France

Bordeaux : « Saluts nazis » ou simple « claping » ? Sept hommes jugés pour des violences durant la Gay Pride

Le 12 juin 2022, en pleine Marche des fiertés, un groupe de neuf individus grimpent sur le toit de la maison écocitoyenne de Bordeaux afin d’y déployer une banderole. « Protégeons les enfants, stop folies LGBT », dit notamment l’une d’elles. Peu après, des échauffourées éclatent entre les membres de ce groupuscule et des personnes qui défilent, les projectiles en tous genres fusent. Visages masqués afin de ne pas être reconnus par « des gens capables de violence », selon les dires d’un des perturbateurs, le petit groupe se lance alors dans des chants anti-LGBT tout en effectuant des « saluts nazis », du moins des gestes pris comme tels.

Ce vendredi, sept des neuf prévenus ont répondu présents pour répondre de leurs actes et de la dégradation d’un passage piéton aux couleurs LGBT cours du Chapeau-Rouge devant le tribunal correctionnel de Bordeaux.

Après avoir tenté d’invalider la procédure d’interpellation des neuf jeunes hommes ce jour-là, l’avocat de cinq des prévenus prend la parole : « Les personnes que je représente contestent les faits dans une logique de provocation et d’appel à la haine. Une banderole a simplement été déployée dans une logique de liberté d’expression ». Et les représentants des parties civiles de répondre : « Quand on inscrit cela sur une banderole et qu’on fait des saluts nazis en même temps, on sait nécessairement quelle partie de l’histoire on invoque ».

Banderole, chants et lobby LGBT

Alors, les sept prévenus présents sont invités à s’avancer vers la présidente et à prendre la parole, un à un. Le premier, Quentin Laferte se défend d’avoir tenu la banderole ce jour-là, mais avoue être « en accord avec ce qu’il y a marqué dessus ». Avant d’ajouter : « Je n’ai pas de haine envers les homosexuels. D’ailleurs, j’en connais tout un tas qui ne se reconnaissent pas dans le lobby LGBT ». Tous tiendront à peu près le même discours, se défendant d’être homophobes, mais pestant contre ce fameux « lobby », dont aucun n’a réussi à donner une définition claire.

« C’est un lobby qui force les gens à croire à ces idées nouvelles, qui n’appartiennent pas à la culture de l’Europe, lance Yanis Iva. Que chacun fasse ce qu’il veut, mais qu’on ne l’impose pas aux enfants. Aujourd’hui, le lobby LGBT est omniprésent. Moi, je suis chrétien catholique, c’est pas pour autant que je me promène avec une croix », tente d’expliquer le plus âgé du groupe qui semble oublier, l’espace d’un instant, le tatouage qu’il arbore sur l’arrière du crâne. « Dans la Marche des fiertés, il se passe des choses que les enfants ne sont pas censés voir », ajoute Enzo Lebrun pour justifier les propos qui apparaissent sur la banderole. « Protéger les enfants, c’est juste un principe de base, complète Enguerrand Ottaviani, l’instigateur de cette action coup de poing et ancien militant de Génération Zemmour. Il faut les protéger contre cette propagande LGBT qui déferle en France. On le voit dans les crèches avec les drag-queens. Pour moi c’est un père, une mère et un enfant ».

« Je ne sais pas ce qu’est un salut nazi »

Quant à ce que les parties civiles considèrent comme des « saluts nazis », tous se défendent d’avoir effectué un tel geste. La présidente demande par conséquent la diffusion d’une vidéo montrant un des prévenus lever le bras vers le ciel à plusieurs reprises. « C’était un claping, comme on peut le voir dans les stades, minimise Enzo Lebrun. Comment voulez-vous que j’utilise mes deux mains si je tiens la banderole ? » De son côté, Yanis Iva explique « ne pas savoir ce que c’est qu’un salut nazi. » Avant d’ajouter : « Il faut arrêter de fantasmer sur les nazis. C’est fini, ça fait 100 ans. En plus, je suis Italien, je n’ai rien à voir avec ces gens-là ».

Toujours à la barre, il admet avoir « eu peur » et avoue avoir lancé des cailloux en direction des personnes qui défilaient pour « défendre ses camarades ». Et de continuer à se justifier : « les personnes les plus violentes que j’ai vues ce jour-là étaient en face de moi et pas avec moi. Pour moi, il devrait y avoir des gens qui ont participé à cette marche avec nous, en tant que prévenus ». Lui aussi surpris quant à la tenue de cette audience pour avoir seulement « exprimé ses opinions », Quentin Laferte se demande « si nous sommes encore dans un monde libre » avant d’enchérir « je me demande pourquoi les Américains ont débarqué ».

Finalement des peines allant de six à dix mois de prison avec sursis ont été requises par le parquet, accompagnées par d’amendes de 1.000 euros pour chacun des prévenus. Des réquisitions qui « soulagent » Emmanuel Page, administrateur national de SOS homophobie et Tristan Poupard, président de l’association Le Girofard. Même si ce dernier regrette l’absence de peine « éducative » à l’encontre des prévenus.

Le tribunal de Bordeaux rendra son délibéré le 26 mai prochain.