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« Une lueur d’espoir » ou l’histoire méconnue de Miep Gies, la femme qui a caché Anne Frank

Une histoire vraie et méconnue ! Si l’on connaît tous le destin tragique d’Anne Frank grâce à son journal, rare sont ceux qui connaissent l’histoire de celle qui a tenté de la sauver. Une lueur d’espoir, disponible ce mardi sur Disney+, retrace le parcours de Miep Gies (Bel Powley, vue dans The Morning Show), une jeune secrétaire insouciante et volontaire qui n’a pas hésité un instant quand son patron, Otto Frank (Liev Schreiber, vu dans Ray Donovan), lui a demandé de cacher sa famille pendant la Seconde Guerre mondiale à Amsterdam.

Pendant deux ans, Miep, son mari, Jan (Joe Cole, vu dans Peaky Blinders), aussi courageux que dévoué, et d’autres héros ordinaires, ont veillé sur les familles Frank, van Pels et Pfeffer, réfugiés dans une annexe secrète de l’entreprise d’Otto, Opekta.

Une histoire connue racontée sous un angle inédit

« J’ai toujours été intéressé par l’histoire d’Anne Frank, mais aussi à celle de Miep Gies. J’avais vu dans les années 1990 le documentaire Anne Frank remembered basé sur l’autobiographie de Miep. Je voulais creuser davantage sur les Frank, les van Pels, les Pfeffer que nous ne connaissons en réalité qu’au travers le regard d’une jeune fille de 13 ans. Comment voir ces personnes sous un nouveau jour ? », explique le co-créateur et scénariste de la minisérie, Tony Phelan, que 20 Minutes a rencontré à CanneSeries.

« Je ne savais rien sur Miep et Jan, pas même leurs noms, mais je connaissais Le Journal d’Anne Frank. J’ai tout de suite été intéressée par l’idée d’incarner Miep. En tant que juive, j’ai des liens particuliers avec cette partie de l’histoire. En lisant le scénario, j’ai été très emballée par le regard que Tony Phelan et Joan Rater portaient sur cette période et leur ton résolument moderne et accessible », raconte Bel Powley.

Une histoire de passages à l’âge adulte

« Les gens pensent qu’ils connaissent l’histoire d’Anne Frank, qu’elle a été victime du nazisme et qu’elle avait un journal intime, mais ne prêtent pas vraiment attention à l’histoire humaine. S’intéresser à Miep permettait de parler de la vie d’une jeune femme à l’époque au travers un personnage méconnu », relate la productrice exécutive de la minisérie, Susanna Fogel.

Le récit d’Une lueur d’espoir commence ainsi bien avant la guerre, alors que Miep Gies, la vingtaine, est la secrétaire d’Otto Frank. « L’idée était de raconter l’histoire du passage à l’âge adulte de cette jeune femme, en regard du très célèbre passage à l’adulte d’Anne Frank. Je souhaitais aussi comprendre pourquoi Miep avait accepté de les cacher. Qu’est-ce qui l’avait poussée à dire “oui” alors que tant d’autres ont dit “non” ? Qu’est-ce qui la rendait spéciale ? », renchérit Tony Phelan.

Une histoire d’amitié bouleversante

« Otto et Miep avaient une relation vraiment spéciale et très moderne. Il n’était pas courant à l’époque qu’une jeune femme soit vraiment amie avec un homme qui avait vingt ans de plus qu’elle », estime Bel Powley. « Ils se sont engagés dans cette relation en tant qu’employeur et employé, mais partageaient beaucoup de points communs. Ils étaient tous deux immigrés et parlaient l’allemand. Les Frank et leurs amis se sont servis de Miep et Jan, son époux, pour comprendre les coutumes et la manière de vivre aux Pays-Bas. Quand Miep et Jan ont accepté de les cacher, ils sont devenus des membres de leur famille », résume Tony Phelan.

Après leur arrestation, Miep a trouvé le journal d’Anne Frank et l’a conservé pour le faire publier, en accord avec Otto, le père de la jeune fille, afin qu’il serve de testament aux générations futures. « Après la guerre, Otto s’est installé chez Jan et Miep », explique l’actrice. « La minisérie retrace comment Otto est devenu une sorte de père de substitution pour Miep. Le fait que Miep ait conservé le journal d’Anne a été un cadeau extraordinaire pour lui. Il dira plus tard que lire ce journal, c’était comme regarder Anne grandir », renchérit le scénariste.

