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Oussama Atar a exécuté le Russe Sergueï Gorbounov dans le “Guantanamo” de l’État islamique

C’est ce qui ressort de l’enquête menée par des magistrats antiterroristes français dans l’affaire des otages occidentaux en Syrie. Une trentaine de journalistes et humanitaires avaient été enlevés dans le nord de la Syrie entre le 22 novembre 2012 et le 2 janvier 2014. Seize furent libérés, la plupart du temps contre rançon ; onze furent assassinés.

À la suite de l’enquête internationale dirigée par la France, cinq personnes, dont Oussama Atar et Mehdi Nemmouche, le tueur du musée juif de Bruxelles, vont être poursuivies devant une cour d’assises spéciale à Paris “pour séquestration, actes de tortures et de barbarie, en bande organisée et en relation avec une entreprise terroriste”. La date du procès n’est pas encore fixée, selon le parquet national antiterroriste (Pnat) français.

À noter qu’une fois de plus, Atar est inculpé comme le “dirigeant” de l’organisation.

Il prend les commandes dès son arrivée en Syrie

Venu de Belgique grâce à un passeport livré par l’administration communale d’Anderlecht, Oussama Atar est arrivé tardivement en Syrie, en décembre 2013. Mais dès son arrivée, il est promu aux plus hautes fonctions : la négociation des otages étrangers et l’entraînement des personnes destinées à être envoyées en Europe pour commettre les attentats. Son passage dans les prisons irakiennes entre 2005 et 2012 lui a permis de lier amitié avec les futurs dirigeants de l’État islamique. Il dépend directement du numéro deux de l’EI, le Syrien Mohammed al-Adnani.

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En gros, Atar connaissait tout le monde, tous ceux qui comptent.

En gros, il connaissait tout le monde, tous ceux qui comptent”, a déclaré le djihadiste britannique Alexanda Kotey, ex-geôliers des otages, aux magistrats belges qui l’interrogent lors d’une commission rogatoire aux États-Unis où il a été jugé et condamné. “Atar était comme une armée à lui tout seul”, a-t-il dit au juge français Bernard Grain qui le questionne en mars 2022.

Face aux otages, il ne parle jamais en français

En Syrie, Atar prend en charge une équipe de djihadistes étrangers comme geôliers, tortionnaires et bourreaux. “Véritable centre de formation de la terreur, la garde des otages sera l’occasion pour l’EI de détecter et d’éprouver les volontaires étrangers – principalement Anglais, Français ou Belges – les plus violents et dénués de tout scrupule” avant d’en envoyer certains en Europe, affirme le réquisitoire français. L’un des geôliers était Najim Laachraoui, kamikaze de l’aéroport de Zaventem.

Face aux otages, Atar ne parle jamais français, mais toujours en arabe avec un accent irakien. Il est taiseux, reste masqué, change régulièrement de lunettes de soleil et n’apparaît qu’aux moments les plus cruciaux. “Ce qui a fini de me mettre la puce à l’oreille, c’est de me dire qu’il était là à chaque moment important”, raconte le journaliste et ex-otage Didier François aux enquêteurs.

L’ingénieur russe que personne ne réclamait

Oussama Atar est, de plus, celui qui va procéder à la première exécution d’un otage retenu par l’État islamique, un Russe nommé Sergueï Gorbounov.

Sergueï Gorbounov dans une vidéo de l'Etat islamique.
Sergueï Gorbounov dans une vidéo de l’Etat islamique. ©D.R.

L’homme a été enlevé en janvier 2013 dans la région d’Alep, mais ce qui est curieux, à lire la presse de l’époque, c’est que personne ne le réclame, ni sa famille, ni le ministère russe des Affaires étrangères qui dit n’avoir pas retrouvé son nom dans ses fichiers. Au point que la presse russe se demande si cet ingénieur n’est pas un citoyen d’une des ex-républiques soviétiques.

Ce qui est sûr en revanche, c’est que l’homme, qui parle russe, est exécuté au début mars 2014. Atar s’en charge d’une balle ou de deux dans la tête. Le corps est enterré à proximité d’une raffinerie pétrolière dans le désert syrien, Al Kirshi. Un berger le découvre, ce qui oblige les assassins à revenir pour enfouir plus profondément la dépouille. Gorbounov est mort parce que personne ne le réclamait et qu’il n’y avait aucun espoir que la Russie accepte de payer une rançon.

Une photo envoyée à Bruxelles

Un détail montre l’inhumanité des terroristes : le corps de l’ingénieur russe est photographié, puis le cliché est montré aux autres otages, qui doivent décrire ce qu’ils voient. Les geôliers britanniques, surnommés les “Beatles”, vont plus loin : ils envoient la photo aux autorités judiciaires belges pour faire pression dans les négociations en cours pour la libération de cinq humanitaires de MSF qu’ils détiennent également.

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Gorbounov alternait des périodes de lucidité avec des périodes où il se cachait sous une couverture en riant sans arrêt.

Gorbounov a vécu sous la terreur de ses geôliers, qui frappaient et torturaient les otages : écrasement des doigts avec une pince, décharges électriques, coups de matraque, suspension au mur en plein soleil, simulacres d’exécution… Le journaliste espagnol Javier Espinosa a témoigné en 2015 dans son journal, El Mundo : “Gorbounov avait tellement souffert – plusieurs dents et doigts cassés – qu’il alternait des périodes de lucidité avec des périodes où il se cachait sous une couverture en riant sans arrêt”, écrit-il.

Le Britannique Alexanda Kotey a aussi déclaré aux magistrats belges qu’Atar s’est proposé pour exécuter le journaliste américain James Foley mais que Mohammed Emwazi, un autre “Beatles”, avait été choisi en raison de sa maîtrise de l’anglais.

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(De G à D) Kayla Mueller, James Foley, Peter Kassig et Steven Sotloff, otages américains du groupe Etat islamique (EI) en Syrie

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De gauche à droite, les otages américains de l’Etat islamique: Kayla Mueller, James Foley, Peter Kassig et Steven Sotloff. Ils furent tous exécutés sous la direction présumée d’Oussama Atar. ©AFP/Archives

Dans le dernier carré de l’Etat islamique

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Il avait passé le test en allant en prison. Ils pouvaient compter sur lui.

Atar a fait partie du dernier carré des fidèles de l’État islamique alors que celui-ci était progressivement encerclé par les forces kurdes et la coalition internationale. “Il n’était pas corrompu, on pouvait lui faire confiance. Il avait passé le test en allant en prison. Ils pouvaient compter sur lui”, a expliqué Kotey aux enquêteurs. Le ressortissant belge a probablement été tué dans une frappe aérienne en Syrie en novembre 2017, mais en l’absence de certitude sur sa mort, les justices française et belge le poursuivent. À Paris, il a été condamné à perpétuité. À Bruxelles, il est le grand absent du procès des attentats qui a lieu actuellement. Aucun avocat ne le défend.

Procès des attentats de Bruxelles: la défense d’Ayari demande l’acquittement pour assassinats et tentatives d’assassinat

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