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Affaire Galtier : « Jamais aucun souci avec lui », le foot français reste sceptique sur les accusations de racisme

Vendredi, les nombreux journalistes sur place au camp des Loges pour la conférence de presse de l’entraîneur parisien n’avaient pas vraiment la tête au choc de Ligue 1 entre le PSG et Lens, samedi soir, pourtant décisif dans la course au titre. Il faut dire que depuis les révélations du journaliste indépendant Romain Molina et de RMC Sport, les projecteurs ne sont plus braqués que sur l’affaire Galtier/Fournier, déjà mise en lumière en début de saison après les accusations à demi-mot de l’ancien directeur sportif de l’OGC Nice contre son ancien entraîneur dans l’émission l’After sur RMC.

S’il a depuis démenti être à l’origine du mail envoyé à nos confrères, dans lequel il accuse ouvertement le Marseillais de racisme à l’encontre des joueurs niçois, noirs et arabes, et de confession musulmane, Julien Fournier n’a pas non plus renié ses accusations. Attaqué personnellement et placé sous protection policière après avoir reçu des milliers de menaces sur son téléphone personnel, Christophe Galtier n’avait donc d’autres choix que de monter à la tribune pour se défendre. Sans surprise, à la manière de ce qu’il avait fait lors de la première attaque de Julien Fournier en septembre dernier, le coach parisien s’est montré très bref, se bornant à lire une déclaration rédigée en amont.

« Comme beaucoup d’entre vous, je suis profondément choqué des propos qui ont été tenus. Ils me heurtent au plus profond de moi-même, a-t-il déclaré, la mine grave. Je suis un enfant des cités HLM, élevé dans la mixité, les valeurs de partage et de respect de l’autre, quel qu’il soit. Toute ma vie d’homme, de footballeur ou d’entraîneur, a été dictée par le souci du partage et du respect des autres. Je ne peux accepter que mon nom et ma famille soient salis de la sorte. J’ai donc porté plainte et j’ai confiance en la justice. Pour la laisser travailler dans la sérénité, je ne répondrai pas à d’autres questions sur le sujet. » Le PSG, par la voix de son attaché de presse Julien Maynard, s’est quant à lui déclaré solidaire de son entraîneur « et souhaite que la vérité soit établie par la justice ».

Galtier « satisfait » de l’ouverture d’une enquête à Nice

Difficile, dans ce qui s’apparente pour le moment à un parole contre parole, de délier le vrai du faux. De son côté, le Gym n’a pas souhaité faire plus de commentaires dans une affaire « concernant deux personnes ne travaillant plus pour l’OGC Nice », tandis que l’actuel coach des Aiglons Didier Digard, proche de l’ancien directeur sportif et en guerre avec Christophe Galtier depuis la saison dernière, s’est contenté d’assurer mercredi que « la vérité arrivera de toute façon ». Si tout ce beau monde se garde bien de se mouiller, il faudra bien sortir du bois tôt ou tard, d’autant qu’une enquête a été ouverte vendredi par le parquet de Nice et qu’une perquisition était en cours dans les locaux du club à la mi-journée. Galtier s’est d’ailleurs déclaré « satisfait » par l’ouverture de cette procédure judiciaire.

Pour ce qui est des joueurs niçois, c’est là aussi silence radio. L’Equipe du jour précise que « les principaux griefs contre Galtier ont continué de se faire anonymement ces dernières heures », à l’instar de Daniel Riolo, invité jeudi soir dans nos locaux pour l’émission Twitch « Les croisés, tu connais », qui se disait fatigué que personne n’ose prendre ouvertement la parole pour étayer les accusations de Julien Fournier.

Pour l’heure, les seuls qui osent l’ouvrir, et ils sont nombreux ces 48 dernières heures, le font pour défendre Galtier. De Burak Yilmaz à Mevlut Erding en passant par José Fonte, trois joueurs ayant travaillé avec Galtier à Lille et Saint-Etienne, tous assurent sur les réseaux sociaux n’avoir jamais eu le moindre problème avec lui sur des questions liées au racisme. Précisons tout de même que sur ces trois hommes, un n’est pas de confession musulmane (Fonte) et que les deux autres ne pratiquaient pas le ramadan.

« Avec lui, je n’ai jamais souffert de racisme »

Contacté par 20 Minutes, l’ancien adjoint du Marseillais chez les Verts, Alain Blachon, se dit lui aussi surpris par la teneur du mail de l’ancien DS des Aiglons. « Durant les six années que j’ai vécues avec lui, de 2010 à 2016, je ne l’ai jamais entendu une seule fois tenir des propos racistes ni dire quoi que ce soit de négatif à l’égard des joueurs de couleur et/ou de confession musulmane, ou en lien avec le ramadan. Au contraire, il mettait en place des aménagements horaires pour les joueurs pratiquants, dans les charges physiques, pour s’adapter à ça. Il a également mis en place une salle de prière à Saint-Etienne à la demande de certains joueurs, ce qu’il n’y avait pas à l’époque. Il a toujours respecté le choix des joueurs. »

Passé sous les ordres de Galtier à Al Ain (2004), aux Emirats arabes unis, et à Saint-Etienne (2009-2012), Boubacar Sanogo tient peu ou prou le même discours.

