Belgique

Décès de Sourour Abouda: la famille implore que le dossier soit mis à l’instruction

Décès de Sourour, 46 ans, dans une cellule du commissariat de la police fédérale : les premières conclusions de l’enquête sont tombées

Sourour Abouda, une femme de 46 ans, employée dans le secteur associatif, a été arrêtée le 12 janvier dernier peu avant 06h00, rue Américaine à Ixelles. Selon le procès-verbal qui avait été divulgué à la RTBF par le bourgmestre d’Ixelles, un homme a contacté la police parce qu’une femme, qui sera identifiée comme étant Sourour Abouda, tenant des propos incohérents, était entrée dans sa voiture et ne voulait pas en sortir.

La quadragénaire a alors été arrêtée administrativement et conduite au complexe cellulaire du RAC, le centre administratif de la police fédérale, rue Royale à Bruxelles. Elle y a été retrouvée morte après plus d’une heure sans surveillance. Il s’agit du troisième décès survenu dans ces cellules en l’espace de deux ans.

Quatre jours après les faits, le parquet de Bruxelles a déclaré que les premières constatations excluaient l’intervention d’un tiers dans le décès. Mais les causes de la mort restent pour l’heure inconnues et les circonstances dans lesquelles elle est survenue – les policiers présents n’ayant rien remarqué – restent floues également.

Aujourd’hui, la famille de Sourour et la Ligue des droits humains, qui agit à ses côtés, déplorent ne pas obtenir de réponses aux questions qu’elles ont adressées au parquet concernant l’état d’avancement du dossier. Jusqu’à présent, la mère et la sœur de la défunte n’ont eu accès qu’à une partie des images filmées dans le complexe cellulaire. Les avocats de celles-ci et de la ligue s’interrogent également sur les raisons pour lesquelles le parquet ne met pas ce dossier à l’instruction, vu la gravité des faits et les devoirs d’enquête qui seraient nécessaires d’accomplir. Le parquet mène actuellement une simple information judiciaire.

« Rien ne nous permet jusqu’à présent de vérifier que le parquet mène bien une enquête indépendante. Nous pouvons lui poser des questions, même solliciter qu’il réalise des devoirs, mais nous restons sans réponse. On est dans l’incompréhension la plus totale », a commenté Me Nardone. « Il existe bien sûr le secret de l’information judiciaire et nous ne le remettons pas en question, mais ce principe ne veut pas dire qu’on tient totalement à l’écart la famille de la victime. C’est important d’avoir une relation de confiance avec l’autorité qui mène l’enquête », a-t-il précisé.

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« Une instruction permettrait de contrôler, via la chambre du conseil, le bon déroulement de l’enquête », a ajouté Me Benkhelifa. « C’est important également parce que c’est la chambre du conseil, donc un juge indépendant, qui établit, in fine, s’il y a des charges suffisantes pour renvoyer le dossier en correctionnelle ou pas. Dans le cas d’une information judiciaire, c’est le parquet qui décide seul de citer les suspects devant le tribunal correctionnel ou de classer sans suite ».

La famille a néanmoins la possibilité de se constituer partie civile auprès d’un juge d’instruction, mais cette action implique des frais, relève Me Deswaef. « C’est inhumain de faire peser ce choix de procédure et le coût de celle-ci sur la famille », a-t-il déclaré, rappelant que la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) établit une série d’obligations procédurales en cas de violation de l’article 2 [droit à la vie] de la Convention européenne des droits de l’homme impliquant des agents de police. Parmi ces obligations figure l’exigence d’une « enquête immédiate et diligente, indépendante et impartiale, approfondie et complète, suffisamment ouverte pour permettre l’accès aux victimes et le contrôle du public », cite-t-il. « En Belgique », insiste le pénaliste, « c’est la personne du juge d’instruction qui incarne cette indépendance et cette impartialité ».

La famille de Sourour Abouda implore donc le parquet de Bruxelles de désigner un juge d’instruction pour que toutes les chances soient données à cette enquête d’aboutir.