscient de ce qui se passe à travers le monde mais une fois de plus, c’est la politique qui prend en otage le sport, et ça c’est intolérable. »

Une fédé dissidente émerge pour sauver la boxe aux JO

D’autre part, l’IBA joue sa souveraineté depuis que le CIO exige des garanties quant à la « gouvernance » de l’instance, « sa transparence financière, sa durabilité et l’intégrité de ses processus d’arbitrage et de jugement ». Faute de quoi, la boxe, dont l’organisation du tournoi olympique a déjà été confisquée à l’IBA pour Tokyo et Paris, disparaîtra purement et simplement des JO à Los Angeles, en 2028.

Toujours insatisfaite après trois années à reformuler ses inquiétudes à intervalle régulier, Lausanne a décidé, fin mars, de lancer une enquête afin d’« établir s’il existe encore des préoccupations majeures concernant les pratiques et activités de l’IBA ». Kremlev ne l’a pas vraiment volé : dans une lettre ouverte de son instance, la fédération de boxe menaçait de sanctionner les officiels s’ils intégraient la task-force du CIO en marge des tournois de qualification olympique – dont l’IBA a aussi été dépossédé. Une situation que déplore Patrick Vajda, président de la Fédération internationale des officiels sportifs (IFSO) :

« Une fois encore, on s’en prend à ceux qui n’ont aucun moyen de se défendre, et qui aujourd’hui se retrouvent dans une position bien inconfortable, voire impossible à gérer […] Aujourd’hui, des menaces sévères pèsent sur eux. »

Parmi les victimes de la diplomatie mi-répressive, mi-parano de l’IBA, on compte également l’organisme dissident World Boxing, qui se rêve en sauveur de la boxe aux JO. La structure en concurrence directe avec la fédération de boxe a été lancée en avril par un groupe de fédérations mené par les États-Unis et la Grande-Bretagne, et où des représentants des Pays-Bas, de la Suède, de la Nouvelle-Zélande et des Philippines siègent au conseil exécutif intérimaire, en attendant des élections prévues au mois de novembre. En réaction, l’IBA a déposé une plainte contre World Boxing, là encore assortie d’une communication intimidante. « Les individus et les entités reconnus coupables par le BIIU (unité indépendante pour l’intégrité de la boxe) subiront les conséquences prévues par les statuts de l’IBA, le code disciplinaire et éthique et les autres documents clés concernés. » Reconnaissons que ça fout les jetons.

L’IBA vante « une approche collaborative » avec le CIO

Mais dans le formidable monde d’Umar Kremlev, tout va pour le mieux au sommet de la boxe amateur. Des progrès seraient même à souligner. Lors d’une conférence de presse en marge des mondiaux masculins, le patron de l’IBA se félicitait de la nouvelle « approche collaborative » avec le CIO et assure se plier progressivement aux exigences de Lausanne. « Certaines des demandes du CIO ont eu leur réponse », comme le partenariat controversé entre l’IBA et Gazprom, qui a pris fin en 2022 et n’a pas été renouvelé… « pour le moment ».

Selon un rapport du désormais célèbre Richard McLaren, la fédération internationale de boxe amateur doit sa survie économique aux partenariats avec les géants russes. A tel point qu’aujourd’hui, les champions du monde amateurs recevront 200.000 dollars, les médaillés d’argent 100.000 dollars et tous les médaillés de bronze 50.000 dollars. Des sommes conséquentes couvertes par le « permis » d’organisation des championnats du monde, « les droits TV » et « l’argent du marketing ». Flou. Presque autant que l’avenir de la boxe amateur.