Suisse

«Les effets néfastes du changement climatique sur la santé mentale doivent être reconnus au niveau mondial»

Toujours plus de gens éprouvent de la colère et de l’inquiétude face aux effets du changement climatique, par exemple la fonte des glaciers. Keystone / Anthony Anex

Le réchauffement climatique et la dégradation de l’environnement peuvent provoquer des troubles anxieux et des dépressions, en particulier chez les jeunes. Un grave problème de santé publique auquel il faut s’attaquer immédiatement, estime le psychiatre Philippe Conus.

Ce contenu a été publié le 30 septembre 2023 – 07:45




pétitionLien externe pour que le problème soit traité le plus rapidement possible, avec le soutien de l’Organisation mondiale de la santé.

étude internationaleLien externe sur l’écoanxiété et la jeunesse, publiée en 2021, près de 60% des personnes interrogées se sont déclarées «extrêmement préoccupées» par les conséquences du changement climatique et plus de 50% ont dit ressentir de la tristesse, de la colère, de l’impuissance et de la culpabilité. Quelle est la situation en Suisse?

Les chiffres en Suisse sont conformes à l’étude internationale, voire légèrement supérieurs. En 2022, nous avons mené une enquête auprès d’environ 2000 étudiants et étudiantes de l’Université de Lausanne: 85% ont affirmé être «agités» à cause du changement climatique; 65% se sont déclarés «très agités»; 53% ont indiqué ne pas vouloir d’enfants dans un tel monde.

Quelle thérapie préconiseriez-vous à une personne souffrant d’écoanxiété?

Il n’existe pas de thérapies standardisées. Le diagnostic d’écho-anxiété n’est pas reconnu dans les classifications internationales des maladies.

Cela dit, je dirais tout d’abord qu’il est normal d’éprouver un sentiment d’anxiété. Il ne s’agit pas d’une maladie ou d’un état de folie et, en effet, il y a de bonnes raisons d’être anxieux. L’approche est la même que pour les personnes traumatisées ou victimes d’abus sexuels.

À quelqu’un d’anxieux à cause du climat, j’explique qu’il ne faut pas passer son temps à lire des nouvelles négatives en ligne ou dans les journaux. Il est important de rester en contact avec la nature et de se reconnecter à la réalité. Après tout, même menacées, la biodiversité et la nature continuent d’exister. Je suggère également de devenir actif, par exemple en s’engageant dans des associations ou en politique. Cela donne l’impression de reprendre un certain contrôle de la situation.

Dans les cas les plus graves, des approches psychothérapeutiques, voire la prescription de médicaments anxiolytiques ou, si nécessaire, d’antidépresseurs, peuvent être envisagées.

En juillet, vous avez organisé la conférence annuelle de l’Association mondiale pour l’intervention précoce en santé mentale à Lausanne. L’écoanxiété a-t-elle également été abordée?

Sur les quelque 500 posters scientifiques présentés, seule une dizaine était liée au climat et à l’environnement. Dans mon discours, j’ai voulu attirer l’attention sur le fait que le changement climatique peut provoquer des troubles mentaux. Il s’agit d’un problème grave qui n’a pas encore reçu l’attention qu’il mérite. Nous devons l’aborder sans tergiverser.

Agir, mais comment?

Les effets néfastes du changement climatique sur la santé mentale doivent être reconnus au niveau mondial. Le personnel médical et infirmier doit être formé à l’écoanxiété, afin de pouvoir réagir de manière appropriée avec les personnes qui en souffrent.

Le rôle des professionnels de la santé et de la science est également de s’engager activement et d’alerter le monde politique sur ce problème souvent minimisé. Nos systèmes de santé sont déjà au bord de l’effondrement et ne seront pas en mesure de faire face aux énormes conséquences sanitaires du changement climatique. La lutte contre le changement climatique est la meilleure intervention précoce et préventive pour éviter une épidémie de problèmes de santé mentale liés au climat.

Traduit de l’italien par Olivier Pauchard

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