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En Grèce, l’ombre de l’extrême droite plane sur la campagne électorale

Adonis Georgiadis qui vendait à la télévision des livres antisémites vantant la supériorité de la race grecque est ministre au Développement et aux Investissements. Makis Voridis, un ami personnel du leader historique du Front national, Jean-Marie Le Pen, a pris du galon lors du remaniement d’août 2022 : il est passé de l’Agriculture à l’Intérieur. Enfin, plus inquiétant, Thanos Plevris, fils de révisionniste rayé du barreau pour avoir fait le salut nazi en salle d’audience à plusieurs reprises, et révisionniste repenti lui-même, a fait son entrée au gouvernement lors de ce remaniement en tant que ministre de la Santé. “C’est un signe des plus clairs envers cet électorat”, relève un diplomate en poste à Athènes. Qui ajoute : “Il y a des gens très valables à droite. Choisir Plevris n’est pas innocent”.

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L’extrême droite faiseuse de Premier ministre

Devant l’inquiétude de la communauté juive, pourtant généralement très discrète, tous ont dû montrer patte blanche et revenir sur leurs “erreurs du passé” mais personne n’est dupe. “On s’attendait à tout mais pas à Plevris au gouvernement. On suit la situation de très près”, lâche Leon Nar, écrivain et figure de proue de la communauté juive de Grèce.

Ces “trois mousquetaires” comme une partie de la presse surnomme Georgiadis, Voridis et Plevris, font campagne pour le parti du Premier ministre. S’il s’en désole, Alexandros Sakélariou, professeur de sociologie à l’université de Panthion d’Athènes n’y voit rien d’étonnant : “Kyriakos Mitsotakis a pris le contrôle de Nouvelle Démocratie grâce au support de l’extrême droite du parti. Il a dû renvoyer l’ascenseur, d’où ces trois ministres devenus incontournables et il a été élu Premier ministre avec une grande partie des voix de l’extrême droite du pays. Il ne va pas lui tourner le dos maintenant alors que le scrutin s’annonce des plus serrés”.

De fait, si depuis le début de la campagne électorale Kyriakos Mitsotakis est en tête dans tous les sondages, ces mêmes sondages (qui valent ce qu’ils valent en Grèce) soulignent qu’il est peu probable qu’une majorité parlementaire se dégage dimanche prochain. Aussi un second tour, tout aussi serré, sinon plus, s’annonce pour le 2 juillet. Autant dire que chaque voix compte.

Le terrible accident de train le 6 février dernier, le plus grave que le pays ai connu qui a fait 57 victimes, a fait chuter la cote de popularité de Mitsotakis. Mais à peine six semaines plus tard elle remontait sensiblement.

Un danger réel, mais à ne pas surestimer

Pour autant Mitostakis est fragilisé, d’où ses appels du pied à l’extrême droite plus à même de voter pour lui que les centristes ou même les indécis. D’autant que la majorité de cette extrême droite se sent déboussolée, voire orpheline, depuis la condamnation du parti néonazi grec Aube Dorée le 7 octobre 2020 en tant qu’organisation criminelle. Le parti des Grecs que l’ancien porte-parole d’Aube dorée avait fondé du fond de sa cellule a été exclu du scrutin suite à une proposition de loi de Makis Voridis au printemps 2020, “C’est autant de voix de gagnées pour Mitsotakis”, ironise Loucas Stamellos, cofondateur du site alternatif d’information Omnia TV. “Il savait ce qu’il faisait”.

Pour autant Kostas Papadakis, avocat de la partie civile dans le procès contre Aube Dorée, n’est pas inquiet : “Le danger de l’extrême droite en Grèce est nettement inférieur à celui présent ailleurs en Europe, car si on regarde les cartes électorales, on voit constate que la Grèce est un des rares pays ou l’extrême droite n’atteint pas un score à deux chiffres”.

Il n’empêche : quel que soit le résultat de ces élections la campagne électorale en cours a eu l’effet révélateur d’un phénomène profondément ancré dans la vie politique grecque et qui n’est pas près de disparaître.

Le parti des Grecs, héritier de la formation néo-nazie et criminelle Aube dorée interdit de participer aux élections.