Suisse

Pénurie d’eau: pourquoi l’or bleu de la Suisse est sous pression

Même en Suisse, la multiplication des périodes de sécheresse commence à poser un problème pour l’approvisionnement en eau, surtout dans les régions reculées. Keystone / Wladimir Bulgar

La pénurie d’eau est à l’origine de nombreux conflits dans le monde, mais en Suisse, cette précieuse ressource a toujours été abondante. Pendant des années, la consommation n’était même pas surveillée. Désormais, les sécheresses fréquentes et la forte demande augmentent les tensions et les appels à réguler l’utilisation de cette ressource précieuse.

Ce contenu a été publié le 12 juin 2023




EawagLien externe), certaines communes mettent déjà en œuvre des solutions pour distribuer l’eau à d’autres régions. La ville de Zurich, par exemple, fournit de l’eau potable à plus de 60 communes du canton en fonction des besoins. «Ce processus doit encore être amélioré pour surmonter la sécheresse estivale», ajoute le chercheur.

Ce dernier estime que les communes devraient collaborer pour pallier les carences en eau, mais il reconnaît que c’est plus facile à dire qu’à faire. «L’eau au niveau local est considérée comme un privilège. Et de nombreuses communautés préfèrent rester indépendantes», relève Urs von Gunten.

Les tensions s’accentuent

Les conflits liés à l’utilisation de l’eau sont répandusLien externe en Suisse, même si l’on manque de données précises sur leur ampleur. Par exemple, les périodes de sécheresse prolongées ont augmenté les besoins en eau pour l’irrigation des champs agricoles, qui est parfois prélevée dans les mêmes réserves d’eau souterraine que celles qui alimentent les ménages. En outre, la pollution des eaux de surface et des eaux souterraines due à l’activité agricole réduit la disponibilité de l’eau potable et en augmente le coût. Ces conflits entre le secteur agricole et la population pourraient devenir un problème à l’avenir, avertit Petra Schmocker-Fackel.

L’industrie énergétique, qui a besoin d’eau pour produire de l’électricité, tente de trouver un accord avec le secteur agricole sur l’accès aux bassins lacustres pendant les périodes estivales. Avec la hausse des températures, les industries chimiques et nucléaires ont besoin de plus d’eau pour refroidir leurs usines. Il en va de même pour les secteurs financier et technologique, qui utilisent l’eau des eaux souterraines ou des rivières pour maintenir leurs serveurs au frais.

Les tensions autour de l’utilisation des ressources en eau sont aussi plus fréquentes le long de frontières. La France souhaiterait que la Suisse libère davantage d’eau du barrage du Seujet à Genève pour refroidir ses centrales nucléaires en été, tandis que l’Italie voudrait stocker davantage d’eau dans le lac Majeur à des fins d’irrigation.

Soif de ressources

Concilier tous ces intérêts est compliqué, mais possible, estime Petra Schmocker-Fackel. Selon elle, les solutions résident dans une meilleure gestion de l’eau au niveau cantonal, dans le contrôle de la consommation et dans l’extension des réseaux d’approvisionnement en eau. Des investissements dans des techniques d’irrigation plus efficaces permettraient de réduire le gaspillage et l’évaporation de l’eau, tout comme le recyclage des «eaux grises» (eaux de cuisine et de douche) et des habitudes de consommation plus économes dans les ménages.

rapport, plus de 80% de la consommation d’eau en Suisse est «cachée» dans les biens de consommation importés, tels que les produits et services agricoles et industriels. La Suisse est peut-être le «château d’eau» de l’Europe, mais elle a aussi très soif. «Nous devons assumer nos responsabilités: il ne s’agit pas seulement d’une question de solidarité internationale, mais aussi du développement de notre pays», souligne Martin Dahinden, ancien directeur de la Direction du développement et de la coopération (DDC), dans ce rapport.

Texte relu et vérifié par Sabrina Weiss et Veronica de Vore; traduit de l’italien par Olivier Pauchard

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