Une histoire d’amour pendant l’entre-deux-guerres

« Il y a un sentiment de responsabilité, pas seulement pour Miep, mais aussi pour les Frank, pour Amsterdam et la résistance. En matière de construction du personnage, c’est le même processus que pour un personnage de fiction, mais il faut du respect dans vos recherches et pour l’Histoire », considère Bel Powley, qui a lu à plusieurs reprises l’autobiographie de Miep et s’est rendue dans la maison d’Anne Frank à Amsterdam afin de préparer le rôle.

L’actrice a pu compter sur l’expertise des créateurs de la série, Tony Phelan et Joan Rater : « Ils ont mené des recherches pendant cinq ans. Toutes les questions que nous avions, nous pouvions les poser à ces historiens ambulants ! » Même son de cloche du côté de Joe Cole, qui campe l’époux de Miep, Jan : « Tony nous racontait des anecdotes extraordinaires tous les jours, des actes d’héroïsme. On pouvait parler durant des heures entre deux prises. »

« Miep est géniale, incroyablement confiante et franche. On la découvre en 1933 bien avant le début de la guerre. C’est une fille qui s’amuse, aime sortir avec ses amis et danser. Elle aime aussi la mode et son mari. C’est une jeune femme ordinaire », relate Bel Powley. « Elle était enjouée et drôle et avait une relation fascinante, complexe et passionnée. Tout cela coexiste avec la grande histoire politique que nous racontons », abonde Susanna Fogel.

Une histoire de héros ordinaires

« Au début, Jan est une sorte d’introverti, un peu nerd, un vrai rat de bibliothèque. Miep et lui vont grandir ensemble au fil des grandes difficultés et d’énormes défis auxquels ils sont confrontés. Ce type ordinaire va s’épanouir et devenir une sorte de superhéros », analyse Joe Cole.

Miep et Jan vont ainsi accepter sans hésiter de protéger les Frank et leurs amis cachés dans l’annexe alors que les nazis ont envahi les Pays-Bas. « Je suppose que cela vient de ses origines. Miep est née à Vienne (Autriche), son enfance a été marquée par la famine après la Première Guerre mondiale et elle a été envoyée à Amsterdam. La famille qui l’a accueillie à l’âge de 9 ans avait déjà cinq enfants et partait du principe : “Quand il y en a pour sept, il y en a toujours pour un ou une de plus” », analyse Bel Powley.

« Elle ne regrettera jamais sa décision, mais ce qu’elle a accepté de faire s’est révélé plus compliqué que ce qu’elle pensait quand elle s’est engagée. Parfois, elle était vraiment fatiguée et n’avait pas envie d’aller chercher un troisième poulet pour l’annexe », ajoute Susanna Fogel.

Le titre Une lueur d’espoir vient d’une citation de Miep Gies qui disait « qu’une secrétaire ou une adolescente peut être une lueur d’espoir dans l’obscurité. Elle n’aimait pas que les gens la qualifient d’héroïne et disait : “Je suis comme tout le monde. J’ai juste pris ces petites décisions et tout le monde est capable de le faire”. »

Une histoire importante dont on peut s’inspirer

« J’espère que cette série amènera les gens à se demander ce qu’ils auraient fait à sa place, parce qu’il s’agit réellement d’un couple ordinaire qui s’est retrouvé dans des circonstances extraordinaires et a choisi de faire ce qu’il fallait. Nous pouvons tous en tirer des leçons », souhaite Bel Powley.

Ce thème est encore « pertinent aujourd’hui, on peut décider d’agir ou de se désengager et se distraire avec nos smartphones ou quoique ce soit d’autre. Je pense pourtant que le monde a besoin de notre aide », souligne Susanna Fogel.

« Nous vivons à une époque où les gens se sentent menacés par cette histoire. Le journal d’Anne Frank est interdit dans certains lieux aux Etats-Unis. Les questions de nationalisme et d’antisémitisme ne se posent pas. Elles sont bien présentes, simplement là », déplore Tony Phelan, qui espère « faire connaître cette histoire à une toute nouvelle génération » grâce à Disney +. Et Susanna Fogel de conclure : « Nous avons besoin de plus d’histoires de ce genre, pour être honnête. »