Belgique

Jean-Marc Nollet (Écolo) : “Alexander De Croo a fait une erreur scientifique monumentale”

Bref, vous ne digérez pas les propos du Premier ministre…

Alexander De Croo a fait une erreur scientifique monumentale en séparant climat et nature. Il reste dans le logiciel des années 80. Toutes les études disent qu’il existe une interaction forte entre nature et climat. On peut penser, par exemple, à la verdurisation des villes qui réduit le CO2 et qui protège en situation de canicule en faisant baisser la température de 2 à 3 degrés.

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Les propos d’Alexander De Croo peuvent être expliqués par la pression de la N-VA sur l’Open VLD. Les nationalistes flamands veulent passer pour les champions dans la défense des entreprises.

En plus de son erreur scientifique, De Croo a fait une faute politique. Il cède à la panique car les sondages placent son parti à moins de 10 %. Il s’engage dans une surenchère rétrograde dont il ne peut que sortir perdant. La N-VA fera toujours pire que lui. Il dit “pause”, les nationalistes disent “marche arrière”. Il pense grappiller quelques voix à court terme mais il se trompe car ces voix seront captées par la N-VA. Et il aggrave le problème environnemental… Il avait parlé de 5 à 10 hivers difficiles dans le cadre de la crise énergétique. Mais, avec les positions qu’il défend désormais, on va vers 10 étés catastrophiques. Et vers des printemps de plus en plus silencieux… Un oiseau sur six a disparu en cinquante ans en Europe. Pourquoi ? Car 80 % des insectes volants ont disparu. Et parmi eux, il y a les pollinisateurs dont l’apport économique a été évalué à entre 235 milliards et 575 milliards de dollars par an au niveau mondial !

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De Croo ne peut que sortir perdant. La N-VA fera toujours pire que lui Il dit “pause”, les nationalistes disent “marche arrière”.

Le Premier ministre vous avait-il prévenu de sa “sortie” ?

Tout le monde a été surpris. À commencer par les commentateurs politiques. C’est une prise de position de sa part, il n’y a pas de décision à prendre en gouvernement. Mais cette prise de position montre bien qu’on ne fait pas d’écologie sans les écologistes… Georges Gilkinet, notre vice-Premier ministre, une demi-heure après ses déclarations, a eu des échanges avec lui pour dire que les écologistes n’accepteront jamais de défendre cette “pause”. Jamais. Et Petra De Sutter (vice-Première ministre Groen) a fait la même démarche.

Avez-vous pensé à débrancher la prise et à quitter le gouvernement ?

Cette question n’a aucun sens. Débrancher la prise, cela veut dire permettre à la Belgique de suivre ceux qui demandent la pause (au niveau européen). Nous, on est là. Et on refuse. Il faut inverser la logique : c’est Alexander De Croo qui doit nous convaincre. Mais il ne nous aura pas. On veut accélérer la transition écologique.

La Vivaldi avait tremblé suite aux déclarations d’Alexander De Croo et sa « pause » environnementale.

Paradoxalement, cette sortie du Premier ministre pourrait aider politiquement Écolo et Groen en remettant à l’avant de la scène médiatique les questions environnementales, climatiques. Après le Covid et avec l’actuelle guerre en Ukraine, ces thèmes étaient moins évoqués.

Je refuse de me laisser entraîner dans des considérations purement politiciennes. Je ne parle pas ici du prochain résultat électoral d’Écolo. Je parle de la capacité de l’espèce humaine à continuer à vivre sur cette planète. Excusez-moi, mais ce n’est pas le même niveau d’enjeux. On est d’accord ?

Il n’est pourtant pas déraisonnable de s’inquiéter des futurs résultats d’Écolo. Les verts ne retirent pas grand-chose de la Vivaldi : le parti est pacifiste mais le gouvernement fédéral augmente les budgets militaires ; les écolos sont antinucléaires mais c’est Tinne Van der Straeten (Groen) qui prolonge les réacteurs ; le parti se veut le champion de l’éthique mais Sarah Schlitz a dû démissionner à la suite du logogate…. La liste des facteurs affaiblissant Écolo est longue. Comment ferez-vous campagne en 2024 ?

Je ne partage pas du tout la manière dont vous posez le débat. L’écologie politique est un combat de tous les jours. En montant dans le gouvernement fédéral, nous avons pris nos responsabilités et nous voulons apporter des solutions. Nous sommes régulièrement précurseurs et les partis traditionnels ne vont pas aussi loin que nous le voudrions. Par exemple, dans les enjeux de bonne gouvernance, de démocratie, d’éthique politique. Comme on est en pointe, on est davantage exposé. Mais on n’est pas au gouvernement pour thésauriser un résultat électoral. D’autres sont au gouvernement pour avoir des postes et conserver leur pouvoir.

Vos adversaires politiques auront beau jeu, durant la campagne, de vous dire qu’Écolo ne s’applique pas à lui-même ses leçons d’éthique politique.

Écolo est à l’offensive sur la question de l’assainissement des pratiques politiques. Il y a un momentum. Et ce momentum doit se transposer en décisions avant les élections. Nous voulons une réduction du salaire des députés et des ministres à hauteur de 30 % et nous voulons mettre fin aux “privilèges”, à tous ces régimes spéciaux, ces sursalaires, ces surpensions dont bénéficient les députés. Nous voulons, enfin, le décumul intégral des mandats : aujourd’hui à la Chambre, le chef de groupe Écolo n’est pas échevin ou bourgmestre en même temps. Au PS et au MR, les chefs de groupe cumulent. C’est parce qu’on veut toutes ces choses-là que certains s’amusent à regarder le doigt au lieu de regarder la lune… On est plus dur avec nous, et c’est normal, car nous mettons la barre très haut en matière éthique.

En complément à cet assainissement des pratiques, nous avons aussi trois nouvelles propositions fortes pour revitaliser la démocratie : inscription du référendum et du “préférendum” (les votes portent sur une série de choix à réaliser afin de dégager une hiérarchie entre différentes options, NdlR) dans la Constitution ; suppression du Sénat à remplacer par une assemblée de citoyens tirés au sort ; les citoyens doivent avoir la possibilité de déposer des propositions de loi.

Les propositions des verts pour revitaliser la démocratie.