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AC Milan – Naples : « Ça sera comme l’Argentine… » Comment Napoli se prépare pour le grand soir

Les signes sont trop nombreux pour être ignorés par le plus cartésien des Napolitains, quoique l’espèce ne coure guère les rues au pied du Vésuve. A Naples, la préférence a toujours été à l’interprétation quasi religieuse de coïncidences dont les habitants sont les seuls témoins, plutôt qu’à l’analyse froide d’une situation donnée. Exemple : le Napoli va probablement remporter la Serie A et a de grandes chances d’atteindre la finale de la Ligue des champions. La solution à l’équation se situerait quelque part entre les 16 points d’avance sur la Lazio, le génie tactique de Luciano Spaletti et celui d’individualités comme Osimhen et Kvaratskhelia. Mais la réponse de Mirko, supporter napolitain, relève de la divination.

« Il y a des similitudes incroyables entre 1986-87 [l’année du premier titre de champion d’Italie] et cette année. Par exemple, d’aller gagner chez le champion en titre (Milan) et de passer premier du classement. Ou encore, la victoire 1-0 chez la Roma et la première défaite du championnat le 4 janvier, exactement comme en 1987. Le 4 janvier 87 on perd 3-1 à Florence et cette année, après la Coupe du monde, on perd 1-0 contre l’Inter, le 4 janvier 2023. Dernier point. Il y a eu beaucoup de joie à Naples quand l’Argentine a été championne du monde. Parce que Maradona, évidemment. Mais aussi parce que la dernière fois que c’est arrivé, Naples a été champion l’année suivante. La superstition atteint des sommets depuis le début de saison. »

L’inverse fonctionne aussi. Beaucoup de supporters frôlent la résignation avant le quart de finale de C1 contre le Milan AC, en dépit de l’infériorité de Rossoneri en championnat. Et encore une fois, c’est moins le récent accident en championnat [défaite 4-0 à domicile] ou la probable absence d’Osimhen que le présumé rendez-vous avec l’histoire planifié par les cieux pour les Milanais qui pose problème. En cas de qualification, l’Inter et le Milan AC auront en effet l’occasion de s’affronter en Ligue des champions, 18 ans après le mythique aller-retour à San Siro-Giuseppe Meazza. Materrazzi, Rui Costa, les fumigènes, tout ça. Ça vous revient ?

Naples est une fête

Le Scudetto relevant de la formalité, à quoi bon attendre pour préparer les festivités, quand bien même celles-ci auraient lieu le 4 juin, au lendemain de la remise du trophée. Le titre devrait être bouclé fin avril, ou début mai, mais, îlot de sagesse au milieu d’un océan de magma, il a été décidé de reporter le banquet final au dernier instant pour inciter les  joueurs à rester concentrés. Sait-on jamais, pour peu qu’on puisse ajouter une C1 au Calcio et donc un peu plus d’histoire à l’histoire, ça peut valoir le coup de ronger son frein. « De toute façon, personne ne pourra empêcher les joueurs et les supporters de fêter ça un minimum le jour du titre », anticipe Mirko. Ce que laisse entendre le maire de la ville, Gaetano Manfredi, cité par l’agence Ansa.

Il est clair que dans un premier temps, il y aura une fête spontanée, un enthousiasme spontané dans lequel il y a clairement un problème d’ordre public et aussi de responsabilité de la part des citoyens. »

La municipalité, de concert avec le patron du club Aurelio De Laurentiis, refuse néanmoins de se soumettre deux fois au bazar général. Ainsi, pour le 4 juin, le peuple réclame une parade de l’équipe à bord d’un car à impériale, mais les autorités imaginent disséminer les joueurs à travers la ville pour canaliser les foules. Manfredi : « ça sera une fête polycentrique pour impliquer toute la ville. Il y aura une scène dans chaque municipalité en plus de la scène centrale de Piazza Plebiscito » « On attend des millions de personnes, poursuit notre supporter. Il y a des Napolitains du monde entier qui seront présents. Ça sera comme l’Argentine après la Coupe du monde. »

La démesure napolitaine en action
La démesure napolitaine en action – Mirko

Naples est déjà une fête à laquelle tout le monde entend participer. Les réservations d’hôtel grimpent, il se murmure que certains affichent complet pour les hypothétiques week-ends du titre. En ville, on n’échappe plus aux références au Napoli. Le chiffre 3 s’affiche sur les maillots, les drapeaux et les murs des bâtiments pour annoncer l’arrivée du 3e Scudetto. Une banderole étendue via dei Tribunali verse dans la référence cinématographique en affichant le slogan « Ricomincio da tre » (« Je repars de trois »), pour citer le film du réalisateur et acteur napolitain Massimo Troisi (« Le facteur »).

Osimhen… dans toutes les assiettes

Il y en a partout et pour tout le monde. Surtout les joueurs. A droite, un drapeau à la gloire de « Kvaradona », surnom donné au miracle Khvicha Kvaratskhelia. Le Géorgien de 22 ans aurait pu se perdre dans le Caucase il n’y a pas plus tard qu’un an, en rompant son contrat avec le Rubin Kazan après le début de l’invasion russe en Ukraine. Naples est finalement allé le chercher après trois mois au pays. Et depuis, Kvara le lui rend bien.

A gauche, des gamins masqués façon Victor Osimhen, mascotte officielle du club pour le meilleur et le pire : à l’occasion du mardi-gras, un enfant s’était fait peindre le visage en noir. Dans cette histoire, la palme d’or du mauvais goût reviendra au sélectionneur, italien Roberto Mancini, lequel avait applaudi l’initiative. Il reste encore du boulot à faire. De bien meilleur goût, surtout au sens propre, l’attaquant napolitain est devenu une inspiration pour le marché local de la restauration. Des cafés, aux pizzas en passant par les desserts, tout le monde y va de sa spécialité masquée. Un clin d’œil aux confrères de Sky italia qui n’ont eu aucun mal à dresser un menu Osimhen.

Joie de courte durée pour tout ce beau monde, le buteur devrait s’engager au Bayern Munich à la fin de la saison. Pas de quoi signer la fin de ce club, qui croyait avoir perdu beaucoup plus gros l’été dernier en laissant filer le gros d’une génération de tauliers, celles des Mertens, Insigne et, surtout, Kalidou Koulibaly. L’opération de dégraissage du président de Naples entendait marquer le début d’un nouveau cycle, comme l’expliquait à l’époque De Laurentiis : « l’AC Milan a remporté le titre après quelques années de construction et avec des dépenses en salaires inférieures aux nôtres. Nous devrions pouvoir le faire aussi ».

Tout arrive plus tôt que prévu. Une victoire pour un homme dont le changement de cap avait fini de sceller le divorce avec ses tifosi. Dire que le propriétaire du club ne peut pas mettre un pied dans la ville est à peine exagéré, et la haine est réciproque. Les ultras sont à ses yeux des « délinquants » à qui il n’hésite plus à mettre des bâtons dans les roues (interdiction de faire entrer banderoles et fumigènes dans le stade, etc.) Si bien que, le 4 juin, il sera le seul artisan du 3e titre que Naples ne fêtera pas.