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Élections en Turquie : Un second tour inédit se profile – Actualités Tunisie Focus

Un second tour inédit se profile en Turquie, suspendue aux résultats définitifs du dépouillement de l’élection présidentielle de ce dimanche 14 mai, qui donnent au président Recep Tayyip Erdogan une courte avance sur son adversaire Kemal Kiliçdaroglu.

Le chef de l’État de 69 ans, au pouvoir depuis 20 ans, a perdu dans la soirée l’avance dont le créditaient les médias officiels sur son rival social-démocrate, passant sous la barre des 50 %. Selon les chiffres officiels portant sur près de 99 % des bureaux de vote ce lundi, le président est en tête avec 49,4 % des voix, devant Kiliçdaroglu qui en recueille 45 %.

Ces résultats ouvrent la voie à un deuxième tour le 28 mai. Ce qui constitue une première pour la République turque, centenaire cette année. Erdogan, qui s’estime « en tête », dit qu’il respectera ce scrutin et « la prochaine élection ». Kemal Kiliçdaroglu, a, lui, promis lundi la victoire de son camp « au second tour » du scrutin.

Erdogan « prêt à respecter » un second tour

« Même si les résultats ne sont pas encore publiés, nous sommes clairement en tête », a savouré Recep Tayyip Erdogan devant une marée de supporters réunis au coeur de la nuit (2h30 locales) à Ankara : « Nous respectons ce scrutin et nous respecterons la prochaine élection » a-t-il assuré. « Nous ne savons pas encore si l’élection est terminée avec ce premier tour mais si le peuple nous emmène au second tour, nous le respecterons ».

« Peu importe le résultat, 27 millions de personnes ont préféré voter pour nous », a-t-il continué alors que les opérations de dépouillement se poursuivaient. « Je pense que nous finirons cette élection avec plus de 50% » des suffrages, a-t-il insisté. « Le peuple a choisi la stabilité et la sécurité lors de cette élection présidentielle ».

Erdogan a également revendiqué la « majorité » des 600 sièges au Parlement pour l’Alliance nationale qu’il a formée entre son parti, l’AKP et de petits partis nationalistes et islamistes.

Kemal Kiliçdaroglu promet la victoire au second tour

Kemal Kiliçdaroglu, a promis lundi la victoire de son camp « au second tour » du scrutin. « Si notre nation demande un second tour, nous l’acceptons volontiers. Et nous allons absolument gagner ce second tour », a-t-il lancé au cœur de la nuit, depuis Ankara, entouré des représentants des six partis de sa coalition.

Le président Recep Tayyip « Erdogan n’a pas pu obtenir le résultat qu’il escomptait en dépit de toutes les insultes » proférées à l’encontre de son adversaire, a continué Kiliçdaroglu.

« Le besoin de changement dans la société est supérieur (au chiffre de) 50% ; nous devons absolument gagner et installer la démocratie dans ce pays », a-t-il estimé sans évoquer les élections législatives qui se déroulaient simultanément.

Bataille de chiffres

« Nous allons avoir 15 jours difficiles devant nous en cas de deuxième tour », a prévenu Sinon Ogan, dissident du parti nationaliste MHPen refusant de dire quel candidat il soutiendrait. Pour être déclaré vainqueur, l’un des deux candidats de tête doit obtenir une majorité de 50 % des voix plus une.

Dans l’attente des résultats définitifs, les deux camps se sont livrés une bataille de chiffres, enjoignant leurs observateurs respectifs à rester sur les lieux de dépouillement « jusqu’au bout ». « Nous sommes en tête », a affirmé Kemal Kiliçdaroglu.

L’un de ses bras droits, le maire d’Istanbul Ekrem Imamoglu, a appelé « les citoyens à ne pas tenir compte des chiffres donnés par Anadolu ».

Un taux de participation record

À Istanbul, la mégapole de 16 millions d’habitants, les 20 % des bulletins qui restaient à dépouiller en milieu de nuit pourraient aider Kiliçdaroglu à réduire l’écart.

À Diyarbakir, la grande ville à majorité kurde du sud-est du pays, Kemal Kiliçdaroglu a obtenu plus de 71 % des voix sur les quatre-cinquièmes des bulletins dépouillés, selon Anadolu.

Toute la journée, les urnes se sont remplies de grosses enveloppes couleur moutarde déposées par des électeurs qui ont parfois attendu plusieurs heures devant les écoles transformées en bureaux de vote. Le taux de participation, semble-t-il proche de 90 %, n’a pas été communiqué officiellement.

Le ballottage, un revers pour Erdogan

En jeu : le choix du treizième président de la République turque, qui fête son premier siècle, et l’avenir du chef de l’État qui espère se maintenir au pouvoir à l’issue de ce scrutin que les sondages avaient prédit serré.

Le vainqueur doit obtenir une majorité de 50 % des voix plus une, sous peine d’un deuxième tour le 28 mai – date anniversaire symbolique du plus grand mouvement de contestations populaire qui a secoué le pouvoir en 2003.

Les 64 millions d’électeurs devaient aussi choisir les 600 députés qui siégeront au parlement monocaméral à Ankara. En 2018, lors de la dernière présidentielle, le chef de l’État l’avait emporté au premier tour avec plus de 52,5 % des voix. Un ballottage constituerait déjà pour lui un revers.

« Ne pas diviser la Turquie »

Les électeurs sont principalement partagés entre un vote en faveur du président islamo-conservateur Erdogan, 69 ans, et pour Kemal Kiliçdaroglu, à la tête du CHP, le parti laïque de Mustafa Kemal Atatürk, fondateur de la Turquie moderne.

« Je dis +continuez+ avec Erdogan », implore au contraire Nurcan Soyer, foulard sur la tête, devant le bureau de vote d’Erdogan.

Dans la ville meurtrie d’Antakya, l’ancienne Antioche (sud) ruinée par le séisme, Mehmet Topaloglu est arrivé parmi les premiers : « Il faut du changement, ça suffit ». Les blessures restent vives trois mois après le drame.

Kiliçdaroglu emmène un front uni de six partis de la droite nationaliste au centre gauche libéral. Il a en outre reçu le soutien du parti prokurde HDP, troisième force politique du pays.

Erdogan se présente cette fois devant un pays usé par une crise économique, avec une monnaie dévaluée de moitié en deux ans et une inflation qui a dépassé les 85 % à l’automne.

Face à lui, Kemal Kiliçdaroglu a joué la carte de l’apaisement, promettant le rétablissement de l’État de droit et le respect des institutions, malmenées au cours des 10 dernières années par la dérive autocratique d’Erdogan.