International

Evgueni Prigojine, l’ambitieux mafieux de Vladimir Poutine

L’état des relations entre les deux hommes est inconnu, mais les services de renseignement américains ont longtemps cru que Evgueni Prigojine faisait partie de ceux qui pouvaient appeler le président russe sur son téléphone. Ses nombreux appels publics à recevoir plus de munitions pour sa milice semblent indiquer que ce n’est plus le cas.

On peut pourtant considérer que cet homme de 61 ans, marié, père de deux enfants, fait partie de “la bande de Saint-Pétersbourg”, ces proches du président qui ont grandi politiquement et financièrement à ses côtés et l’ont aidé à se faire propulser à la tête du Kremlin.

Bakhmout, la bataille la plus sanglante et la plus longue depuis le début de la guerre : Ukraine et Russie revendiquent des succès

Après la prison, la restauration

Son parcours a commencé comme celui de Vladimir Poutine. L’un étudiait le droit, l’autre se destinait aussi à une vie droite, celle d’un sportif de haut niveau. Evgueni Prigojine rêvait de devenir skieur de fond professionnel. C’est finalement en prison qu’il est allé, près de dix ans. Dans les années 1970, il a cambriolé, volé et agressé un certain nombre de grands-mères. Tout juste libéré pour profiter des sauvages années 1990, celui qui allait bientôt nourrir le Kremlin a commencé par vendre des hot-dogs et des crêpes. Puis il a ouvert des restaurants vite devenus populaires. Son ascension a été très rapide. Dès 1993, l’ancien délinquant s’est retrouvé à la tête d’un casino, Konti. C’est certainement à ce moment qu’il a rencontré le président russe, alors en charge des relations entre les casinos et la mairie de Saint-Pétersbourg.

Prigojine est à chaque fois sur les photos, derrière Georges Bush ou l’ancien président français Jacques Chirac.

Vladimir Poutine apparaît ensuite à plusieurs reprises attablé dans la péniche restaurant de Saint-Pétersbourg du jeune entrepreneur. Prigojine est à chaque fois sur les photos, derrière Georges Bush ou l’ancien président français Jacques Chirac.

Guerre en Ukraine: les députés français veulent que Wagner soit qualifié de groupe terroriste par l’UE

C’est d’ailleurs juste en face du quai où était amarré ce bateau, de l’autre côté d’une avenue, que se trouve aujourd’hui encore le siège de Concord, sa société de restauration, au cœur de tous ses business. C’est également dans un de ses restaurants qui jouxte ces locaux que le blogueur nationaliste Vladlen Tatarski a été assassiné le 2 avril dernier. Certaines mauvaises langues y ont vu un message passé par le Kremlin au cuisinier habitué à insulter l’ensemble de l’état-major militaire russe sur ses réseaux sociaux.

<img class="w-full lazyload lazyload–opacity object-contain" alt="

Des policiers inspectent un café où une bombe a tué le blogueur militaire Vladlen Tatarskii et fait 25 blessés, le 2 avril 2023 à Saint-Pétersbourg, en Russie

 » width= »768″ height= »512″ fetchpriority= »auto » src= »data:image/png;base64,iVBORw0KGgoAAAANSUhEUgAAAAMAAAACCAYAAACddGYaAAAAC0lEQVQI12NgwAUAABoAASRETuUAAAAASUVORK5CYII= » data-sizes= »auto » data-optimumx= »1″ srcset= »https://1001infos.net/wp-content/uploads/2023/05/evgueni-prigojine-lambitieux-mafieux-de-vladimir-poutine.jpg 768w, https://www.lalibre.be/resizer/8K7qqn6eHZ2O0TBpkz9oDjGKRDc=/1200×800/smart/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/57BNSWVAWZCABLMS34Y5Y6K56I.jpg 1200w »>

Le blogueur militaire Vladlen Tatarskii a été tué dans un attentat à Saint-Pétersbourg, le 2 avril 2023, tout près d’un restaurant de Prigojine. ©AFP/Archives

Séducteur et ultra-violent

Pourtant, dans les années 2000, sa proximité avec le chef du Kremlin a vite payé. Prigojine s’est vu attribuer tous les appels d’offres juteux du pays. Il nourrit désormais l’armée, les écoles des grandes villes, et surtout, Vladimir Poutine. Tel un chef de mafia qui sait être drôle, séducteur et ultra-violent quand nécessaire, il contrôle tout personnellement. Quand quelque chose ne va pas, il n’hésite pas à prendre une heure pour aller tabasser ses employés dans les bois.

En 2003, il a écrit un livre pour enfants avec sa fille, par ailleurs habituée des concours hippiques belges.

Au Kremlin, on aime ce genre de personnages dévoués et sans scrupule. Evgueni Prigojine a vite pris du galon et obtenu ses premiers contrats secrets. En 2013, il a créé des agences de presse dans la région de Kharkiv, en Ukraine, et en Crimée. Une façon de préparer le terrain à une déstabilisation militaire de la région. Dans le même temps, il désinformait maladroitement l’ouest avec son Internet Research Agency et ses 1 000 employés. Cette “usine à trolls” diffusait de fausses informations mal formulées sur les réseaux sociaux occidentaux.

Visitors wearing military camouflage stand at the entrance of the'PMC Wagner Centre', associated with the founder of the Wagner private military group (PMC) Yevgeny Prigozhin, during the official opening of the office block on the National Unity Day, in Saint Petersburg, on November 4, 2022. (Photo by Olga MALTSEVA / AFP)
Des visiteurs au centre PMC Wagner, le QG de la société paramilitaire à Saint-Pétersbourg. ©AFP or licensors

La même année, il créait le groupe Wagner avec un ami néonazi. Cette société paramilitaire illégale en Russie mais financée par le ministère de la Défense russe a rapidement été envoyée en Ukraine pour armer les rebelles et pousser à la guerre. Devant le succès de l’opération, les troupes ont été gonflées et envoyées en Libye puis en Syrie. C’est finalement Wagner qui a fait les premiers pas de la reconquête de l’Afrique par la Russie. Ces mercenaires y font la guerre et sont rendus responsables de centaines d’exactions. Ils sont l’armée secrète du président russe.

La mairie de Saint-Pétersbourg ?

De quoi rendre Evgueni Prigojine riche et influent. Depuis 2022, le cuisinier s’arrange pour placer ses mercenaires dans toutes les batailles du Donbass. Face à une armée russe corrompue et incapable de communiquer efficacement, il se pose en patriote en chef sur les réseaux sociaux et se filme sur le front. Son influence devient politique et donc dangereuse pour Vladimir Poutine qui l’aurait fait interdire des médias d’État. C’est peut-être par la politique que celui-ci pourrait être sorti du Donbass. Et si, Prigojine, qui passe son temps libre à diffamer le maire de Saint-Pétersbourg – qui lui a refusé le change du financement de sa campagne – visait la mairie de la deuxième ville du pays ?