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Soins palliatifs: peut-on mourir paisiblement en Suisse?

© Keystone / Gaetan Bally

Le suicide assisté tel qu’il est pratiqué en Suisse suscite régulièrement de l’intérêt à l’étranger. Qu’en est-il des soins palliatifs, cette autre forme d’accompagnement des personnes en fin de vie? Eléments de réponse.

Ce contenu a été publié le 15 janvier 2024 – 09:36




étude internationaleLien externe sur la «qualité de la mort» publiée en 2022 par des équipes de recherche des États-Unis et de Singapour, la Suisse ne pointe qu’au 13e rang sur 81 pays. Le Royaume-Uni, berceau des soins palliatifs, occupe la première place.

iciLien externe.

Combien y a-t-il de lits en soins palliatifs en Suisse?

Selon la Société suisse de médecine et de soins palliatifs (palliative.chLien externe), le nombre de lits dédiés aux soins palliatifs est passé de 375 en 2021 à 393 en 2022, une hausse principalement due à la certification de deux nouvelles unités de soins.

En 2022, 3736 lits étaient exploités dans 26 des 35 établissements de soins de longue durée (EMS et maisons de repos) certifiés dans toute la Suisse.

Que recouvre cette certification?

Dans le cadre de la stratégie nationale pour les soins palliatifs élaborée par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) et la Conférence des directeurs cantonaux de la santé (CDS), un label de qualitéLien externe est décerné annuellement depuis 2010. Les établissements labellisés sont censés offrir des soins palliatifs de très haute qualité tout en répondant à certains standards.

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Qu’entend-on par soins palliatifs spécialisés?

Environ 80% des personnes concernées peuvent être traitées dans le cadre de soins palliatifs dit généraux, c’est-à-dire à domicile, dans une institution médico-sociale, une maison de retraite ou en soins aigus à l’hôpital.

Pour les 20% restants, des soins palliatifs spécialisés sont nécessaires en raison d’un état de santé instable, d’un traitement complexe ou d’une surcharge pour les proches aidants. Ces soins spécialisés peuvent aussi être proposés en milieu hospitalier, dans les établissements de soins de longue durée et même à domicile (ambulatoire).

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Mais le nombre de lits dédiés aux soins palliatifs est insuffisant. L’Association européenne des soins palliatifs recommande par exemple un ratio de 100 lits pour un million d’habitant-es. La Suisse devrait donc en théorie disposer de 870 lits, soit plus du double du nombre actuellement disponible.

Selon l’Office fédéral de la santé publiqueLien externe (OFSP), six cantons sur 26, dont Uri et Schaffhouse, ne disposent d’aucun lit spécialisé en soins palliatifs.

carteLien externe.

Les inégalités régionales ne sont pas le seul problème. Selon un rapportLien externe de l’Université de Berne, plus de 70% des personnes qui vivent en Suisse veulent mourir chez elles. Mais 79% des malades en phase terminale décèdent à l’hôpital ou en EMS.

Pour David Blum, expert en médecine palliative et professeur assistant à l’Université de Zurich, les services ambulatoires en soins palliatifs devraient être renforcés à l’avenir en Suisse. «Beaucoup de patientes et patients vivent seuls à la maison. Le ou la partenaire ne peut souvent pas assumer tous les soins qui doivent être prodigués», a-t-il expliqué au site spécialisé medinside.chLien externe.

Comment la demande de soins palliatifs évolue-t-elle?

La plupart des personnes qui recourent aux soins palliatifs sont atteintes de cancer. L’OFSPLien externe indique que 5990 personnes hospitalisées en 2018 ont reçu des soins palliatifs, soit 12% des décès enregistrés en milieu hospitalier. Plus de 80% souffraient de cancer.

Mais selon l’institut de sondage INTERFACELien externe, les besoins en soins palliatifs sont plus importants et devraient encore s’accentuer à l’avenir avec le vieillissement de la population.

Il estime que 50’000 personnes auraient eu besoin de soins palliatifs en 2020, un nombre qui devraient atteindre les 66’000 d’ici 2050.

Comment les soins palliatifs sont-ils financés en Suisse?

La Confédération travaille depuis quinze ans sur une stratégie nationaleLien externe en matière de soins palliatifs. Dans sa feuille de route portant sur la période 2010-2015, l’accent a été mis sur le financement, la sensibilisation, la formation et la recherche. Une plateforme a été lancée au niveau national pour favoriser les échanges de connaissances et d’informations entre les personnes et institutions impliquées.

Cependant, l’offre de soins palliatifs reste peu accessible, que ce soit pour la patientèle ou le milieu de la santé.

La médecine palliative ne fait encore l’objet d’aucune réglementation spécifique dans la loi sur l’assurance maladie (LAMal). Certains services ne sont ainsi pas couverts par l’assurance maladie obligatoire, ce qui peut entraîner des coûts élevés pour les patients et patientes.

Les spécialistes critiquent aussi le système de financement forfaitaire par cas (DRG, groupes liés au diagnostic). Le fait qu’un montant déterminé soit payé pour un traitement donné ne répond pas aux besoins réels des soins palliatifs.

Selon H+Lien externe, l’organisation suisse des hôpitaux et institutions de soins publics et privés, presque tous les établissements proposant des soins palliatifs – hôpitaux, EMS, établissements de soins, soins à domicile (Spitex) – sont sous-financés.

Des lacunes structurelles pointées du doigt pour expliquer le retard qui a été pris en Suisse.

Dans ce contexte, la Confédération tergiverse. En 2021, le Conseil national (la Chambre basse du Parlement) a adopté une motionLien externe demandant au Conseil fédéral d’améliorer les finances des soins palliatifs et de procéder aux modifications nécessaires dans la loi.

En novembre 2023, 13 organisations, dont H+ et Spitex, ont publié une déclaration communeLien externe exigeant que cette motion soit mise en œuvre le plus rapidement possible.

Texte relu et vérifié par Marc Leutenegger, traduit de l’allemand par Alain Meyer

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