Suisse

Un village viticole valaisan expérimente des solutions innovantes contre le manque d’eau

Harald Glenz, responsable de l’eau pour l’irrigation de Salquenen, est convaincu que l’on peut obtenir les mêmes rendements avec moins d’eau. swissinfo.ch

La fonte d’un glacier prive Salquenen d’une importante ressource en eau pendant l’été. Le village valaisan mise sur la technologie pour réduire de près de moitié la quantité d’eau utilisée pour irriguer ses vignobles. Un projet qui pourrait inspirer d’autres régions du monde sujettes à la sécheresse.

Ce contenu a été publié le 13 août 2023 – 08:00




glacier de la Plaine MorteLien externe, situé près de 2000 mètres plus haut. Cela garantissait un certain ruissellement et de l’eau pour l’agriculture pendant une bonne partie de l’été. Toutefois, avec le recul du glacier, l’eau s’écoule principalement vers le canton voisin de Berne, laissant le versant valaisan presque à sec. En outre, en raison du changement climatique, il tombe de moins en moins de neige dans les montagnes. Résultat: la Raspille s’assèche plus tôt qu’elle ne le devrait dans l’année.

>> Animation montrant le recul du glacier de la Plaine Morte:

La construction d’un lac artificiel en plaine pour recueillir les eaux non utilisées de la Raspille n’est pas envisageable. La surface nécessaire serait trop importante, explique Harald Glenz. Il faudrait un réservoir de la taille d’un terrain de football et d’une profondeur de cinq mètres pour répondre aux besoins en eau des vignobles de Salquenen pendant un seul jour.

La Raspille, le 6 juin 2023, au point où est prélevée l’eau destinée à l’irrigation à Salquenen. Luigi Jorio

Stockage d’altitude

L’idée est plutôt de stocker l’eau en altitude, dans le bassin de rétention de Tseuzier. Ce barrage, situé à 1780 mètres d’altitude, est en service depuis 1957.

Le projet «Lienne-Raspille» prévoit la construction d’un réseau de canalisations souterraines pour collecter l’eau de fonte des neiges au printemps et la stocker dans le lac artificiel de Tseuzier. L’eau serait ensuite acheminée vers les terres à irriguer en été. Un réservoir de stockage multifonctionnel pour produire de l’énergie et irriguer serait une première en Suisse, se réjouit Gilles Florey, maire de Salquenen.

Les barrages suisses, contrairement à la plupart des barrages dans le monde, sont conçus presque exclusivement pour la production d’énergie hydroélectrique. Selon le Registre mondial des barragesLien externe, 87% des bassins de rétention suisses sont utilisés uniquement pour la production d’électricité et seulement 2,4% ont plus d’un usage. En Suisse, l’idée d’une utilisation multiple des bassins hydriques «est bien loin d’être reconnue comme un paradigme de gestion de l’eau et de l’énergie», selon une étudeLien externe récemment publiée par l’Université de Lausanne.

expliquéLien externe Marie-Thérèse Sangra, secrétaire régionale de la section valaisanne du WWF, au quotidien Le Nouvelliste.

Le maire de Salquenen n’est toutefois pas inquiet. «Nous devrions parvenir à un accord avec le WWF d’ici la fin de l’été», prévoit Gilles Florey. Optimiser la consommation d’eau et éviter le gaspillage font en effet aussi partie de ses priorités.

Irrigation au goutte-à-goutte

En bordure du village de Salquenen, deux parcelles cultivées avec le même cépage ont été équipées d’un nouveau système automatique d’irrigation au goutte-à-goutte. Cette méthode permet d’acheminer l’eau vers les plantes de manière lente et contrôlée, ce qui minimise les pertes par évaporation.

Par rapport à l’irrigation par aspersion, un système de goutte-à-goutte conventionnel réduit la consommation d’eau d’environ 20%. Ce système est utilisé dans environ un tiers des vignobles de Salquenen. Les économies sont encore plus importantes avec un système entièrement automatisé, comme celui testé ici.

