France

« Ça devait rester dans un cercle privé »… Patrick Balkany se défend dans l’affaire du photomontage sexuel

Au tribunal judiciaire de Nanterre (Hauts-de-Seine),

Retour au tribunal pour Balkany. Cette-fois, il n’est question ni de blanchiment, ni de fraude fiscale. L’ancien maire de Levallois, âgé de 74 ans, et son épouse Isabelle, 75 ans, sont jugés ce mardi, à Nanterre (Hauts-de-Seine), pour une affaire un peu sordide : la diffusion, en février 2021, de photomontages à caractère sexuel d’un ancien conseiller municipal devenu le premier adjoint de l’actuelle maire de la ville, Agnès Pottier-Dumas. Tout vêtu de bleu, Patrick Balkany apparaît amaigri lorsqu’il s’avance à la barre du tribunal. Le président rappelle les faits : David-Xavier Weiss a déposé plainte le 23 février 2021, après que plusieurs personnalités politiques liées à la commune ont reçu, sur leurs téléphones, des photos intimes de lui. Trois jours plus tôt, ce dernier avait osé commenter sur les réseaux sociaux le placement sous bracelet électronique du couple Balkany. Ce que l’ancien maire n’a pas apprécié.

Patrick Balkany, qui a quitté la mairie de Levallois en 2020, a notamment envoyé ces clichés à Roger Karoutchi, sénateur LR des Hauts-de-Seine. « Mon cher Roger, ton connard de petit copain qui se comporte comme une merde va regretter sa belle déclaration », lui écrit-il. Il les a également transmises à sa successeure à la mairie de Levallois, Agnès Pottier-Dumas. « Chère Agnès, passez de bonnes vacances. Votre premier adjoint en pleine action…. » « C’était un trait d’humour », se défend Balkany. « Je n’en faisais pas une affaire à mettre sur la voie publique. »

« Je n’ai pas l’esprit de vengeance »

Pourquoi les avoir diffusées ? « En tant qu’ancien maire, c’était normal de lui dire [à sa remplaçante] ce qu’il se passait. Ce n’était pas pour en faire une affaire d’État. » Il estimait important qu’Agnès Pottier-Dumas soit mise au courant de leur existence, car « si ça m’était arrivé quand j’étais maire, je lui aurais demandé immédiatement de démissionner ». Patrick Balkany ajoute que « c’est important pour ceux qui décident de savoir ce que fait leur premier collaborateur ». Mais il affirme qu’il « n’y avait pas d’autres raisons » à la diffusion de ces clichés. « Je n’ai pas l’esprit de vengeance. » S’il avait voulu lui nuire, il aurait fait imprimer et distribuer ces photos dans toutes les boîtes aux lettres de Levallois. « Ça devait rester dans un cercle privé, restreint. Si ça s’est su, c’est parce qu’il a déposé plainte. Sinon, personne n’en aurait entendu parler. »

Patrick Balkany jure également qu’il n’est pas l’auteur de ces photomontages. Selon lui, ils auraient été envoyés à son épouse Isabelle – absente ce mardi pour raisons de santé – par un mystérieux correspondant. Ils auraient également été imprimés et déposés, dans une enveloppe, à sa permanence. « Ces photos sont immondes, je le dis pour les journalistes présents, ce sont des photos immondes », poursuit le prévenu. Balkany les a aussi transmises aux proches du plaignant, afin d’être « sûr que ce n’était pas un montage ». « J’ai encore quelques amis à la DGSI, fanfaronne-t-il. Je ne me suis pas gêné pour leur demander si c’était un montage. Ils m’ont dit que les photos n’avaient pas été retouchées. »

Plainte retirée

Patrick Balkany assure que ces clichés auraient été postés au préalable sur un site pornographique. « Je ne suis pas responsable du fait de mettre une photo, que je n’arrive pas à qualifier, sur un site Internet, je ne suis pas responsable qu’on m’ait déposé ces photos à la permanence. Je les ai données à deux personnes particulièrement concernées », clame l’ancien maire de Levallois. Et de « regretter » que David-Xavier Weiss « ne soit pas là ». « Moi aussi », reprend le procureur. « C’est lui qui a retiré sa plainte » le 31 mars dernier, observe le prévenu.

Le procureur de la République n’est pas convaincu. Il estime que le couple Balkany a voulu se venger de cet ex-conseiller municipal. Le magistrat explique que le plaignant a assuré aux enquêteurs de la police judiciaire qu’il s’agissait d’une photomontage. Ce que plusieurs experts saisis n’ont pu démontrer formellement, le cliché étant trop dégradé. Le représentant du ministère public estime néanmoins que « l’infraction de photomontage est consommée » et requiert 10.000 euros d’amende·

« Je me fais une autre idée de la justice »

L’avocat des époux Balkany, Me Robin Binsard, rappelle pour sa part qu’il n’y a « pas de certitude sur un photomontage dans ce dossier ». « Votre tribunal ne peut pas condamner », explique-t-il. « Dans ce dossier on n’a pas cherché la vérité et qui, en premier, avait diffusé ces photos », poursuit l’avocat, ajoutant qu’il y a « un traitement judiciaire différent » pour son client. Me Binsard reconnaît une « diffusion restreinte » des fameux clichés, ce qui juridiquement ne constitue pas une « publication ». Il demande au tribunal de « laver l’honneur » du couple Balkany en les relaxant.

« Je suis libéré dans 15 jours de ma conditionnelle, je serai totalement libre », ajoute le retraité de 74 ans, qui indique toucher 8.000 euros de pension et son épouse 4.000 euros. « Mais là-dessus j’ai des prélèvements. » Patrick Balkany prend la parole une dernière fois. « J’ai été choqué par les propos de Monsieur le procureur de la République. Je me fais une autre idée de la justice. Quand on ne peut pas prouver que quelqu’un est coupable, c’est qu’il est innocent. » La décision sera rendue le 6 juin.