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L’ancien Premier ministre français François Fillon auditionné sur ses liens avec la Russie

Cette commission, qui planche depuis plusieurs semaines et doit achever ses travaux début juin, fait polémique à l’Assemblée : les autres camps reprochent à l’extrême droite une stratégie de “diversion” face aux accusations de proximité du RN avec le Kremlin.

Le 24 février 2022, au moment même où l’armée russe envahissait l’Ukraine, l’ancien Premier ministre s’était attiré de vives critiques après avoir déploré “le refus des Occidentaux” d’entendre les revendications de Moscou concernant l’Otan. Le lendemain, il avait annoncé démissionner de ses mandats russes.

François Fillon avait rejoint en décembre 2021 le conseil d’administration de Sibur, notamment contrôlé par Leonid Mikhelson, l’un des hommes les plus riches de Russie, et Guennadi Timtchenko, un proche du président Vladimir Poutine visé par des sanctions. Quelques mois plus tôt, en juin 2021, il avait intégré la même instance chez Zarubezhneft, détenue par l’Etat russe.

Son audition a lieu alors que le parquet national financier a par ailleurs ouvert une enquête préliminaire sur des soupçons de corruption d’agent public étranger visant Cifal, une société française de commerce opérant en Russie.

Selon une source proche du dossier, Cifal a été missionnée par la société congolaise Orion -dirigée par Lucien Ebata, conseiller spécial du président du Congo-Brazzaville Denis Sassou Nguesso- pour trouver en Russie un investisseur auquel vendre ses parts dans le gisement pétrolier MBK au Congo.

Dans cette optique, le dirigeant de Cifal Gilles Rémy a fait appel à François Fillon pour qu’il le mette en relation avec un homme d’affaires russe. Dans ce contrat, M. Fillon a été rémunéré en qualité d’apporteur d’affaires. Aucun soupçon de corruption ne pèse actuellement sur lui, avait précisé cette source proche du dossier.

”Le Pen au Kremlin”

L’ancien Premier ministre et ex-député de la Sarthe est de retour au Palais Bourbon près d’un an après sa condamnation en appel dans l’affaire des emplois fictifs de sa femme Pénélope à quatre ans d’emprisonnement dont un an ferme, 375.000 euros d’amende et dix ans d’inéligibilité. Le couple avait annoncé son intention de se pourvoir en cassation.

La commission d’enquête sur les ingérences étrangères a été lancée par le RN pour tenter de couper court aux accusations faisant du parti d’extrême droite un agent de l’influence russe en France. Jean-Philippe Tanguy (RN) en est le président et la députée Renaissance et ex-LR Constance Le Grip, rapporteure.

Avant François Fillon, les députés ont auditionné mardi l’ancien ministre Jean-Pierre Chevènement. Ex-représentant spécial de la France pour la Russie sous François Hollande et au début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, il a “récusé absolument” toute forme de naïveté vis-à-vis du président Vladimir Poutine par le passé, et revendiqué son rôle en matière de “diplomatie économique”.

”Je suis de l’école réaliste, je n’ai jamais pris le président Poutine pour un enfant de chœur”, a assuré M. Chevènement, en soulignant avoir interrogé les “plus hautes autorités” françaises avant d’accepter en 2017 une décoration de la Russie, l’ordre de l’amitié.

Plusieurs responsables politiques ont déjà été auditionnés, notamment le député européen RN Thierry Mariani, visé par deux enquêtes préliminaires sur de possibles faits de corruption et de trafic d’influence avec une association franco-russe.

Pour Constance Le Grip, “le point le plus saillant” de cette commission, “ça reste la stratégie d’influence et d’interférence entre la Russie et le FN devenu RN, avec le rendez-vous de Marine Le Pen au Kremlin”, avant la présidentielle de 2017.

Jeudi, l’ancien eurodéputé RN Jean-Luc Schaffhauser sera auditionné sur le prêt russe de 9,4 millions d’euros accordé au parti de Marine Le Pen en 2014. Les commissions qu’il aurait perçues font l’objet d’une enquête du parquet national financier.