France

Mayotte : Tout comprendre à l’opération « Wuambushu » contre les sans-papiers

Le gouvernement français a lancé l’opération « Wuambushu » à Mayotte. Ces séries d’interventions policières qui étaient « secrètes » doivent permettre de lutter contre la délinquance et l’immigration illégale dans le 101e département de France. Paris veut procéder à des expulsions massives d’étrangers en situation irrégulière et à des destructions de bidonvilles. Mais de quoi s’agit-il exactement ? Quelles sont les critiques ? 20 Minutes fait le point pour vous.

En quoi consiste cette opération ?

La France veut déloger des migrants en situation irrégulière des bidonvilles de Mayotte, et expulser les sans-papiers, dont la plupart sont des Comoriens, vers Anjouan, l’île comorienne la plus proche située à 70 km. Le gouvernement n’a pas donné de date de lancement ni de fin pour cette opération « Wuambushu » (« reprise » en mahorais).

Mais quelque 1.800 policiers et gendarmes, dont des centaines de renforts de métropole, sont déjà mobilisés dans le petit archipel de l’océan Indien. Au total, plus de 2.500 personnels (forces de l’ordre, agence régionale de santé, justice, réserve sanitaire) sont mobilisés, selon une source proche du dossier.

Quelle est la situation migratoire à Mayotte ?

De nombreux migrants africains et notamment comoriens périssent régulièrement dans des naufrages en tentant chaque année de rallier clandestinement Mayotte, notamment à bord de petites embarcations de pêche à moteur appelées kwassa kwassa. Selon l’Insee, près de la moitié de la population de Mayotte ne possède pas la nationalité française, mais un tiers des étrangers sont nés sur l’île. En 2022, les autorités ont procédé à 25.380 reconduites à la frontière, selon la préfecture de Mayotte.

Ces migrants clandestins, installés dans des quartiers particulièrement insalubres, des « bangas » en proie à la violence et aux trafics, vivent pour la plupart tranquillement sur l’île, occupant de petits emplois. Les mineurs sont scolarisés. Mais ils sont aussi accusés par la population et les élus de déséquilibrer le peu d’infrastructures et ressources de l’île et de nourrir un taux de délinquance « hors normes ».

Plusieurs opérations dites de « décasage », parfois réalisées par des habitants de l’île eux-mêmes constitués en milices, ont déjà eu lieu depuis 2016. Gérald Darmanin a dit souhaiter la destruction de « 1.000 bangas dans les deux mois ». « Nous prendrons le temps nécessaire […] toujours sur autorisation du juge, car il va de soi que nous relogeons les personnes conformément au droit », a-t-il affirmé.

Quelle est la réaction des Comores ?

Le président comorien a déclaré samedi privilégier le « dialogue » avec Paris sur l’épineuse question du renvoi sur l’archipel de personnes présentes illégalement dans le département français voisin de Mayotte. « En ce qui concerne les événements de Mayotte, la voie choisie est celle du dialogue », a affirmé Azali Assoumani, chef d’Etat et imam autoproclamé, depuis la mosquée de Mitsudje (15 km de la capitale Moroni) où il a dirigé la prière en ce jour symbolisant la fin du ramadan dans le pays de l’océan Indien.

« Nous privilégions la recherche de perspectives nouvelles pour trouver une solution à ce contentieux désagréable », a-t-il ajouté. Vendredi, le porte-parole du gouvernement de Moroni, Houmed Msaidie, a déclaré que « les Comores n’entendent pas accueillir des expulsés issus de l’opération projetée par le gouvernement français à Mayotte ». « Mon gouvernement a clairement affiché sa position, il n’acceptera pas d’expulsions », a renchéri samedi le ministre de l’Intérieur comorien interrogé par l’AFP. Fakridine Mahamoud a toutefois déclaré poursuivre les discussions avec la France et s’être entretenu encore la veille avec Gérald Darmanin : « J’ai bien discuté avec mon homologue français. A ce stade, nous ne pouvons pas parler d’accord ».

Quelles critiques provoque cette opération ?

Plusieurs organisations, dont la Ligue des droits de l’Homme, se sont inquiétées que « la France place ainsi des mineurs dans des situations de vulnérabilité et de danger intolérables ». La Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) a demandé à Beauvau de renoncer à l’opération, face aux risques d’« aggravation des fractures et des tensions sociales » à Mayotte et d’« atteinte au respect des droits fondamentaux des personnes étrangères ».

« Les actions annoncées […] m’inquiètent tout particulièrement », a aussi déclaré la Défenseure des droits Claire Hédon, qui a annoncé la présence de quatre de ses délégués sur place. « On ne peut pas respecter les droits des personnes en les considérant comme une masse informe », a fait valoir Flor Tercero, la responsable des Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), une délégation de robes noires mandatées par des barreaux métropolitains pour mener une mission d’observation de l’opération. L’association Droit au logement (DAL) a appelé dimanche à stopper l’opération qu’elle qualifie de « brutale » et d’« anti-pauvres ». Cette opération « d’une ampleur inédite en France depuis un siècle », selon le DAL, risque de « briser des familles » et de les jeter « dans la grande misère », redoute l’association.