France

Réforme des retraites : Faire plus d’enfants, la solution miracle pour éviter de travailler plus vieux ?

L’objectif de cette réforme tant souhaitée par le gouvernement est clair, financer les retraites de nos séniors. Car l’argument est : le nombre de cotisants qui financent le système, par rapport au nombre de retraités va continuer de baisser du fait du vieillissement de la population. Le Conseil d’orientation des retraites (COR) a prouvé cela dans son dernier rapport, publié en septembre 2022 : de 2,1 cotisants pour un retraité en 2000, ce chiffre tomberait progressivement à quelque 1,5 en 2040 et 1,2 en 2070.

Sur ce débat du financement des retraites, la droite et l’extrême droite ont mis sur le devant de la scène le débat sur la natalité. Jordan Bardella, président du Rassemblement national, a expliqué à l’antenne de France Inter vouloir « soutenir une politique familiale et une politique nataliste ». Et d’ajouter : « La France n’a jamais été aussi peuplée mais nous n’avons jamais eu aussi peu d’enfants. »

« Nous assumons de vouloir porter une politique nataliste ambitieuse pour la France. L’extrême gauche a raison sur un point : oui la question démographique est une question idéologique, car pour financer un régime par répartition, c’est soit plus d’enfants, soit plus d’immigrés. La droite fait clairement le choix de l’enfant, qui dans toutes les sociétés a toujours été le symbole de l’avenir », a confié au Parisien le président du groupe LR au Sénat Bruno Retailleau.

Les valeurs familiales : fer de lance de la droite

Donc, pour augmenter le nombre de cotisants, ils réclament des mesures censées, selon eux, doper les naissances. Pour appuyer sa théorie, le président du RN relaie « une étude Kantar » qui montre que « le taux idéal d’enfant par famille » serait d’à peu près 2,49, alors que « le taux de fécondité réel dans notre société est de 1,88 » enfant par famille. Or, les démographes fixent à 2,07 le nombre d’enfants par femme que celles-ci devraient mettre au monde pour assurer une stabilité de la population française. C’est ce qu’on appelle le « seuil de renouvellement » de la population.

« La droite cherche à remobiliser ses troupes sur le thème familial, car ces questions sont centrales pour eux », commente Hervé Le Bras, démographe. Pour ce dernier, l’objectif serait simplement un coup de communication politique afin de redonner de la popularité à la droite auprès des Français. « Ça m’étonnerait que Bruno Retailleau pense vraiment que cela puisse avoir un impact dans les cinq ou dix ans », souligne-t-il. 

Un impact à long terme dans l’idéal

« C’est grotesque », attaque Hervé Le Bras. « Les naissances actuelles n’auront un impact sur les retraites qu’à l’entrée de ces enfants sur le marché du travail. Donc dans à peu près 20 ans, au mieux », ajoute-t-il. Selon les moyennes, d’ici à 20 ans il y aura encore quatre à cinq réformes des retraites : « C’est vraiment faire des plans sur la comète. » Ce qui est urgent, pour lui, ce sont les cinq ans à venir.

Pour le démographe, « la baisse de natalité n’est pas très importante, mais elle s’inscrit dans la tendance ». Vient ensuite la question : des mesures natalistes pourraient-elles vraiment faire remonter le nombre de naissances ? « Ça a très peu d’effets. » Le spécialiste explique qu’en mettant une importante somme d’argent dans ces mesures, il est possible de faire remonter l’indice de natalité de 0,1 à 0,2 enfant au maximum. Il y a « un effet d’aubaine lors des mesures. Les couples saisissent l’occasion pour faire un enfant qu’ils auraient probablement fait plus tard. Mais cette hausse de natalité est seulement très ponctuelle, pour retomber ensuite », explique le démographe.

Et pour lui, ce n’est pas la meilleure solution car ces politiques de natalité auraient l’impact le plus fort sur les classes populaires, qui sont celles qui font le plus d’enfants. « Cela revient à pousser à avoir plus d’enfants dans les classes populaires, donc ceux qui auront le moins de moyens pour les élever, donc le plus de difficultés. »

François Hollande n’est pas le responsable de la baisse de natalité

Pour justifier leurs propositions, droite et extrême droite dénoncent un affaiblissement de la politique familiale depuis le quinquennat de François Hollande. Plusieurs évolutions ont été décidées à l’époque, visant à donner un caractère davantage redistributif aux mesures de soutien aux familles.

Selon les élus de droites, ces mesures ont conduit à une baisse de la natalité : fin de l’universalité des allocations familiales désormais modulées en fonction des revenus, diminution de la prestation d’accueil du jeune enfant pour les ménages dont les ressources dépassent un certain seuil, abaissement du plafond du quotient familial (avantage fiscal lié à la présence d’enfants à charge dans le foyer).

Toutefois, selon les chiffres de l’Insee, le nombre de naissances en France avait commencé à diminuer bien avant l’adoption de ces mesures. On voit ainsi que la France hors Mayotte avait enregistré un pic de 832.400 naissances en 2010, un nombre qui baisse progressivement chaque année ensuite pour tomber à 811.400 en 2014. Cette diminution de la natalité ne peut donc pas être directement imputée aux politiques de François Hollande. Ce que le démographe, Hervé Le Bras, confirme : « Elle a commencé avant les mesures et concerne toutes les classes sociales. »