Suisse

Des e-bus thaïlandais pour améliorer le bilan carbone de la Suisse

Ces bus électriques dans les rues de Bangkok permettent à la Suisse d’améliorer son bilan carbone. CC 4.0

Dans les rues animées de Bangkok, une flotte de bus électriques bleus transporte depuis un peu plus d’un an la population locale et les touristes au milieu des scooters et des voitures qui klaxonnent. Comparés à leurs prédécesseurs, ces bus sont plus silencieux, plus propres et, surtout, sans émissions. Ce n’est toutefois pas la Thaïlande qui pourra revendiquer les émissions de CO2 ainsi économisées, mais la Suisse.

Ce contenu a été publié le 25 janvier 2024 – 09:25




soit un tiers de ses émissions totalesLien externe.

KliKLien externe et l’administration fédérale compensent les émissions à l’étranger. KliK a été créée par les exploitants de stations-service et les importateurs de carburant pour remplir leur obligation légale de compenser les émissions. Elle est financée par 8 centimes par litre d’essence vendu aux automobilistes. Le capital ainsi constitué permet à KliK d’acheter des crédits pour des projets environnementaux en Suisse et à l’étranger.

modèleLien externe à d’autres, laisse de nombreuses questions sans réponse.

La principale est l’écart entre l’objectif déclaré de la Suisse de compenser jusqu’à 43 millions de tonnes de ses émissions à l’étranger et la rapidité avec laquelle les ITMO peuvent être émis et échangés à l’approche de l’échéance de 2030. La Fondation KliK prévoit de compenser au moins 20 millions de tonnes d’émissions de CO2 par des projets à l’étranger d’ici à 2030. La fondation a actuellement les yeux rivés sur les ITMO de 18 projets, mais ceux-ci sont encore en cours de développement et ne couvriraient que la moitié de son objectif pour 2030.

Cela ne semble pas inquiéter Michael Brennwald, responsable du secteur international chez KliK. «Le potentiel restant en Suisse pour les activités d’atténuation dans le cadre du système national actuel est limité. En revanche, le potentiel de développement d’activités d’atténuation à l’étranger est énorme», écrit-il dans un courriel. Surtout, il est beaucoup moins coûteux de financer des projets environnementaux à l’étranger qu’en Suisse.

Six des 18 projets pilotes n’ont pas encore reçu l’approbation finale des autorités. Aucun des propriétaires de projets contactés n’a donné de date pour le début de l’échange de crédits. Certains ont déclaré que les cadres juridiques des pays hôtes n’étaient pas encore en place, ce qui a entraîné des retards dans la mise en œuvre.

Questions autour de la procédure d’autorisation

Un examen plus approfondi du processus d’approbation de la Suisse soulève également des questions. Pour que les crédits puissent être échangés, la Suisse doit approuver les résultats préliminaires qui montrent que les projets réduisent effectivement les émissions.

Actuellement, la Suisse et ses pays partenaires peuvent décider de la manière dont ils entendent évaluer et approuver les projets. L’Office fédéral de l’environnement n’a pas précisé les méthodes de calcul du volume des crédits d’émission, mais évalue chaque proposition de projet séparément. Il est donc difficile de garantir la qualité et la crédibilité de ces crédits, selon Axel Michaelowa. «L’OFEV peut en fait appliquer différentes méthodologies comme bon lui semble», explique-t-il.

Sa société de conseil soutient des projets dans le secteur de la réfrigération au Ghana et au Maroc en rédigeant des documents qui doivent être soumis à l’OFEV et aux gouvernements locaux afin d’obtenir leur approbation. «Nous envoyons les documents à l’OFEV et ne savons pas exactement ce qu’il en ressortira», explique Alex Michaelowa.

L’OFEV s’en tient à son approche, qui consiste à évaluer chaque projet individuellement au lieu de recourir à des méthodes standard. Le projet thaïlandais d’e-bus est le troisièmeLien externe à être approuvé dans le cadre des accords climatiques de la Suisse. Son service de presse a répondu par courriel que cette approche flexible permettrait d’intégrer plus rapidement les nouveaux résultats dans les projets en cours. Il a ajouté que l’expérience de 200 projets de compensation en Suisse a montré que l’OFEV traitait les projets de la même manière lors de leur évaluation.

Les quelques dispositions relatives aux compensations carbone bilatérales sont définies à l’article 6.2 de l’Accord de ParisLien externe. L’une des principales conditions est que le «pays hôte» reçoive un coup de pouce financier pour des projets qui n’auraient pas vu le jour autrement. Ce critère d’«additionnalité» pour les émissions à l’étranger est si crucial qu’il est inscrit dans la loi suisse sur le CO2, mais assez difficile à évaluer.

La Thaïlande bénéficie en effet de l’accord qu’elle a signé avec la Suisse. Cet accord n’implique pas d’aide ou de subventions directes de la part de la Suisse, mais crée un mécanisme de marché par lequel les deux pays peuvent échanger des ITMO. «Ce n’est que par le biais de ce programme que nous pouvons nous permettre de remplacer les bus par des moteurs à combustion interne et d’opérer un changement significatif», explique Norasak Suphakorntanakit, vice-président adjoint d’Energy Absolute, l’entreprise thaïlandaise qui a commencé à développer le projet avec South Pole en 2020.

Une analyse récenteLien externe d’Alliance Sud et d’Action de Carême met en doute l’«additionnalité» de ce projet: les deux ONG suisses soulignent que les bus électriques de Bangkok auraient probablement été mis en service même sans l’accord avec la Suisse et les fonds associés. L’OFEV et KliK ont tous deux déclaré à Climate Home NewsLien externe, en réponse à ces affirmations, que seuls les projets générant des réductions d’émissions supplémentaires seraient approuvés.

Le contrecoup des compensations carbone

Les compensations carbone ont une fois de plus fait l’objet d’un débat animé lors des dernières négociations des Nations unies sur le climat (COP28) à Dubaï, les délégations de près de 200 pays étant en désaccord sur des questions fondamentales telles que le niveau de transparence.

Juste avant cela, le marché volontaire, où il est par exemple possible de compenser volontairement un vol pour quelques francs, a été critiqué pour des affirmations exagérées. South Pole, le premier vendeur mondial de compensations carbone, a été contraint d’abandonner son projet phare de reforestation au Zimbabwe et plusieurs cadres ont démissionné depuis.

La Suisse poursuivra sa voie bilatérale vers la compensation des émissions de carbone. À Dubaï, le ministre suisse de l’Environnement Albert Rösti a signé d’autres accords avec le Chili et la Tunisie. Avec de tels projets internationaux, où l’on trouve ce que l’on appelle des «low hanging fruits» (fruits mûrs), nous pouvons réduire le CO2 plus rapidement qu’en mettant en œuvre des mesures de réduction du CO2 supplémentaires, difficiles et coûteuses en Suisse», a déclaréLien externe le conseiller fédéral à SRF.

Texte relu et vérifié par Virginie Mangin; traduit de l’anglais par Olivier Pauchard

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