Belgique

Les magistrats dénoncent les propos de Bouchez sur les prisons: “On est dans les fake news, les contre-vérités, des solutions toutes faites”

Pour rappel, le libéral proposait, entre autres, de supprimer l’allocation de 100 euros par semaine versée aux condamnés qui sont placés sous bracelet électronique. Le patron du MR souhaitait également faire contribuer financièrement les détenus au coût de leur séjour en prison, sur la base de leur revenu et de leur patrimoine éventuel.

L’interview de Georges-Louis Bouchez qui a choqué les magistrats.

Les sanctions financières sont les plus efficaces quand il s’agit d’une criminalité lucrative, explique-t-elle. Pour le narcotrafic, les dossiers de corruption, il faut viser le portefeuille. On rejoint Georges-Louis Bouchez sur ce point. Il existe énormément d’outils pour cela et ils sont utilisés tous les jours. Si quelqu’un a plusieurs maisons qui sont le fruit d’une activité criminelle, la première chose que l’on va faire, c’est les saisir quand c’est possible. Mais, dans la réalité, cela nécessite des moyens humains importants au niveau des magistrats, des policiers, des inspecteurs des finances… Or, le manque de personnel est dénoncé régulièrement. Le précédent gouvernement avait fait des coupes budgétaires terribles qui ont encore aggravé la situation.

”La surveillance électronique permet de vider les prisons”

Sur les bracelets électroniques, Marie Messiaen attaque frontalement. “Il faut rappeler que la surveillance électronique est une vraie peine. C’est une privation de liberté. Ce n’est pas une faveur. Cette surveillance électronique permet de vider les prisons et elle donne de bien meilleurs résultats en matière de récidive. Monsieur Bouchez veut supprimer l’allocation de 100 euros par semaine mais il faut savoir que cette somme n’a plus été indexée depuis au moins 15 ans. J’invite Monsieur Bouchez à vivre avec 400 euros par mois… Et on verra. L’objectif de cette allocation est de compenser le fait qu’on n’a pas droit aux revenus du CPAS, par exemple. Et on n’a pas forcément l’occasion de travailler durant cette peine.

guillement

Monsieur Bouchez veut supprimer l’allocation de 100 euros par semaine mais il faut savoir que cette somme n’a plus été indexée depuis au moins 15 ans. J’invite Monsieur Bouchez à vivre avec 400 euros par mois… Et on verra.« 

Quant à la possibilité de faire participer les détenus au coût de leur incarcération, Marie Messiaen donne un carton rouge au président du MR. “Avec quoi les gens vont-ils payer cette facture ? Il donne l’image de détenus qui ont de l’argent mais c’est une proportion infime. La plupart des gens en prison sont pauvres et leur niveau de déclassement social et économique explique pourquoi ils sont là. Si les détenus ont de l’argent, il doit servir en priorité à indemniser les victimes. Par ailleurs, il n’y a pas de revenu du CPAS ou de chômage quand on est en prison. C’est une période où on ne gagne pas d’argent.”

”L’idée du président du MR se heurte à la réalité”

Georges-Louis Bouchez évoquait toutefois une facture plutôt symbolique, une dette imprescriptible à ne rembourser que lorsque, par exemple, un ex-détenu retrouve du travail. “Si vous faites l’objet d’une enquête pénale et que vous êtes condamné, vous avez déjà des frais énormes à votre charge, nuance la présidente de l’Association syndicale des magistrats. Tous les frais d’enquête téléphonique, les indemnités de procédures, l’indemnisation des victimes… Si vous n’avez pas les reins solides, un passage en prison vous assure déjà un énorme risque de surendettement. L’idée du président du MR se heurte à la réalité. Il y a un paradoxe : comment les gens qui sortent de prison vont-ils éviter la récidive ? Qu’il aille faire un tour en prison…

guillement

Que Georges-Louis Bouchez aille faire un tour en prison…« 

Par rapport à la détention préventive, Georges-Louis Bouchez dénonçait un “sketch”. Selon lui, une personne en détention préventive doit passer tous les mois devant la chambre du conseil. Et cela inutilement. “Ce n’est pas exact, répond Marie Messiaen. Les délais ont déjà été allongés : on passe tous les deux mois en chambre du conseil après trois mois (de détention préventive) et tous les six mois quand on est accusé d’un crime. Par ailleurs, en détention préventive, on est présumé innocent. Le contrôle d’une juridiction est nécessaire et est une exigence de la convention européenne des droits de l’homme. Monsieur Bouchez cite la France comme le modèle à suivre à ce sujet, mais la France est justement l’un des très mauvais élèves en matière de surpopulation carcérale et de population en détention préventive. Ce n’est pas un exemple à suivre.”

guillement

Monsieur Bouchez cite la France comme le modèle à suivre à ce sujet mais la France est justement l’un des très mauvais élèves. »

Enfin, sur le durcissement du régime des libérations conditionnelles demandé par le patron des libéraux, Marie Messiaen rejette cette idée : “Il faut savoir que de plus en plus de détenus vont à fond de peine et ne sollicitent même plus une libération anticipée ou échouent à l’obtenir car les conditions fixées sont très difficiles à remplir.