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L’avenir de deux avocats de renom lié à une décision du tribunal : « J’étais fracassé de fatigue »

Lors de leur procès en février, le ministère public a requis respectivement trois et deux ans d’emprisonnement, assortis dans les deux cas d’un sursis d’un an.

Il a également demandé cinq ans d’interdiction d’exercer à l’encontre de Joseph Cohen-Sabban, 69 ans, un habitué des affaires de grand banditisme, et Xavier Nogueras, 42 ans, une figure remarquée des mégaprocès de jihadistes dont celui des attentats du 13 novembre 2015.

Pour leurs conseils, dont Hervé Temime, décédé lundi et qui aura prononcé sa dernière plaidoirie à l’occasion de ce procès, les deux avocats ont été manipulés par leur client mais n’ont pas cherché à duper l’institution judiciaire.

Lors des débats, leur défense a soulevé l’ombre d’un « procès de la défense pénale » mené par le parquet.

Mes Cohen-Sabban et Nogueras assuraient la défense de Robert Dawes lors de son procès devant la cour d’assises de Paris en décembre 2018, à l’issue duquel le Britannique a été condamné à vingt-deux ans de réclusion criminelle.

Considéré comme l’un des plus gros narcotrafiquants d’Europe, M. Dawes, 50 ans, était jugé pour l’importation, en 2013, de 1,3 tonne de cocaïne.

A l’ouverture des débats aux assises, ses avocats avaient produit des pièces qui se sont révélées falsifiées.

« Je n’ai rien fichu »

Qui est l’origine de ces faux ? Les avocats se sont-ils montrés trop crédules ? Auraient-ils pu ou dû faire preuve de plus de vigilance ?

« Je n’ai rien fichu dans ce dossier, je me reposais sur les autres », a reconnu Xavier Nogueras. « J’étais fracassé de fatigue », s’est justifié Joseph Cohen-Sabban.

Les deux procureurs ont pour leur part dénoncé un « lamentable naufrage » et dénoncé des manquements à « l’obligation d’alerte et de vigilance » des deux avocats.

« Nous sommes ici pour défendre une cause: celle de la loyauté, de l’indépendance et de la procédure. La procédure est le seul chemin qui nous est permis pour construire une vérité judiciaire. Nous n’avons pas le droit d’en emprunter un autre », ont rappelé les deux magistrats.

« Et l’avocat ne peut pas se servir de la procédure pour donner crédit à une fausse pièce ou à une pièce sur laquelle il aurait des doutes », ont-ils poursuivi.

La seule règle qui s’impose aux avocats, leur avait répliqué Me Temime, est que l’avocat « ne doit pas sciemment donner au juge une information fausse ou de nature à l’induire en erreur ».

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Or, avait-il souligné, aucun des prévenus n’est poursuivi pour faux car l’enquête a démontré qu’ils ignoraient que les pièces versées étaient falsifiées.

« Comment ces faux, dont on ignorait qu’ils étaient faux, nous auraient-ils permis de faire une escroquerie au jugement ? », avait-il demandé avec malice. « Y a-t-il une infraction pénale ? Non, il n’y en a pas ».

Concernant Robert Dawes, poursuivi pour « faux en écriture publique » et « tentative d’escroquerie au jugement », le parquet a réclamé cinq ans de prison.

Le parquet a également requis trois ans d’emprisonnement assortie d’un mandat d’arrêt international contre son ami Evan Hughes, jugé en son absence pour les mêmes chefs et qui, selon l’enquête, a joué un rôle essentiel dans la falsification des pièces du dossier et leur transmission aux avocats.

« Sans ces faux documents, j’étais quasiment assuré d’être acquitté », s’est défendu à l’audience Robert Dawes en chargeant lourdement Mes Cohen-Sabban et Nogueras, qualifiés de « Laurel et Hardy » qui « étaient aux fraises et le sont toujours ».