France

Toulouse : Le Solidaritruck, une cuisine roulante pour ceux qui n’en ont pas

D’habitude, si elles ont de quoi, Valbona et Anxhela enchaînent les allers-retours dans les escaliers de l’hôtel « les bras chargés de casseroles ». Pour faire la popote, les deux mères de famille albanaises se serrent dans la petite cuisine de l’établissement, où les places sont chères. Mais pas les jours où le Solidaritruck débarque sur le parvis et déploie son petit escalier amovible menant à une cuisine tout équipée.

Ce poids lourd aménagé par la Banque alimentaire fait partie des nouveaux « tiers lieux » expérimentés à Toulouse pour « favoriser l’accès à l’alimentation » des sans-abri, et plus spécifiquement des familles ou personnes isolées logées par la préfecture dans des hôtels de banlieue, faute de places dans les lieux d’hébergements d’urgence. Dans la Ville rose, ils sont « environ 2.000 » dans ce cas, vivant quasi exclusivement dans leurs chambres. « Sans coin cuisine, parfois sans micro-ondes », souligne Daniel Rougé, l’adjoint aux affaires sociales, qui voit dans le Solidaritruck « l’occasion de faire passer un message sur une alimentation plus saine » et de « retrouver une forme d’autonomie ».

« Quand le camion est là, on mange beaucoup mieux »

Concrètement, depuis février, le camion blanc se gare à jour fixe devant un des sept hôtels de sa tournée, à Balma, Cornebarrieu ou encore, comme mardi, à Saint-Martin-du-Touch. Il apporte avec lui des denrées du jour – pommes de terre, viande, collection très fournie d’épices. « Et les participants complètent avec les ingrédients qu’ils ont dans leur chambre », explique Justine, la travailleuse sociale de l’association France Horizon, chargée de la gestion de cette cuisine roulante. Ensuite, « chacun amène ses idées », y met une pincée de « sa culture » et de gros plats familiaux sortent des fourneaux. « Bien sûr, ils ne nous attendent pas pour manger et fréquentent les autres lieux d’aide alimentaire », reconnaît Emilie Mège, la coordinatrice de l’insertion à France Horizon. « Mais quand le camion est là, on mange toujours beaucoup mieux », assure Matilda, la fille adolescence de Valbona. Au dernier passage du Solidaritruck, sa mère a même préparé des « boîtes » pour une connaissance qui vit dans un squat.

Au début du dispositif, Justine, sa collègue Clarisse, et Dimitri, en service civique, frappaient aux portes des chambres, avec une pâtisserie par exemple, au moment de leur arrivée. « On le fait toujours mais on s’aperçoit que les habitués reviennent et qu’il y a aussi de nouvelles têtes, ce qui est bon signe », confie Justine. A Saint-Martin, il a même fallu établir trois créneaux sur inscription, de 10h30 à 15h30, sans quoi on ne pouvait plus remuer sa poêlée tranquille dans une cuisine sur roue aussi bondée que celle de l’hôtel attenant les autres jours. Dans le « camion », on parle recettes évidemment – les intervenants ne manquent pas d’en noter quelques-unes dans leur carnet –, mais aussi bébé à venir, école, date d’anniversaire. La cuisine, essentielle, sert aussi « de prétexte pour parler d’autres problèmes plus graves ». C’est ce que Daniel Rougé appelle « l’aller vers » pour renouer un dialogue avec des personnes qui, bien souvent, avec ce logement temporaire, rompent le fil avec les services sociaux.

Le poids lourd aménagé en cusine dessert sept hôtels de la banlieue de la Ville rose
Le poids lourd aménagé en cusine dessert sept hôtels de la banlieue de la Ville rose – H. Ménal

Le camion, astucieusement aménagé, peut accueillir des activités culturelles dans son salon au bout duquel Anthony, conseiller numérique municipal, pose, à mi-temps, ses ordinateurs dans un petit bureau. Sa mission : « résorber la fracture numérique ». « Pour l’instant, je fais des remises à niveau, j’aide à comprendre les sites administratifs mais peut-être qu’ensuite, j’aurai des demandes plus spécifiques », dit le technicien. Le bahut se transforme aussi, parfois, en friperie. Il y a une autre pièce tout au bout, avec un point d’eau. Et quand il n’y aura pas d’atelier méditation, l’objectif est d’y embarquer du personnel de santé. Le Solidaritruck dispose de deux ans pour trouver les bons ingrédients.