Belgique

Il sera bientôt possible de faire don de ses données médicales à la science

”On doit faire évoluer la législation pour pouvoir autoriser le don de données de santé, expose-t-il à La Libre. Imaginez quelqu’un qui a subi des traitements parfois lourds, des traitements expérimentaux, ces données-là, elles sont vraiment importantes. On peut aussi penser, par exemple, à l’analyse des effets de la conjugaison de certains médicaments. Les données de santé sauvent des vies. On doit pouvoir les donner.”

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Si on autorise le don de ses organes après sa mort, il n’y a pas de raison qu’on ne puisse pas libérer ses données de santé.

”Je suis en train de préparer un texte. J’espère pouvoir aboutir avant la fin de la législature (en 2024), précise le secrétaire d’État. Selon moi, si on autorise le don de ses organes après sa mort, il n’y a pas de raison qu’on ne puisse pas libérer ses données de santé.”

Sans données, pas d’IA

Le projet doit donc permettre d’améliorer les connaissances scientifiques en matière de santé. Mais il s’inscrit aussi dans un cadre plus large, celui du développement de l’e-santé et de l’intelligence artificielle (l’IA) qui trouve des applications, entre autres, dans l’amélioration des diagnostics et des traitements.

”En Belgique, quand on parle d’innovation, on identifie l’e-santé comme l’un des secteurs les plus porteurs. La Belgique a un système de santé – avec le pharma, les biotechs, les medtechs – qui est hyperdéveloppé dans les filières traditionnelles. On doit faire basculer cet écosystème dans le monde de demain, transférer cette force dans le 21e siècle.”

Pour y parvenir, Mathieu Michel identifie “deux enjeux essentiels”. Premièrement, on y revient : “libérer les données”. Sans données, pas d’e-santé, pas d’intelligence artificielle puisque l’efficacité des algorithmes dépend en bonne partie de la quantité de données à disposition. Et cette libération des données passera notamment par ce projet de don de données de santé, espère le secrétaire d’État.

C’est dans cette même optique que la création d’une “Agence des données de (soins de) santé” (ADS) a été votée en début d’année. Elle doit servir de plateforme d’échange de données aujourd’hui éparpillées entre moult acteurs (hôpitaux, universités, mutuelles, administrations, etc.) et stimuler la recherche scientifique.

Pourquoi une “Agence des données de (soins de) santé” va voir le jour

Préserver le cadre fiscal

”L’ADS doit aussi garantir que quand une donnée de santé est partagée, c’est fait en respectant la vie privée et la sécurité, souligne M. Michel. On doit mettre ceux qui veulent partager leurs données de santé dans des conditions de confiance qui feront qu’il y aura davantage de données.”

Le deuxième enjeu, poursuit-il, vise à faire en sorte que la Belgique reste un pays attractif pour les chercheurs et investisseurs étrangers dans le domaine de la santé. “Il y a une réflexion en cours sur une réforme fiscale. Je ne voudrais pas que l’on ait autant de flottement sur la fiscalité sur la recherche et l’innovation que ce qu’on a eu sur les droits d’auteur (un avantage fiscal que le gouvernement a décidé de resserrer, NdlR). Pour le dire autrement, une société qui aujourd’hui fait du chiffre, ne doit pas être considérée comme une vache à lait. On doit continuer à l’aider, lui permettre de basculer dans le nouveau monde.”

Giovanni Briganti complète l’analyse de Mathieu Michel. Cet expert en intelligence artificielle est lui-même médecin et responsable du groupe de travail AI4Health au sein de l’écosystème fédéral pour l’intelligence artificielle (AI4Belgium). Selon lui, le déploiement de l’intelligence artificielle dans la santé nécessite trois éléments.

Quel remboursement pour quel logiciel ?

Un : un cadre juridique. “L’AI Act fait son chemin au niveau européen. C’est un bon début, dit-il. Le suicide d’un Belge après avoir eu des conversations avec le chatbot Eliza a secoué les milieux scientifique, médical et politique. Il est clair que les algorithmes qui ont un usage en matière de santé doivent pouvoir être testés et validés par des essais cliniques qui garantissent leur efficacité.”

« Sans ces conversations avec le chatbot Eliza, mon mari serait toujours là »

Deux : le remboursement de l’utilisation des programmes d’IA par l’Inami (l’assurance maladie invalidité). “Sans remboursement, il est peu probable que les efforts d’IA perdurent au niveau des institutions hospitalières. Il est normal que si un algorithme est validé pour la santé de la population, il puisse être remboursé.” Il existe déjà aujourd’hui des logiciels de gestion des dossiers des patients en kinésithérapie qui donnent lieu à une “prime télématique”. Ce n’est qu’un début.

Enfin, troisième élément, “le volet éducation que l’on essaie de promouvoir au niveau universitaire avec des formations à destination des différentes professions de la santé”, conclut Giovanni Briganti.