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En Allemagne, les chrétiens-démocrates de la CDU rénovent leur programme pour reconquérir la chancellerie en 2025

Le document est moins pour les électeurs que les militants, estime le politologue Frank Decker. « Ils doivent être en mesure de communiquer des messages clairs. C’est important de les impliquer. J’ai par contre des doutes sur l’influence qu’ils pourront avoir », nuance le chercheur de l’université de Bonn.

Friedrich Merz tourne la page de l’ère Merkel

Contempteur de la flexibilité idéologique d’Angela Merkel, Friedrich Merz, patron de la CDU depuis un an, a fait du programme fondamental une de ses priorités. Pour ne rien laisser au hasard, le conservateur pur sucre a remisé les travaux entamés par une précédente direction et placé un fidèle à la coordination, le député Carsten Linnemann.

Friedrich Merz, l’éternel rival d’Angela Merkel parvient enfin à ses fins

Le travail de réflexion en cours « n’est pas aisé. On doit confronter le parti intellectuellement avec certains thèmes », détaille le quadragénaire. Il délimite le champ des possibles en rappelant certaines valeurs cardinales du principal parti de la droite allemande. La CDU considère l’individu et pas le groupe. Elle n’est « pas omnisciente » – un reproche adressé aux écologistes – et elle sépare la subsidiarité et la solidarité. « Tous ceux qui peuvent travailler doivent le faire, afin que nous puissions aider mieux ceux qui en ont véritablement besoin » insiste celui qui a été le porte-voix en interne des patrons de PME.

Immigration et déclin démographique

La consultation de la base prend aussi la forme de conférences régionales, comme ce soir de semaine dans une salle de la banlieue de Leipzig. Les quelques centaines de militants sont invités à des associations d’idées via une application mobile. À la question des plus grands défis actuels, l’immigration joue les premiers rôles. Ici en ex-RDA, où l’extrême droite a ses bastions, le thème suscite les passions, en dépit d’une très faible proportion d’étrangers. Les difficultés des communes à loger les réfugiés ont ravivé le débat récemment. « Il n’y a plus de place, il faut que l’immigration soit contrôlée », confie Antje, une quadra bien mise, se faisant le porte-voix de la fédération locale, classée très à droite. Venu d’Hildesheim, à 2 heures de route en ex-Allemagne de l’ouest, Hans-Jürgen, 65 ans de militantisme à la CDU au compteur, ne dit pas autre chose : « Nous avons accueilli beaucoup de gens. Mais l’intégration laisse à désirer ».

La mue en pays d’immigration pour compenser le déclin démographique, amorcée sous Merkel, place la direction du parti devant un hiatus, car le réservoir de candidats se trouve en-dehors d’Europe. « La CDU a du mal avec ces sujets car deux courants s’affrontent. L’aile libérale, qui peut-être voit la nécessité de l’immigration de travail, et l’aile conservatrice, qui est sceptique sur l’intégration », explique Frank Decker, « Merz a donné des signaux en direction des conservateurs mais il ne peut pas naturellement se fermer à l’avis des acteurs économiques ».

Le parti est attendu par la base sur le changement climatique. À l’exception de quelques voix engagées en interne, les contours de sa politique restent flous. Le politologue Frank Decker descelle une niche à occuper : « On voit comment la coalition a du mal actuellement avec les conséquences sociales du changement climatique ». À la tribune, un ministre régional suggère un autre axe majeur : « Achever la Réunification », alors que l’ex-RDA est toujours à la traîne économiquement.

« Il ne faut plus avoir de ligne rouge »

Dans une formation alliant trois familles – les chrétiens-sociaux, les libéraux et les conservateurs – tout le monde ne veut pas rompre avec l’ère Merkel. Dietmar Link, un responsable saxon de l’aile sociale (CDA), en rappelle « la prospérité ». À l’adresse de Friedrich Merz, avocat d’affaires et ex-gérant d’un fonds d’investissement, il souligne que l’on trouve parmi les électeurs « largement plus de salariés que d’entrepreneurs ». Le courant semble conserver de l’influence : l’introduction de cotisations sociales sur les revenus du capital est en débat. « La CDU pourrait dépasser les sociaux-démocrates sur leur gauche », observe M. Decker, soulignant que les chrétiens-démocrates ont « marqué le développement de l’État providence au moins autant que le SPD ».

Étonnamment Hans-Jürgen, qui s’inquiète de la perte de crédit de la CDU sur les questions économiques, semble ouvert à cette proposition loin des bases de la CDU. « Nous vivons une époque où nous ne pouvons plus avoir de ligne rouge ».