On avait une bonne relation, il s’appuyait sur moi, que ce soit à Al Ain ou à Sainté. On avait de bons moments de rigolades, il me faisait confiance. Avec lui, je n’ai jamais, mais vraiment jamais souffert de racisme. Et les autres joueurs non plus, j’en n’ai jamais entendu parler. Même pour ce qui est du ramadan, on n’a jamais eu aucun souci avec Galtier sur ce point-là. Les joueurs écartés l’étaient parce qu’ils n’étaient pas performants, c’est tout. »

En lien avec l’OGC Nice l’été dernier, au moment du transfert de Gaëtan Laborde, venu remplacer numériquement Amine Gouiri, que certains de nos confrères disaient en froid avec Galtier pour des questions relatives au ramadan, l’agent Christophe Hutteau nous confie lui aussi n’avoir jamais entendu parler de cette affaire et assure que le portrait qui est fait de Galtier dans ce mail ne correspond pas à l’homme qu’il connaît « depuis plus de vingt ans ».

« Christophe était parti de Nice à ce moment-là, c’est important de le préciser. Mais moi, à titre personnel, je n’ai jamais entendu parler de ça lorsque je suis allé là-bas pour négocier avec le club le contrat de Gaëtan. Je connais Christophe depuis plus de 20 ans et jamais au grand jamais je n’ai entendu dans sa bouche le moindre propos à connotation raciste ou sectaire. Après, il existe de telles tensions entre les deux hommes depuis un certain temps qu’on peut ne pas s’étonner de ce qui se passe aujourd’hui. Maintenant, qui a raison, qui a tort ? Je ne sais pas. »

Le transfert de Brahimi au centre de la brouille entre Galtier et Fournier ?

Sans prendre parti, ils sont nombreux à s’interroger dans les clubs français sur le bien fondé du jeûn pendant le ramadan à une période cruciale de la saison, à l’image d’Antoine Kombouaré au FC Nantes, qui regrattait que Jaouen Hadjam n’ait pas pu s’alimenter avant le match contre Monaco. « C’est normal qu’un coach s’interroge sur le rendement de son équipe, surtout si, comme ce fut le cas pour Galtier avec Nice, celle-ci passe de la deuxième à la huitième place et qu’il possède de nombreux joueurs qui font le ramadan, mais de là à l’accuser de racisme… », souffle un intime de l’entraîneur parisien.

Du côté du clan Galtier, on s’étonne du timing de cette fuite de mail, à quelques heures d’un choc importantissime pour le coach parisien et son équipe, mais surtout quelques jours après les fortes tensions apparues à la fin du match Nice-PSG entre les supporteurs et les joueurs niçois d’un côté, et leur ancien entraîneur de l’autre. De son côté, une source proche de l’ancien champion de France avec Lille s’étonne surtout de la chronologie du récit relaté par certains de nos confrères et certains témoins des tensions entre Galtier et Fournier. « On raconte partout que les deux hommes étaient en froid depuis le début de la saison 2021-2022, mais c’est faux. Lors de la première partie de saison, octobre, novembre, décembre 2021, leurs rapports étaient très bons », nous assure-t-elle.

Pour elle, la bascule intervient lors du mercato hivernal, au moment du recrutement de l’Angevin Bilal Brahimi, période à laquelle Nice est deuxième du championnat, est en course pour une qualif en Ligue des champions et où Galtier espère des renforts de poids pour mener à bien sa mission. « Ce transfert, c’est la clé de tout. Et c’est Fournier qui gérait cette affaire tout seul », nous glisse-t-il. Rappelons à ce titre que le transfert du Franco-Algérien est dans le radar de la justice, qui a ordonné une perquisition au siège du SCO d’Angers le 14 juin dernier et placé trois agents en garde à vue, pour des soupçons de d’« exercice illégal de la profession d’agent sportif » et de « blanchiment aggravé ».

Or, à l’époque, déjà, comme l’a révélé Nice-Matin jeudi, le clan Galtier ne manquait pas d’ironiser sur un transfert louche faisant l’objet d’une enquête judiciaire. « Un remplaçant d’Angers pour huit millions d’euros, il fallait y penser ! », rigolaient-ils alors. Selon notre source, c’est donc le coup de pression de Galtier auprès d’Ineos pour obtenir la tête de Fournier en fin de saison dernière qui aurait poussé ce dernier à se venger et à emporter Galtier dans sa chute, et non une quelconque histoire de racisme et de ramadan. Interrogé vendredi en conférence de presse sur une éventuelle « vengeance » contre lui, Galtier a coupé court en disant qu’il ne pouvait « pas répondre à cette question ».