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« Jusqu’ici tout va bien » : « Je voulais parler de femmes fortes et courageuses », raconte Nawell Madani

Un savant et audacieux mélange de comédie et de polar. Jusqu’ici tout va bien, disponible ce vendredi sur Netflix, est la première création sérielle de Nawell Madani et Simon Jablonka. Une série dans laquelle l’humoriste belge s’est investi à 100 % cumulant les rôles de showrunneuse, productrice, réalisatrice et rôle principal ! Nawell Madani y campe Fara, journaliste pour une chaîne d’informations en continu, dont la vie bascule dans le chaos lorsqu’elle met son frère à l’abri de la loi, entraînant par inadvertance sa famille dans la machination impitoyable d’un baron de la drogue… Une fiction qui met en avant la force de la sororité. Entretien avec la vedette du stand-up, que 20 Minutes a rencontré au festival Séries Mania.

Pouvez-vous nous raconter la genèse du projet ?

Ce projet est né durant le confinement. Comme tout le monde, j’ai regardé toutes les séries qui étaient diffusées de Succession à Snowfall en passant par Validé. Je me suis dit : « Tiens, et une série sur les femmes ? ». Je voulais mettre la famille au cœur du récit et parler de femmes fortes et courageuses. En étant beaucoup à la maison, je lisais des faits divers et je me demandais comment certaines personnes arrivent à commettre le pire ? Comment ils rentrent dans cet engrenage ? Tout doucement, le challenge du polar est arrivé. Et ce qui a commencé comme une comédie s’est poursuivi dans le noir.

Comment on trouve l’équilibre entre comédie et polar, sans tomber dans la caricature ?

Comme dans le stand-up, il faut toujours rester dans l’authenticité. Ce que j’aime dans les séries américaines comme Succession, c’est qu’on éprouve de l’empathie pour les personnages. Ils ne sont pas que méchants. Comment peut-on leur donner du corps ? En leur donnant de la tchatche, du verbe. Je n’ai pas mis de gags. Les vannes arrivent par les dialogues. J’ai aussi été aidée par mes coscénaristes, qui sont plus spécialistes du polar, comme Simon Jablonka avec qui j’ai créé la bible et qui a travaillé sur Engrenages.

Le titre « Jusqu’ici tout va bien », c’est un clin d’œil à « La Haine » ?

C’est une phrase que l’on dit assez souvent : « ça va ? », « Jusqu’ici tout va bien, après on verra, inch allah ! » C’est un clin d’œil à cette phrase que tout le monde sort et qui vient de La Haine. « Jusqu’ici tout va bien, jusqu’à l’atterrissage » , c’est un petit clin d’œil à ce film qui a marqué ma génération.

« Jusqu’ici tout va bien » met en avant la force de la sororité…

J’ai trois sœurs et un petit frère. J’ai mis dans mon récit un peu de moi, de mes sœurs, des femmes que je rencontre. Vous voyez, ma maquilleuse derrière vous est ma sœur et à côté d’elle, c’est ma nièce. La famille est assez présente dans ma vie. Si je n’avais pas mes sœurs dans ma vie, je ne serai pas là où j’en suis. Elles me protègent et me disent les vérités qui ne sont pas forcément plaisantes à entendre. J’avais envie de raconter cela. Peu importe ce qui peut arriver dans la vie, quand on a un problème, on se retourne vers sa famille ou celle qu’on s’est créée. Dans mon film C’est tout pour moi, je n’avais pas pu explorer toute la famille. Une de mes sœurs a été voilée pendant plus de dix ans et a un enfant invalide… J’ai nourri la série de choses intimes pour que cela sonne vrai.

Qui a inspiré le personnage de Gara, que vous interprétez ?

Quand je regardais 66 minutes avec Aïda Touihri qui gardait ses boucles à la télé, je me disais : « waouh ! Elle nous ressemble ! Elle a les mêmes cheveux que moi, la même couleur de peau et elle est sur M6. Je me disais : “Tiens, ça change, c’est nouveau et il faut en parler”. »

Avec des séries comme « Oussekine »,  « Miskina, la pauvre » et la vôtre, vous pensez qu’il a une amélioration en matière de représentation ?

Pour vous dire la vérité, je n’aurais jamais rêvé de faire une série avant l’arrivée des plateformes. Les plateformes ont démocratisé plein de choses. Il y a une liberté de ton et de casting. On ne m’a imposé personne ! J’ai même fait du casting sauvage. Netflix m’a laissé carte blanche. Je suis showrunneuse, scénariste, réalisatrice, rôle principal et je coproduis ! La série sort dans 186 pays, c’est un rêve inattendu. Des femmes vont se reconnaître, même si elles ne viennent pas de là où je viens. Je viens de Watermael-Boitsfort, une petite bourgade belge, et aujourd’hui, je suis diffusée sur Netflix. J’ai une double culture qui m’a enrichi et j’espère qu’elle va s’inviter dans les foyers français et au travers le monde. Il y a un message dans la série, mais aussi dans l’histoire de la série. Je suis maman, j’ai eu mon bébé pendant la série. Je veux dire aux femmes qu’il faut se battre, mais qu’on peut y arriver ! On a des belles histoires à raconter et on peut toucher tout le monde. Ce n’est pas uniquement des femmes qui parlent aux femmes. Des couples et des gens issus d’autres cultures vont pouvoir regarder la série !

Vos multiples casquettes sur le projet, cela n’a pas été difficile à gérer ?

C’était une première pour Netflix ! On a été obligé d’apprendre ensemble. Ce fut difficile. Quand il y a un cas Covid et qu’on doit s’arrêter de tourner, je dois modifier le scénario parce que la productrice sait que si l’on s’arrête, il va y avoir des conséquences financières, la réalisatrice veut aussi aller au bout de sa journée de tournage… On est tiraillé. Showrunneuse, c’est un nouveau rôle en France. J’avais sous-estimé ce rôle. J’attends désormais de faire un film avec impatience, parce que ce sera les doigts dans le nez, une série, c’est de la boucherie.