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Grèce : désabusés, les électeurs de gauche hésitent à faire à nouveau confiance à Alexis Tsipras

“Dimanche, cela sera pareil, il y aura un sursaut de dernière minute”, assure Evdokia. Cette enseignante, dans la cinquantaine, veut se convaincre de la nécessité d’aller voter. “Il y a encore une semaine, je disais que je n’allais pas voter. Tsipras nous a trop déçus. Mais depuis quelques jours je me suis résolue à voter Syriza. Ne serait-ce que pour réduire l’écart avec Mitsotakis”. Un écart favorable au Premier ministre sortant, estimé selon les sondages de 1,5 % à 7 %.

L’après-référendum de 2015 ne passe toujours pas

Ektoras, un cuisinier 26 ans, n’a pas pour sa part pas fait le déplacement, “Tsipras ne m’a pas convaincu. Je n’ai pas encore digéré le coup de référendum ou il s’est moqué de notre vote”. Beaucoup d’électeurs de gauche ou même des centristes, qui en juillet 2015 avaient voté à plus de 61 % contre la poursuite des mesures d’austérité, gardent un chien de leur chienne au leader du parti Syriza, qui a cédé aux pressions des créanciers du pays, l’Union européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaires international. Ils l’accusent d’avoir fait la kolotoumba, littéralement « le salto arrière du cul ».

Le “non” des Grecs à l’austérité s’est transformé en un “oui”, suivi d’un quatrième memorandum jugé par la population plus punitif que répondant vraiment à des objectifs de redressement budgétaire économique. Désormais c’est dans la mémoire collective et la seule question que se posent depuis des semaines une grande partie des électeurs de gauche est : faut-il oui ou non voter pour le parti Syriza ?

Au lycée professionnel de Peristeri, une quinzaine de professeurs se sont réunis pour en décider. Après des heures de discussions, deux ont maintenu leur vote en faveur de petits partis, deux iront voter pour le Parti communiste, une se décidera au dernier moment et les neuf autres se sont ralliés au Syriza, la mort dans l’âme.

En Grèce, l’ombre de l’extrême droite plane sur la campagne électorale

Un vote de rejet davantage qu’un vote d’adhésion

Petros Ioannidis de l’Institut de sondage About People n’en est pas surpris : “Le vote de dimanche sera un vote de rejet. Aucun des candidats n’a convaincu. Les uns vont voter pour éliminer Mitsotakis les autres pour barrer la route à Tsipras. Et les abstentionnistes seront nombreux”. En 2019 lors des dernières législatives ils étaient presque 42 %. Stelios Kouloglou eurodéputé Syriza des plus critiques est d’accord, “Face au pire gouvernement que le pays a connu depuis le retour de la démocratie (en 1974, NdlR), le Syriza a n’a pas su proposer un programme positif”.

Pourtant, selon le journaliste français Fabien Perrier, auteur du livre Alexis Tsipras une histoire grecque, “il y a une dynamique Syriza dans la dernière ligne droite. On n’est pas à l’abri d’une surprise” affirme-t-il. Un point de vue défendu par Kostas Arvanitis eurodéputé Syriza qui a mené campagne jusque dans les villages les plus reculés du pays : “On doit monter ce que l’on a fait, expliquer notre programme”, martèle-t-il. “Nous ne sommes pas un parti social-démocrate, mais un parti de gauche avec l’étoile sur le front”.

Il est l’un des rares au sein Syriza, qui reste essentiellement un parti urbain, à avoir compris l’importance des campagnes. Pour Fabien Perrier, c’est précisément le point faible du Syriza. “Il n’a pas su se transformer en quatre ans d’opposition en un parti de masse organisé, implanté dans toutes les sphères et couches de la société capable d’apporter des réponses aux problèmes des Grecs”, constate le journaliste. Des problèmes qui pour 70 % de population concernent les salaires, l’inflation – qui a atteint 11 % – et le chômage, l’un des plus haut de la zone euro (10,9 % en mars).

Une telle erreur se paye d’autant plus cher que le Nouvelle démocratie, le parti conservateur du Premier ministre sortant, véritable parti de masse horizontal, met en avant ses réussites économiques et promet mont et merveilles. Kyriakos Mitsotakis est le chef du gouvernement sous lequel la Grèce est sortie de douze ans d’étroit contrôle financier par ses créanciers. Aussi sans surprise, 46,1 % des Grecs estiment qu’il serait un meilleur Premier ministre contre 25 % pour Tsipras.

Selon les sondages, le parti de Kyriakos Mitsotakis arriverait dimanche en tête avec environ 33 à 36 % des voix, le Syriza d’Alexis Tsipras aurait environ 30 %. Trop peu pour une majorité absolue, pour l’un comme pour l’autre. Suivent le parti socialiste (Pasok) , le parti communiste, le parti de l’ancien ministre des Finances de Tsipras, le franc-tireur Yanis Varoukakis et plusieurs formations d’extrême droite. Former une coalition s’annonce difficile et de nouvelles élections sont déjà prévues le 2 juillet. Le gagnant de ce deuxième tour remportait un bonus de 30 sièges.

« Un mauvais accord pour la Grèce et pour l’Europe »