«Ce n’est pas seulement la Californie ou les pays arides comme l’Australie, le Chili ou l’Afrique du Sud qui ont besoin de ces technologies»

Eric Valette, Aqua4D

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Des capteurs détectent en temps réel l’humidité du sol et l’état de stress hydrique des vignes, et le système optimise en permanence l’irrigation. Des survols avec un drone mesurent la couverture et le volume foliaire, ce qui permet d’étudier l’évolution de la vigne.

L’inconvénient est que pour la micro-irrigation, des filtres sont indispensables, afin d’éliminer les sédiments ou les impuretés dans l’eau qui pourraient obstruer les buses des goutteurs. De plus, l’investissement nécessaire pour passer à l’irrigation au goutte-à-goutte n’est pas négligeable. Lui-même viticulteur, Harald Glenz a dépensé près de 4000 francs pour ses quelque 2000 mètres carrés de terrain.

Moins d’eau grâce à la technologie

Dans l’une des deux parcelles expérimentales, outre l’irrigation automatisée au goutte-à-goutte, une technologie encore plus innovante a été adoptée. Avant de tomber sur le sol, l’eau est soumise à des ondes électromagnétiques à basse fréquence à l’intérieur d’un cylindre métallique spécial.

Développé par la société valaisanne Aqua4DLien externe, l’appareil est capable de modifier certaines propriétés physiques de l’eau. Ce traitement améliore sa pénétration dans le sol et son absorption par les plantes. Cette solution est déjà utilisée dans plusieurs pays, par exemple dans certaines plantations d’amandes en CalifornieLien externe qui, comme les vignobles de Salquenen, dépendent de la fonte des neiges dans la Sierra Nevada.

«Ce n’est pas seulement la Californie ou les pays arides comme l’Australie, le Chili ou l’Afrique du Sud qui ont besoin de ces technologies», explique Eric Valette, cofondateur d’Aqua4D. En raison de la sécheresse historique de 2022, des pays qui n’ont traditionnellement jamais été confrontés à la pénurie d’eau commencent à prendre conscience du problème. «Le projet de Salquenen est très important, car il peut servir de référence pour les régions du monde qui pourraient être confrontées à des difficultés d’approvisionnement en eau à l’avenir», affirme Eric Valette.

Le dispositif d’Aqua4D modifie la structure de l’eau. swissinfo.ch

Comment sera le vin?

L’essai à Salquenen a débuté à l’été 2022, notamment grâce au soutien de la Confédération et à un prix en espèces attribué par le fournisseur d’électricité AlpiqLien externe, et fait partie d’un projet plus vaste visant à rénover l’ensemble du système d’irrigation du village, qui date des années 1980.

Les premiers résultats sont prometteurs, déclare Harald Glenz. Dans la parcelle équipée de la technologie Aqua4D, qui a reçu 20% d’eau en moins, on a obtenu un rendement qualitatif et quantitatif similaire à celui de la parcelle de référence. «Cela signifie que nous pouvons obtenir de bons rendements même avec moins d’eau», en déduit Harald Glenz.

Il est cependant encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives et savoir si le vin sera également bon. Le projet est maintenant lancé pour une deuxième année, afin de définir quels résultats sont dus aux dispositifs adoptés et lesquels ont été influencés par les conditions météorologiques.

Si le projet continue à faire ses preuves, tous les vignobles de la commune et du canton pourraient être équipés d’un système d’irrigation automatisé au goutte-à-goutte et de la technologie Aqua4D, ce qui permettrait d’économiser plus de 40% d’eau, indique Gilles Florey. Et de préciser: «je ne connais pas beaucoup d’autres solutions permettant de réduire autant la consommation d’eau».

Relu et vérifié par Sabrina Weiss, traduit de l’italien par Olivier Pauchard

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