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« Le recours au 49.3 n’est pas un échec », « Une perte de contrôle » : face aux critiques, le gouvernement français se défend sur la réforme des retraites

Le ministre du Travail Olivier Dussopt a nié vendredi le fait que le recours la veille à l’article 49.3 pour faire passer la réforme des retraites soit « un échec ». « Ce serait un échec s’il n’y avait pas de texte, or il y a un texte », a affirmé le ministre sur RMC/BFMTV. Il a ajouté qu’il aurait préféré qu’il y ait un vote, recherché par l’exécutif « jusqu’à la dernière minute ». « Effectivement, il n’y a pas eu de majorité à l’Assemblée nationale parce qu’un certain nombre de membres du groupe LR n’ont pas répondu présent et n’ont pas suivi la position qui avait été arrêtée par leur parti. Mais ça n’est pas un échec, puisqu’il y a un texte et ce texte sera, si la motion de censure est rejetée, mis en œuvre », a-t-il poursuivi.

Avant de décider de recourir au 49.3, « nous avons fait le constat qu’il n’y avait pas suffisamment de garanties pour un texte aussi important et que la zone de risque était trop importante ».

Interrogé sur le fait que seules trois voix auraient manqué pour une adoption du texte, il a répondu: « quand vous faites des évaluations, des pointages sur 577 députés, un coup c’est trois, un coup c’est quatre ».

Le ministre a reconnu « un moment de difficulté », « un moment où la vie politique est chahutée parce qu’un 49.3, ça chahute ». Mais « au-delà du 49.3, il faut avoir en tête la manière dont les débats se sont passés, avec énormément de violence. Je n’ai jamais connu un hémicycle où la haine prend autant le pas sur la raison ».

Interrogé sur le fait de savoir s’il était toujours légitime, M. Dussopt a répondu « bien sûr », ajoutant que la Première ministre « a le soutien de la majorité et la confiance du président ». Quant à l’émotion de Mme Borne évoquée par des députés après le 49.3, il a assuré qu’elle « est très solide », elle « ne pleure pas

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« Nous avons vocation à continuer de gouverner »

Le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a estimé vendredi que ce dernier avait « vocation à continuer de gouverner », après le recours jeudi au 49.3 pour faire passer la réforme contestée des retraites. « Il va y avoir un vote », a assuré le ministre sur France Inter, en référence aux motions de censure qui vont être déposées vendredi par les oppositions.

« Le 49.3, c’est un moment aussi de perte de contrôle par le gouvernement », a-t-il analysé, « c’est un moment où l’Assemblée nationale est totalement souveraine pour décider de vous accorder la confiance ou de vous la retirer donc il n’y a pas d’alternative au vote des députés ».

Sur l’avenir d’Élisabeth Borne à Matignon, il a affirmé avoir « confiance » en elle, « mais mon avis ne compte pas ». « Le choix de la méthode de la Première ministre, qui est celui de la concertation et la recherche de compromis etc, c’est quand même un choix qui a porté ses fruits dans d’autres textes », a-t-il estimé.

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L’opposition toujours déterminée

La coalition de gauche Nupes, incluant LFI, envisageait de déposer une motion de censure mais ses dirigeants expliquaient ces derniers jours qu’une motion de Liot aurait davantage de chances d’être votée par ceux des députés de droite qui sont défavorables à la réforme des retraites. « Nous avons décidé de donner les plus grandes chances possibles à la censure, et donc de retirer notre motion de censure au profit de celle de Liot », a expliqué Jean-Luc Mélenchon sur France inter.

Voter la motion de censure « ne signifie rien d’autre que le refus de la réforme des retraites », « ceux qui ne votent pas la motion de censure sont pour la réforme », a-t-il prévenu. Le groupe Libertés, Indépendants Outre-mer et Territoires (Liot) compte 20 députés de diverses tendances politiques mais revendiquant un fort ancrage territorial.

L’ancien candidat à la présidentielle a par ailleurs « encouragé » les « mobilisations spontanées dans tout le pays » car « c’est là que ça se passe », tout en appelant à manifester aussi à l’appel de l’intersyndicale pendant le week-end et jeudi prochain. Avec le 49.3, « nous avons atteint notre objectif, ce texte n’a aucune légitimité, on a raison de se révolter », a-t-il ajouté. « La lutte il n’y a que ça qui compte, qui est important », a assuré Jean-Luc Mélenchon. Interrogé sur les violences qui ont émaillé certains rassemblements jeudi soir, donnant lieu à 310 interpellations, l’Insoumis a appelé au calme: « Notre force principale c’est pas quatre poubelles qui brûlent, c’est la force du nombre ».

La gauche veut faire grossir les rangs de la contestation en profitant du signal « autoritaire », à ses yeux, lancé par le gouvernement avec l’article 49.3. Et pas simplement dans le sillage de l’intersyndicale, puisque Jean-Luc Mélenchon a dit « encourager » les « mobilisations spontanées dans tout le pays », comme celles qui se déroulées jeudi, car « c’est là que ça se passe ». Il a aussi appelé à manifester à l’appel de l’intersyndicale pendant le weekend et jeudi prochain.

La cheffe des Verts Marine Tondelier répète à l’envi que le « 49.3 n’existe pas dans la rue ». Les dirigeants de gauche vont aussi continuer à tenir ensemble des meetings tous azimuts. Plusieurs sont déjà programmés, notamment dimanche à Paris avec l’insoumise Danièle Obono, le socialiste David Assouline et l’anticapitaliste Olivier Besancenot.

Référendum d’initiative partagée

Les membres de la Nupes évoquent cette option depuis plusieurs jours. Cette procédure, complexe, « permet de bloquer pendant neuf mois la mise en œuvre de cette réforme », a souligné la députée socialiste Valérie Rabault, qui « y croit ».

Le référendum d’initiative partagée (RIP) prévoit la possibilité d’organiser une consultation populaire sur une proposition de loi « à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement », soit au moins 185 des 925 parlementaires (577 députés, 348 sénateurs). Elle doit aussi être « soutenue par un dixième des électeurs », soit 4,87 millions de personnes, dont les signatures doivent être recueillies dans un délai de neuf mois.

Mais « si un RIP est déclenché sur les retraites, il faut qu’il le soit avant la promulgation de la loi retraite », a précisé Mme Rabault.

Le député PCF Stéphane Peu a assuré dès mardi avoir les 185 parlementaires nécessaires. Sa proposition de loi proposera que « l’âge de départ à la retraite ne puisse pas excéder 62 ans », a-t-il précisé.

Les Insoumis s’y joindront, mais sont moins persuadés qu’un RIP soit la solution, car ils visent un « retrait de la réforme à court terme », explique leur coordinateur Manuel Bompard.