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Inondations au Sud-Kivu : les fosses communes suscitent l’indignation nationale

À Kinshasa, le gouvernement de Félix Tshisekedi avait pourtant réagi rapidement au lendemain de ce désastre, décrétant un jour de deuil national ce lundi 8 mai, tout en promettant l’acheminement de l’aide et l’envoi d’une importante délégation ministérielle dans cette lointaine province, située à plus de 2000 km de la capitale. Insuffisant pour éteindre la polémique sur les réseaux sociaux, qui ont reproduit massivement des photos de la fosse commune, remplie de corps anonymes. « C’est ça, la prise en charge des funérailles par le gouvernement ? Pas de cercueils, juste des sacs », s’indigne ainsi un internaute.

« Tout le village était envahi par l’eau »

Face à ces critiques, le gouvernement et les autorités provinciales ont invoqué des problèmes d’hygiène et d’absence de morgue, alors que le bilan de la catastrophe ne cesse de s’alourdir : 400 corps ont déjà été retrouvés, mais plus de 4 300 personnes resteraient portées disparues après le déluge qui a pris de court les habitants jeudi. « Il était environ 17 heures quand la pluie a commencé. Deux heures plus tard, les rivières étaient en crue, nous avons commencé à courir dans tous les sens, mais tout le village était envahi par l’eau« , a témoigné sur les ondes de RFI un rescapé de la tragédie, qui expliquera également « avoir perdu toute [sa] famille, dont neuf enfants ».

Plusieurs médias sur place ont décrit des survivants hagards recherchant leurs proches engloutis par des torrents de boue, alors que le seul centre de santé de la zone manque de médicaments et de personnel pour répondre à l’afflux de blessés. Inévitablement, le drame souligne aussi les pénuries chroniques et les défaillances des infrastructures locales, dans un pays où les deux tiers des 95 millions d’habitants n’ont toujours pas accès à l’eau potable, moins de 10 % disposant de l’électricité.

« Prévisible et même évitable »

Dès samedi, un géographe de Bukavu, la capitale du Sud-Kivu, a également dénoncé une catastrophe « prévisible et même évitable ». Rappelant qu’un rapport établi il y a déjà dix ans avait notamment alerté sur « les risques du déboisement » des collines, alors que ce phénomène d’inondations spectaculaires et saisonnières n’est pas nouveau ». Des pluies diluviennes ont également endeuillé récemment la région frontalière du Rwanda voisin, faisant 127 morts. Les phénomènes extrêmes liés aux dérèglements climatiques sont de plus en plus fréquents en Afrique (lire aussi en pp.18-19). Mais de nombreux commentateurs ont souligné qu’au Rwanda au moins les morts ont été enterrés dignement à l’issue d’une cérémonie religieuse. D’autres ont comparé le traitement réservé aux victimes de Kalehe à celui qui a prévalu après les pluies violentes qui avaient fait 141 morts à Kinshasa le 12 décembre. Les corps avaient alors tous eu droit à leurs cercueils lors d’une cérémonie nationale.

L’est de cet immense pays de 2,3 millions de km² serait-il négligé ? Officiellement, il est au cœur des préoccupations du président Tshisekedi, qui ne manque pas une occasion de dénoncer l’insécurité et les violences qui se déroulent dans les trois provinces orientales (le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et l’Ituri). Plus de 200 groupes armés y sévissent, mais un seul concentre les critiques du pouvoir en place : le M23, présent au Nord-Kivu et régulièrement accusé d’être soutenu par le Rwanda voisin, ce qui est corroboré par des experts de l’Onu, les Etats-Unis et d’autres pays occidentaux, bien que Kigali s’en défende. D’autres groupes, comme les Forces démocratiques alliées, affiliées à l’Etat islamique depuis 2019, multiplient des massacres et exactions, bien plus meurtrières, et nourrissent l’instabilité dans l’est du pays. Sans curieusement susciter de réactions à Kinshasa.Maria Malagardis.

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